a été mis en examen pour violences volontaires aggravées et placé sous statut de témoin assisté pour le meurtre de sa compagne. Après cinq ans de procédure, la famille de Bénédicte espère faire reconnaitre son statut de victime.
dans l’Oise. Ce jour-là, son conjoint appelle les secours après, dit-il, avoir découvert le corps de Bénédicte en rentrant du travail. Il aurait retrouvé la quinquagénaire morte dans le salon. La première autopsie conclut à une chute accidentelle. Bénédicte était alcoolisée et l’affaire est classée sans suite six mois plus tard. Mais la famille de Bénédicte a toujours été convaincue qu’elle avait été victime de violences conjugales qui avaient entraîné sa mort.
« À l’évidence, tout était là pour démontrer que Bénédicte était victime de graves violences, y compris des témoignages que nous avons pu fournir, de nombreuses expertises qui ont été faites. Mais on ne nous a rien épargné dans le dossier. » Pour Sylvaine, il n’y a pas l’ombre d’un doute. Elle accuse le compagnon de sa sœur qui partageait sa vie depuis 17 ans.
« Elle m’a décrit ce qu’elle vivait avec des mots terribles »
Christian Peruti, ancien compagnon de Bénédicte Belair
Dans cette petite maison de Pont-Sainte-Maxence, dans l’Oise, Bénédicte aurait vécu l’enfer pendant plusieurs années. Des menaces, l’isolement et les violences pour lesquelles son conjoint sera condamné en 2012. À plusieurs reprises, elle porte plainte et tente d’informer ses proches.
où son corps a été retrouvé le 4 avril 2017.
Quelques semaines avant sa mort, c’est à son ancien conjoint qu’elle décide de se livrer. Christian Peruti n’avait plus de nouvelles de Bénédicte depuis 18 ans. « Un soir, le téléphone a sonné. Elle appelait pour prendre de mes nouvelles et moi pour savoir ce qu’elle devenait. Elle n’a pas souhaité me parler de sa vie. C’est au quatrième appel qu’elle m’a dévoilé ce qu’était réellement sa vie à ce moment-là. Elle m’a décrit ce qu’elle vivait avec des mots terribles à la fin. Elle me dit « de toute façon un jour, il me tuera ». J’assume ce que je dis là, je les ai entendus ces mots-là au téléphone. »
Elle classe l’affaire sans suite.
Pour le procureur de la République de Senlis de l’époque, Jean-Baptiste Bladier, interviewé par notre équipe, la piste criminelle a pourtant été étudié. « La décision du parquet d’aboutir à un classement sans suite, plusieurs mois après le décès de madame Belair est largement le résultat, à mon sens, de ce qu’étaient les données médico-légales à l’époque. Ce qui est certain, c’est que les actes d’enquête témoignent, dès le lendemain des faits, que la piste criminelle a été étudiée dès le départ. Les instructions sont données pour vérifier les alibis de celui qui était l’ex-conjoint de la victime, mais vivant toujours avec elle. Ça veut bien dire qu’on n’est pas parti en se disant que c’était un accident, qu’il n’y a pas de questions à poser à qui que ce soit. »
La famille obtient enfin l’accès aux éléments de l’enquête préliminaire. « Donc là, vous apprenez que Bénédicte présentait plus de 50 hématomes sur l’ensemble du corps, qu’elle a plusieurs fractures de côtes, qu’elle est décédée d’un hématome sous-dural au cerveau. Vous vous rendez compte dans ce dossier que l’emploi du temps du concubin n’a pas été vérifié par le directeur d’enquête. Il s’est contenté de passer un coup de téléphone à son responsable qui lui a dit que monsieur était à son travail. Sauf que rien n’a été vérifié, est-ce qu’il a pointé ? L’avocat que j’avais à l’époque m’a dit qu’il n’avait jamais vu une chose pareille, il y a quelque chose qui ne va pas », relève Sylviane Grévin.
Dès le départ, il y a une enquête qui est bâclée, les investigations sont faites trop rapidement
Celia Chauffray, avocate de Sylvaine Grevin
Pour les nouveaux avocats de Sylvaine Grévin, ces zones d’ombre sont trop nombreuses. « Ce qui nous apparait clairement, c’est qu’il y a des pistes qu’ils ont refusé d’exploiter alors même qu’elles s’imposaient. Parfois, c’est très curieux, lorsqu’on découvre une procédure, on se demande comment ils ont pu passer à côté de cela, s’interroge Olivier Morice.
« Dès le départ, il y a une enquête qui est bâclée, les investigations sont faites trop rapidement, les mesures de conservation ne sont pas prises. Le classement qui intervient très vite. La difficulté, c’est que dans une enquête criminelle, ce qui est fait au début est essentiel », ajoute Celia Chauffray, avocate de Sylvaine Grévin.
Palais de justice d’Amiens.
D’autant que les scellés de l’enquête ont presque tous disparus, détruits en 2018 sur autorisation du procureur. Une erreur pour laquelle l’État a été condamné pour faute lourde, en mai 2021. Le procureur de la République avait autorisé la destruction des preuves scellées alors que l’enquête d’instruction était toujours en cours. La justice a reconnu un dysfonctionnement et a versé 15 000 euros de dommages et intérêts à Sylvaine Grévin.
malgré une nouvelle expertise remettant en cause l’heure du décès et donc l’alibi du compagnon de Bénédicte, l’enquête piétine. « Il faut que la justice puisse avancer dans une logique de lecture différente de ce dossier et qu’enfin, on puisse entendre sérieusement son compagnon », annonçait alors Olivier Morise, l’avocat de Sylvaine Grévin au micro de France 3 Picardie.
Le statut de témoin assisté pour le meurtre, c’est un cadeau fait à l’auteur
Sylvaine Grevin, sœur de Bénédicte Belair
C’est chose faîte, le 10 janvier 2023, l’ex-conjoint de Bénédicte Belair a été entendu par la juge d’instruction qui l’a mis en examen du chef de violences volontaires par ex-concubin, commis entre le 1er janvier 2015 et le 4 avril 2017. Il est également placé sous statut de témoin assisté pour le meurtre de Bénédicte et il est laissé libre sans mesure de sûreté. Lors de l’interrogatoire, l’homme, mis en examen, a contesté les faits qui lui sont reprochés.
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Mais son statut pourrait évoluer au cours de l’enquête.