Voilà plusieurs semaines qu’aucun superlatif ne semble trop beau pour rendre hommage aux classes moyennes, « ces Français qui se lèvent le matin qui vont travailler et qui ne bénéficient pas de toutes les aides mais de leur travail pour vivre », « ceux qui font tourner notre économie par leur travail » pour reprendre les mots de Gabriel Attal, le ministre des Comptes publics. Bien décidé à apaiser la colère des travailleurs remontés contre la réforme des retraites, Emmanuel Macron, invité lundi du 20 Heures de TF1, a affirmé vouloir prendre des mesures pour abaisser la fiscalité des classes moyennes de 2 milliards d’euros d’ici la fin de son quinquennat. Une mesure déjà annoncée lors du dévoilement de la feuille de route des 100 jours de la Première ministre et développée plus en détail dans les colonnes de L’Opinion.
Les efforts devraient essentiellement se concentrer sur les travailleurs issus des classes moyennes. « Ceux qui sont trop riches pour être aidés et pas assez riches pour bien vivre », expliquait le chef d’État. La définition, assez large, n’éclaire pas beaucoup sur les bornes qui délimitent la dite « classe moyenne ».
Sa signification n’a pourtant rien d’évident. Tandis que l’OCDE estime que la classe moyenne regroupe ceux qui gagnent des trois quarts jusqu’au double du niveau de vie médian dans un pays (soit entre 1 300 euros et 3 600 euros par mois en France), l’Observatoire des inégalités situe plutôt cette tranche entre 1 400 et 2 600 euros.Au-delà des bornes, se pose également la question des situations très différentes que regroupe cette classe protéiforme qui constitue 50 % de la population française.
Entre travailleurs et retraités, hommes et femmes, citadins et ruraux, difficile de trouver un dénominateur commun qui influe de manière égalitaire sur toutes les situations sociales et salariales.« La difficulté est de se demander quels sont les effets que l’on recherche pour qui, explique au JDD Camille Herlin Giret, chercheuse spécialisée dans les politiques fiscales au CNRS. Au sein de la classe moyenne, on pourrait se dire qu’il faut se concentrer davantage sur les retraités à faibles revenus, en fusionnant par exemple l’impôt sur le revenu et la CSG, qui est l’un des impôts les plus inégalitaires.
Sous un autre angle, on pourrait s’attacher à réduire l’inégalité entre les hommes et les femmes en individualisant l’impôt. »Emmanuel Macron dit vouloir se concentrer en priorité les travailleurs gagnant entre 1 500 et 2 500 euros par mois avec un objectif : « redonner de la crédibilité au travail » dans un contexte où la prime d’activité et la fiscalisation lissent l’évolution de pouvoir d’achat des travailleurs gagnant entre 1,5 fois et 2,5 fois le Smic. « Nous aidons beaucoup les bas salaires, et nous avons fait plus avec la prime d’activité.
Mais la fiscalisation des revenus des classes moyennes est trop importante et s’accélère trop vite », expliquait-il ainsi pour justifier la mesure.
La suite après cette publicité
2. Quelle forme cette baisse pourrait-elle prendre ?
Restant assez flou sur les pistes envisagées pour ne pas « fermer de portes », le chef de l’État a évoqué les « choses intelligentes à faire sur une partie des charges que vous payez, des cotisations que vous payez quand vous êtes salarié » en demandant à son gouvernement de lui faire des propositions.
Ses propos, volontairement imprécis, laissent toutefois entrevoir un possible allègement des cotisations salariales qui permettrait de gommer la perte de la prime d’activité pour un salarié ayant obtenu une augmentation de son salaire. La piste de l’impôt sur le revenu par l’abaissement du taux d’imposition des premières tranches ou la création de nouveaux paliers n’est pas non plus exclue, mais ne semble pas être privilégiée en raison du surcoût qu’elle pourrait entraîner. Celle décidée en 2019 par le gouvernement avait ainsi par exemple induit un coût de 4 milliards d’euros.
« C’est étrange comme manière de faire, relève Camille Herlin Giret. En matière de finances publiques on choisit habituellement une mesure en fonction de ce qu’elle coûte, de ce qu’elle rapporte et de la cible. Annoncer d’abord une enveloppe et chercher ensuite une mesure qui remplisse les objectifs est assez périlleux.
»
3. Comment financer cette baisse ?
D’autant plus qu’un allongement de l’enveloppe n’est pas une option. Le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, ne déjà cesse d’alarmer sur le besoin de désendetter le pays et la Première ministre, Élisabeth Borne, vient de demander à chaque ministère de plancher sur des pistes pour réduire leur budget de 5 %.
Rien d’antinomique avec cette baisse d’impôts, assure toutefois Emmanuel Macron qui précise que ces 2 milliards étaient déjà inscrits dans le programme de stabilité 2023-2027, communiquée il y a plusieurs semaines à la Commission européenne. Il faudra pourtant faire des choix. La baisse des impôts sur la classe moyenne semble ainsi définitivement enterrer la baisse de l’impôt sur les successions promise par le gouvernement.
Quant au calendrier, il n’est pas beaucoup plus précis. « Quand la trajectoire budgétaire le permettra dans ce quinquennat », a seulement promis Emmanuel Macron.