– « Samu 56, bonjour. » – « J’appelle pour mon compagnon. Je sais pas comment dire… Il est pas normal, là… »Le chrono est parti. Caroline, opératrice du Samu, enchaîne les questions : où, quoi, depuis quand, traitements en cours, antécédents, poids, médecin traitant… En trois minutes, elle a identifié un AVC, et donc une urgence vitale, fait partir une ambulance et transféré l’appel et le dossier à un médecin régulateur. « Normalement, selon le référentiel, on doit avoir une image claire de la situation en 90 secondes », pointe Gweltaz Dorso, coordinateur du Centre de formation des assistants de régulation médicale (CFARM) de Vannes.
L’affaire Naomi Musenga, en 2017, à Strasbourg
Même si elle a déjà une expérience professionnelle en régulation médicale, Caroline, 38 ans, n’est encore qu’une élève. L’une des douze à avoir intégré la troisième promotion de cette école. Elles sont dix en France à avoir été agréées par le ministère de la Santé, après le retentissant et dramatique décès, à Strasbourg, en décembre 2017, d’une jeune femme de 22 ans, Naomi Musenga. Son appel n’avait pas été pris au sérieux par le Samu.Depuis, tous les assistants de régulation médicale (ARM) doivent suivre une formation et en sortir diplômés. « Avant, chaque Samu formait ses ARM sur le tas, dans son coin », indique le coordinateur morbihannais. « C’est sécurisant de s’appuyer sur des protocoles nationaux, commente Caroline. La formation apporte aussi des connaissances médicales que je n’avais pas quand j’ai commencé ce métier ».
« On ne peut pas se laisser submerger par l’émotion »?
confesse Gwénaëlle, qui garde en mémoire les noyades d’enfants en été. « C’est un coup de tonnerre dans un ciel calme. La mer, le soleil, les vacances et, au final, un corps d’enfant qui flotte… Au téléphone, les gens qui appellent sont désespérés et dans un état de stress abominable. »Pour l’aider, l’opérateur peut compter sur le fil des questions à poser, qui balisent la prise en charge de chaque appel. La voix doit être claire. Elle peut paraître froide pour ses interlocuteurs. « On ne peut pas se laisser submerger par l’émotion. En cas d’urgence vitale, je n’ai qu’un objectif : faire partir une équipe médicale au plus vite. Mon obsession, ce sera d’obtenir, en premier lieu, une adresse », confie Caroline.
Des outils pour gagner de précieuses secondes
Même si « 99 % des appels sont pris dans les vingt secondes », l’ARM doit aussi faire vite, en raison des inévitables appels qui se télescopent à certains horaires. « Il peut, par exemple, y en avoir quinze en attente, avec 14 qui ne concerneront que de simples conseils ou de la bobologie, et le quinzième sera un arrêt cardiaque. Mais on ne le saura que lorsqu’on prendra l’appel, après tous les autres », rapporte Gwenaëlle.L’ARM dispose cependant d’outils qui vont lui faire gagner un temps précieux. Sur sa cartographie, en un ou deux clics, il peut visualiser les centres de secours, cabinets médicaux, défibrillateurs, citoyens secouristes (…) les plus proches, ou les ambulances privées sur les routes. Pour ces dernières, sur l’écran, au-dessus de leur icône, s’affiche le temps de trajet jusqu’au lieu d’intervention.
Plus de 240 appels, un dimanche, pour Gwénaëlle
glisse Gweltaz Dorso. Certains secouristes commencent même à être équipés de lunettes-vidéo (Google Glass…) ».Le métier reste cependant éprouvant. « On se peut se retrouver plusieurs fois par jour avec des situations lourdes à gérer et stressantes. Et il faut être capable à chaque fois de prendre l’appel suivant en étant au top », poursuit celle qui a répondu récemment, un dimanche, à « plus de 240 appels ».