À l’ombre des grands barrages


Inspirée par sa vie à Hauterive, ancienne ville de la Côte-Nord fusionnée à Baie-Comeau en 1982, Carmen Belzile raconte le développement d’une région, à l’ombre des chantiers des grands barrages hydroélectriques. Son nouveau roman, Les chemins de Hauterive, évoque par des personnages attachants les grands bouleversements sociaux et les élans de solidarité qui ont marqué une époque.

Vers le milieu des années 1950, à quelques mois d’intervalle, trois femmes et leurs familles débar-quent à Hauterive, sur la Côte-Nord, un coin de pays qui vient de naître.

À l’ombre des grands barrages

Chacune d’elle a ses ambitions, ses attentes, ses rêves. 

Marie-Berthe a ses propres passions et refuse d’être enfermée dans le rôle de ménagère. Angèle traverse le fleuve pour s’assurer plus de stabilité dans sa vie familiale.

Marianne quitte Montréal pour réinventer sa vie. Les trois femmes devront retrousser leurs manches et relever de nombreux défis, dans un coin de pays où la vie n’est pas de tout repos.

Un coin éloigné

Carmen Belzile a grandi dans ce coin de pays si éloigné que, pendant longtemps, on le disait situé « deux pouces en haut de la carte », écrit-elle dans l’introduction.

Elle est arrivée à Hauterive à l’âge de quatre ans et est partie à l’âge de 30 ans. Elle a marié un gars de Baie-Comeau et ses enfants sont nés là-bas.

« Depuis que j’ai publié mon premier roman, je pensais écrire quelque chose sur la Côte-Nord », confirme-t-elle, en entrevue.

Elle a toutefois inventé ses personnages avant de commencer à écrire l’histoire. « Je ne voulais pas utiliser des gens connus. Oui, c’est sûr que ce qui arrive aux personnages est inspiré du vécu de mes parents, de gens qui ont vécu là-bas.

Mais les personnages ne sont pas mes parents, même si leur vécu ressemble au leur. »

Carmen Belzile explique qu’elle préfère que les gens retrouvent des souvenirs, une époque, mais pas nécessairement les personnages. Toutefois, certaines personnalités publiques, comme l’évêque, sont bien réelles.

« Pour les noms des religieuses, je suis allée fouiller dans mes bulletins d’école que j’ai encore. » 

J’ai retrouvé des compagnes de classe. Je suis allée à la Société historique pour fouiller dans les journaux et faire des recherches.

Je sens beaucoup de nostalgie sur Hauterive. »

Les gens ont répondu aux questions qui faisaient partie de ses souvenirs : les tempêtes de neige, l’arrosage au DDT, entre autres. « Hauterive est une ville qui n’existe plus. mais qui existe toujours dans le cœur des gens.

»

Le village de Micoua

L’époque qu’elle couvre dans son roman est celle des grands chantiers hydroélectriques de Manic-Outardes, qui ont créé un boom économique important. « La ville a grandi très vite et il n’y avait pas de logements. Pour le développement de Manic 2, d’Outardes 3 et de Manic 3, il y avait des villages temporaires.

Dans mon histoire, je parle de Micoua, qui était à la hauteur d’Outardes 3, Outardes 4. »

Le village était entre la rivière aux Outardes et la rivière Manicouagan. 

« Il y avait des travailleurs des deux chantiers et dans le village, il y avait des maisons mobiles pour les familles et des grands bâtiments, avec des dortoirs, pour les célibataires.

Il y avait une cantine. »

« J’ai été en contact avec une dame qui a vécu là, à cette époque-là. Moi, j’y étais allée pour faire du ski, dans le temps.

Il y avait un petit centre de ski alpin. Ce contact a nourri des éléments de mon histoire. » 

  • Carmen Belzile est retraitée, après une carrière en travail social.

     

  • Elle a publié plusieurs romans : La maison aux lilas, Comme l’envol des oies, Le secret des vagues et Même les cactus fleurissent. 
  • Elle habite à Québec.  

EXTRAIT 

Benoit, cette ville vient à peine de naître.

On sera parmi les premiers à s’y installer, on fera partie de son histoire. Même si tu aimes travailler avec ton père, je savais que tu brûlais d’envie de devenir ton propre patron.

Benoit était comblé.

Il vivait avec une femme qui arrivait à donner un élan à ses idées. Si leurs discussions amenaient parfois un coup de vent déstabilisateur dans le quotidien, jamais ça n’avait tourné en tempête. Parce que tous les deux savaient écouter, ils gardaient une attitude ouverte, essayant de comprendre le point de vue de l’autre, sans chercher à avoir raison à tout prix.

»