une préoccupation permanente pour la ville de Reims


Nos confrères de France 5, de l’émission Vert de Rage, ont mené l’enquête pendant huit mois. L’amiante dans les écoles maternelles et primaires de France reste un dossier préoccupant, voire tabou. Sur les 100 plus grandes villes de France contactées, seules 7 ont répondu aux questions des journalistes. Reims fait partie de celles-là.

 

une préoccupation permanente pour la ville de Reims

A Reims, 60 écoles sur 104 sont concernées par l’amiante. « Cela tient à l’histoire de la ville, puisque ce sont des écoles construites dans les années 60, 70, 80, 90, explique Véronique Marchet, 1ère adjointe au maire de Reims, déléguée à l’éducation. Poussée démographique, la ville devient attractive donc on construit des écoles et à l’époque avec de l’amiante ».

En 1997, l’amiante devient un matériau interdit car cancérigène. Cette interdiction entraîne aussi une obligation. Tous les propriétaires de bâtiments construits avant le 1er juillet 1997 doivent faire réaliser, par un diagnostiqueur agréé, un repérage des matériaux amiantés. C’est ainsi qu’est constitué le dossier technique amiante (DTA).

La fibre d’amiante est indétectable à l’œil nu. Elle est 200 à 500 fois plus fine qu’un cheveu. Par contre, une seule fibre peut suffire à provoquer un cancer, elle est classée par l’OMS (Office mondial de la Santé) comme un cancérogène sans seuil.

A l’école Tournebonneau, un échafaudage a été installé à l’arrière du bâtiment pour remplacer les fenêtres. Une entreprise spécialisée procédera, avant, au désamiantage de la façade.

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Alors, le moindre trou à effectuer, la remise en état d’un sol ou encore d’un mur, des travaux sur les façades, tout est sujet à analyses avant de passer à l’acte. Car si le DTA est obligatoire dans chaque école concernée par l’amiante, il ne révèle que les parties accessibles. Et la fibre d’amiante peut avoir été introduite partout. « À titre d’exemple, à l’école Tournebonneau, dans le quartier Saint-Rémi de Reims, en ce moment, on change toutes les huisseries, reprend Véronique Marchet, 1ere adjointe de la ville de Reims. On en a aussi profité pour désamianter en façade. On joint l’utile à l’utile ».

Des travaux en quatre phases dont la quatrième débutera à la fin de l’année scolaire. Car évidemment, qui dit désamiantage dit aucun enfant ni personnel dans l’école. Les procédures, gérées par des entreprises habilitées, sont soumises à des réglementations très strictes. Dans cette école, l’amiante est là, sournois, placé dans les joints des fenêtres. Ici, il n’est pas accessible et donc sans risque pour les personnes travaillant dans le bâtiment. Ailleurs, ce n’est pas toujours le cas.

À marche forcée

en tout cas pas à Reims. La ville a validé notre demande de reportage et une école a été ciblée. Nous devions nous rendre dès 9h ce vendredi matin à la maternelle et primaire Galilée-Newton dans le quartier Croix Rouge. Le rectorat avait aussi accepté et une des directrices et un des responsables du rectorat étaient même susceptibles de répondre à nos questions. Mais, la veille du tournage, c’est le ministère de l’Education Nationale, qui a mis son véto en nous interdisant de filmer les enfants, d’interroger les enseignants. Incompréhension. Le dossier amiante dans les écoles primaires et maternelles n’est pourtant pas de leur ressort puisque les bâtiments ne leur appartiennent pas. L’Éducation Nationale, doit, bien sûr, s’assurer de la sécurité des enfants et des personnels. Ce qu’elle fait par l’intermédiaire de son conseiller prévention académique et de son inspecteur santé sécurité totalement détaché sur ces questions.

L’académie de Reims a demandé à avoir l’ensemble de ces dossiers techniques. Pour certaines villes, cela a été compliqué, nous a-t-on rapportés. Il a fallu passer par le préfet.

Renaud Rouffignac, délégué syndical SNES et représentant du personnel

Alors pourquoi ce véto ? Nos confrères de France 5, qui ont mené l’enquête pour l’émission Vert de Rage, ont rencontré les mêmes difficultés. « Nous avons même pu mettre la main sur des mails de rectorats demandant aux directeurs et directrices d’écoles de ne pas nous répondre. La question de l’amiante dans les établissements scolaires demeure un tabou ». Un tabou pour l’Education Nationale mais pas pour la ville de Reims qui a décidé de nous ouvrir, malgré l’interdiction, les portes de l’école. Pas question pour les élus de la ville que soit jeté le doute sur leur travail. En début d’après-midi, accompagné d’Alexandre Ponsinet en charge des travaux et de l’entretien des bâtiments, nous entrons dans l’école primaire. Une seule consigne, ne pas filmer les enfants et les enseignants.

Metz, Mulhouse, Nancy, Troyes : les mairies n’ont, elles non plus, pas souhaiter répondre à l’enquête sur l’amiante dans leurs écoles. Colmar, Strasbourg, Reims ont répondu de façon plus ou moins complète.

Du côté des enseignants et notamment des représentants du personnel, on nous répond que « les écoles concernées sont sensées toute avoir un DTA, explique Renaud Rouffignac, représentant du personnel SNES et siégeant au FS-SSCT du CSA académique. L’académie de Reims a demandé (en son temps) à avoir l’ensemble de ces dossiers techniques. Pour certaines villes, cela a été compliqué, nous a-t-on rapportés. Il a fallu passer par le préfet ». Dans le même temps, le dossier de l’amiante, « en matière de prévention n’est pas une préoccupation actuelle, reprend-il. Concernant le personnel, nous avons un suivi assuré par l’Education Nationale par l’intermédiaire d’un questionnaire. Grâce à celui-ci (si tant est que les personnels y répondent), on sait si les collègues ont été en contact avec de l’amiante. C’est la seule chose qui nous préoccupe. Pour le reste, l’amiante ne revient que très rarement dans nos réunions d’instance ».

Nous espérons que le document est bien rempli. Il y a des experts pour cela. Nous avions d’ailleurs un inspecteur santé et sécurité pleinement détaché sur ces questions-là. Malheureusement, le poste est vacant depuis six mois. Lui, à l’époque, répondait rapidement aux inquiétudes. Il allait enquêter, faisait des visites de sites ce qui permettait un état des lieux. Notre instance, l’ex CHSCT de l’éducation nationale, aujourd’hui FS-SSCT, a un rôle d’interpellation et pas beaucoup d’autres moyens. Nous avons aussi un registre santé sécurité au travail en ligne ou les personnels peuvent déclarer des situations. Mais vraiment, c’est quelque chose que l’on aborde peu en instance. »

Alexanre Ponsinet, responsable des travaux et de l’entretien des bâtiments de la ville de Reims, consulte le DTA de l’école primaire Galilé-Newton.

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Ils sont les vigies dans leurs établissements et alertent régulièrement sur la dégradation de certains matériaux. 

Lorsqu’Alexandre Ponsinet, responsable des travaux et de l’entretien des bâtiments de la ville de Reims, nous ouvre la porte de l’école élémentaire Galilée nous tombons rapidement, au début du couloir, sur une boîte en bois carré. Il y est écrit : « Registre de sécurité -DTA ». Fermé à clef, ce coffre contient bien le document amiante de l’école où sont consignés les lieux encore concernés par la fibre. Un document obligatoire dans chaque établissement concerné et consultable par les parents d’élèves mais aussi par toutes les entreprises intervenant dans l’école. Puis, nous montons les escaliers pour rejoindre les salles de classe du 1er étage. 

Lorsque l’on entreprend du désamiantage, c’est un coût de l’ordre de 250 euros du mètre carré donc on est, par an, à plusieurs centaines de milliers d’euros sur le dossier de l’amiante.

Véronique Marchet, 1ere adjointe de la ville de Reims

« Ici, comme dans toutes les classes du 1er étage et du 2e étage, ainsi que dans les couloirs, on a procédé en 2016 et en 2018 à un désamiantage complet des sols en les remplaçant par un nouveau revêtement, explique Alexandre Ponsinet. Le sol, avant, était composé de matériau amianté. On était sur des dalles qui présentaient des signes de dégradation, et avant que la situation devienne critique, on a préféré les changer ». 1460 m2 carré de revêtement posé avec de la colle contenant de l’amiante ont ainsi été retirés. « Il n’y avait pas d’urgence mais il nous a semblé bon de le faire en préventif. Là, on est en élémentaire, mais on aurait pu être en maternelle où les enfants sont souvent au sol et susceptible de gratter la surface, et il nous faut prendre les devants et agir au plus vite. »

Le sol de la salle des maitres de l’école primaire Galilé-Newton commence à présenter des défaillances. Un sol contenant de l’amiante qu’il faudra changer rapidement.

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À l’école primaire Galilée, dans le quartier Croix Rouge, une fois les travaux, dans la salle des maîtres et dans la chaufferie, effectués, le DTA sera vierge jusqu’au prochain contrôle. Puis lorsque le constat sera fait de la disparition totale de l’amiante, l’école sortira du giron de la réglementation.

Chaque année, la ville de Reims, procède à des travaux de désamiantage dans les écoles. « Nous avons mis en place un plan. Ce n’est pas pluriannuel, reprend Véronique Marchet, première adjointe de la ville de Reims, mais à chaque fois que nous avons des travaux à faire dans ces écoles, on passe par le diagnostic amiante et on voit ce qu’il est nécessaire de réaliser. Lorsque l’on entreprend du désamiantage, c’est un coût de l’ordre de 250 euros du mètre carré donc on est, par an, à plusieurs centaines de milliers d’euros sur le dossier de l’amiante. Après, il n’y a pas non plus un plan qui systématiquement dit, on va casser, alors qu’il n’y a pas de danger. Les diagnostics des écoles de la ville de Reims sont tous très favorables. Donc c’est plutôt une volonté de notre part, au fur et à mesure, de faire des travaux. On évalue, et on se dit là il est temps, pour justement n’être jamais dans l’urgence ».

Le dossier technique amiante suit le bâtiment tout au long de sa vie. Il est mis à jour tous les trois ans ce qui nous permet de suivre régulièrement l’état de dégradation.

Alexandre Ponsinet, responsable de l’entretien et des travaux des bâtiments de la ville de Reims

Soixante écoles à désamianter à Reims, le chemin est encore long. Pour certaines, les travaux sont peu importants : un petit toit en fibre d’amiante au-dessus d’une entrée à l’école Pommery, quelques bacs à fleurs à Clovis-Chezel. Pour d’autres, ce sont encore des centaines de mètres carrés de sol à changer ou à recouvrir, des sanitaires, la chaufferie ou encore la toiture. Le budget à envisager reste conséquent comme les années de travaux à venir. Car si la volonté est là, le temps est un élément important dans ce dossier. Ouvrir un chantier de désamiantage prend plusieurs semaines et les travaux dans les écoles ne peuvent se faire que pendant les 6 semaines d’été.

D’où le coût financier. « Ces entreprises déposent un plan de retrait auprès de l’Inspection du Travail et de la CRAM et c’est seulement une fois ces plans de retrait validés, que l’on passe à la phase purement travaux, explique encore Alexandre Ponsinet. Juste après le désamiantage, on passe aussi par deux phases de mesures libératoires qui sont à une bonne semaine d’intervalle. Grâce à des capteurs mis en place dans la pièce, on mesure les fibres d’amiantes dans l’air. Si les mesures sont réglementaires, nous rendons les locaux aux occupants ou aux entreprises qui interviennent ensuite. Tout cela prend des semaines ». 

À Reims, cet été, plusieurs écoles seront concernées par des travaux de désamiantage. Tournebonneau dans le quartier Saint-Rémi, mais aussi Vasco de Gamma à Chatillon. Deux structures qui vont améliorer leur qualité de vie et réduire les pages de leur DTA. « Le dossier technique amiante suit le bâtiment tout au long de sa vie. Il est mis à jour tous les trois ans ce qui nous permet de suivre régulièrement l’état de dégradation. Nos passages réguliers et nos connaissances des bâtiments nous permettent d’agir et prévoir les travaux sur les années futures ». 

des Ardennes, de l’Aube et de la Haute-Marne n’ont pour la plupart pas répondu à la demande voire même refusées de communiquer la moindre information.