AAH et Aspa : ce qu'il faut savoir sur la nouvelle réglementation : Faire Face


À l’âge de la retraite, les allocataires de l’AAH ayant un taux d’incapacité d’au moins 80 % ne sont plus tenus de demander l’allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa), moins avantageuse. Pour la Caf, cette nouvelle disposition ne concerne que les personnes ayant atteint leur 62e anniversaire depuis le 1er janvier 2017. Cette interprétation divise les spécialistes du droit. 

Tout du moins pour ceux ayant un taux d’incapacité d’au moins 80 %.  Ils peuvent désormais continuer à percevoir l’AAH dans les mêmes conditions qu’avant leur 62e anniversaire.

AAH et Aspa : ce qu'il faut savoir sur la nouvelle réglementation : Faire Face

Jusqu’alors, les Caisses d’allocations familiales (Caf) exigeaient qu’ils demandent l’allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa), une prestation non contributive comme le précise l’Assurance retraite, moins avantageuse que l’AAH. Une allocataire, Martine Deniau, avait contesté ce point devant le Tribunal des affaires sociales (Tass) du Var et obtenu gain de cause, dans un jugement rendu en janvier 2016.

Mais les Caf continuaient à exiger que les allocataires basculent à l’Aspa. « Début 2016, j’avais alors 61 ans, j’ai reçu un courrier de la Caf de l’Isère m’enjoignant de demander l’Aspa, raconte Gérard Puech, allocataire de l’AAH depuis 40 ans. C’est-à-dire que du jour au lendemain je n’étais plus handicapé, j’étais juste vieux. » Au printemps 2016, Gérard Puech a donc décidé, comme Martine Deniau, de saisir le Tass. L’affaire devrait être jugée en juin 2017. En attendant, la Caf ne lui verse plus aucune allocation. Il survit grâce à la solidarité de ses proches.

Depuis le 1er janvier 2017, la réglementation est cependant devenue très claire sur ce point précis : les prétendants à l’AAH ne sont pas tenus de demander l’Aspa. L’article L.821-1 du Code de la Sécurité sociale précise désormais que « le droit à l’allocation adulte handicapé est ouvert lorsque la personne ne peut prétendre (…) à un avantage de vieillesse, à l’exclusion de l’allocation de solidarité aux personnes âgées ». Cette dernière partie de la phrase, en gras, a été rajoutée par l’article 87 de la loi de finances pour 2017. Mais à qui s’applique la nouvelle mouture de cet article ? À tous les allocataires de l’AAH ou seulement à ceux n’ayant pas encore pris leur retraite ? Cette question fait débat. 

En pratique, il faut distinguer plusieurs cas de figure.

1 – Vous n’êtes pas encore à la retraite, touchez l’AAH et n’avez jamais travaillé

Vous allez continuer à percevoir l’AAH et, le cas échéant, la majoration pour la vie autonome. Mais auparavant, vous devrez justifier que vous n’avez pas droit à une pension de vieillesse. Et pour obtenir le « document justifiant d’une absence de droit à pension » que réclame la Caf , vous devrez déposer une demande unique de retraite personnelle auprès de votre Carsat, la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail. Faire-face.fr a publié un article détaillé sur ces démarches. 

2  – Vous n’êtes pas encore à la retraite, touchez l’AAH mais avez travaillé

Vous avez sans doute droit à une pension de retraite, même minime. Si son montant est inférieur à l’AAH, vous percevrez alors une AAH différentielle. S’il est supérieur, vous perdrez vos droits à l’AAH.

Déposez d’abord votre demande de retraite auprès de la ou des caisses auxquelles vous avez cotisé. Y compris si vous n’avez travaillé que quelques trimestres. Faire-face.fr a publié un article détaillé sur ces démarches. 

3 – Vous êtes à la retraite et touchez l’AAH mais la Caf exige que vous demandiez l’Aspa

La Caf demande régulièrement à des allocataires de l’AAH à la retraite de basculer à l’Aspa. Viviane B, 67 ans, en fait actuellement l’amère expérience. « Depuis que j’ai pris ma retraite en 2009, je touche une AAH différentielle en complément de ma pension, explique-t-elle. Et mes droits à l’AAH sont ouverts jusqu’en 2021. Or, depuis juillet 2016, la Caf me harcèle pour que je demande l’Aspa. Ce que je refuse de faire puisque cette allocation est récupérable sur succession, contrairement à l’AAH. » Dans le courrier qu’elle a adressé à la Caf, elle fait valoir la nouvelle mouture de l’article L.821-1 du Code de la Sécurité sociale. Il la dispenserait, comme tous les autres allocataires de l’AAH, de demander l’Aspa.

Réponse de la Caf : cet article ne s’applique qu’aux personnes ayant atteint l’âge de 62 ans à partir du 1er janvier 2017. Elle s’appuie sur l’alinéa C du VI de l’article 87 de la loi de finances pour 2017, celui qui a modifié l’article L.821-1 du Code de la Sécurité sociale. Selon cet alinéa, cette disposition « est applicable aux personnes atteignant l’âge mentionné au dixième alinéa de l’article L. 821-1 du Code de la Sécurité sociale à compter du 1er janvier 2017 (…) ». Autrement dit, à 62 ans. Pour la Caf, seules les personnes ayant eu 62 ans depuis le 1er janvier 2017 n’ont pas l’obligation de demander l’Aspa. Les autres, elles, y seraient tenues.

Une autre interprétation de Maître Camps…

Maître Philippe Camps, qui avait défendu Martine Deniau, fait une autre lecture.

1 – Pour lui, l’article L.821-1 du Code de la Sécurité sociale établit clairement que l’Aspa n’est pas un avantage de vieillesse. « Le droit à l’AAH est ouvert lorsque la personne ne peut prétendre (…) à un avantage de vieillesse, à l’exclusion de l’allocation de solidarité aux personnes âgées. »

2 – Concernant l’âge auquel cette disposition serait applicable, l’article 87 de la loi de finances demande de se référer au dixième alinéa de l’article L. 821-1 du Code de la Sécurité sociale. Mais cet alinéa, qui fixe l’âge à 62 ans, concerne « la liquidation des avantages de vieillesse ». « Or, l’Aspa n’est pas un avantage vieillesse, souligne Philippe Camps. L’alinéa en question ne concerne donc pas l’Aspa. »

3 – Sa conclusion : l’article 821-1 du Code de la Sécurité sociale qui dispense les allocataires de l’AAH de demander l’Aspa s’applique à tous les allocataires de l’AAH ayant un taux d’incapacité d’au moins 80 %. Et peu importe qu’ils aient eu 62 ans avant ou après le 1er janvier 2017.

… contestée par Maître Grévin et les juristes de l’APF

»

L’analyse de Maître Camps a peu de chances d’être entendue par votre Caisse ou par la commission de recours amiable. Elle est en effet contraire à la position de la Caisse nationale d’allocations familiales (Cnaf). Si vous souhaitez contester la décision de la Caf, vous devrez donc saisir le Tass. Mais les délais sont longs, un à deux ans. Et entre-temps, vous ne percevrez pas l’AAH, suspendue par la Caf. À vous de décider de la stratégie à adopter, en toute connaissance de cause.

ACTUALISATION DU 27 NOVEMBRE 2017 : Non, l’allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) n’est pas un avantage vieillesse. Et la Caf n’a donc pas le droit d’exiger des allocataires de l’AAH arrivant à l’âge de la retraite qu’ils demandent l’Aspa. Voilà ce que vient de rappeler, le 16 novembre 2017, le tribunal des affaires de sécurité sociale de l’Aveyron. C’est le troisième jugement qui donne tort aux Caf dans des affaires similaires, après ceux du Tass du Var dans l’affaire Deniau en janvier 2016 et du Tass de l’Isère en septembre 2017. Faire-Face y a consacré un article publié le 27/11.  

4 – Vous êtes à la retraite et percevez déjà l’Aspa

Surtout, la Caf considère que les nouvelles dispositions concernant l’AAH ne s’appliquent qu’aux personnes ayant eu 62 ans après le 1er janvier 2017. Il vous reste toujours la possibilité de saisir le Tass, comme expliqué ci-dessus. Mais cela vous engage dans une procédure longue et incertaine. Franck Seuret

AAH et Aspa  : une différence cruciale

Le montant de l’Aspa (801 €) est quasi équivalent à celui de l’AAH (810 €). Il peut être complété par une AAH différentielle, indispensable pour pouvoir conserver la majoration pour la vie autonome. Mais l’AAH n’est pas récupérable sur succession, contrairement à l’Aspa.

La récupération est opérée sur la fraction de l’actif net de succession excédant un seuil fixé à 39 000 €. Si vous possédez des biens immobiliers d’une valeur au moins égale à cette somme, la caisse qui verse l’Aspa a le droit de prendre une hypothèque provisionnelle.