Publié le 23 Juil 21 à 6 :08
Actu Toulouse
Voir mon actu
Suivre ce média
Cédric Jubillar dort toujours en prison. Le mari de Delphine Jubillar, mystérieusement disparue une nuit de décembre 2020 à Cagnac-les-Mines (Tarn), est en détention provisoire à la maison d’arrêt de Seysses (Haute-Garonne), près de Toulouse.Ses avocats, qui avaient dès le départ dénoncé « un dossier vide », fustigent désormais une enquête menée à charge, déplorent que d’autres pistes n’aient pas été creusées, et accusent le parquet de Toulouse et les gendarmes de la section de recherches de violer le secret de l’instruction. Entretien avec Me Jean-Baptiste Alary, qui défend les intérêts de Cédric Jubillar depuis le début de l’affaire.
« Le procureur a raconté n’importe quoi »
et d’auditions de M. Jubillar par les juges d’instruction.Nous avons pas fait appel de l’ordonnance de placement en détention provisoire, pas parce que nous voulons que Cédric Jubillar soit libéré pour vice de procédure, mais parce qu’il n’y a pas de charge contre lui… Il s’est toujours expliqué, il a répondu à absolument toutes les questions des gendarmes, à l’exception d’une seule, pour être transparent. Il répondra de la même manière à toutes les questions des magistrats instructeurs ».C’était quoi, cette question sans réponse ?J.-B.A. : « Cela concernait la toxicomanie d’une personne de son entourage : il n’a pas répondu pour ne pas la compromettre. Cela n’avait rien à voir avec le dossier… ».
« Si on a des preuves, est-ce qu’on a besoin d’un aveu ? » interroge l’avocat
Ils ont fait le choix de nous cacher les neuf dixièmes du dossier. Ensuite, comme il était sur écoute, ils espéraient qu’il fasse une bêtise par téléphone. Cela n’a pas été le cas. Mais si on a des preuves, est-ce qu’on a besoin d’un aveu ? »Cédric Jubillar reçoit-il des visites en prison ? Et y allez-vous régulièrement ?J.-B.A. : « Cela relève de sa vie privée. Mais ce que je peux dire, c’est qu’aujourd’hui, Cédric Jubillar est à l’isolement, il n’est pas en contact avec les autres détenus. S’il a été placé en détention, c’était soi-disant pour protéger la personne mise en examen, mais je peux vous l’assurer : les jours de Cédric Jubillar ne sont pas en danger !Nous allons le voir régulièrement, enfin, surtout mes confrères de Toulouse, car je suis à Albi et ils sont plus près, mais je dois y retourner prochainement ».Votre client est désormais défendu par trois avocats. Était-ce son souhait, ou le vôtre ?J.-B.A. : « C’est le mien. Il fallait à un moment donné que je puisse soulager la pression médiatique qui pesait sur mes épaules, mais aussi qu’il y ait plusieurs lectures du dossier, pour confronter mon regard aux autres, et pour éviter de me tromper, ou d’analyser de mauvaise manière une pièce ou un témoignage. Et puis, j’aime le travail en équipe. J’ai choisi de travailler avec Alexandre Martin et Emmanuelle Franck pas seulement parce qu’ils sont Toulousains, mais parce que ce sont d’excellents avocats, avec qui je m’entends bien ».Certains se demandent comment Cédric Jubillar peut se payer trois avocats pénalistes…J.-B.A. : « Je n’ai pas à répondre à cette question, qui ne concerne que notre client et nous. »
« Que ceux qui organisent ces fuites trouvent des preuves ! »
Depuis la mise en examen, beaucoup d’informations sortent sur le couple Jubillar et leur vie privée. Cela vous inspire quoi ?J.-B.A. : « Ce serait bien que ceux qui organisent ces fuites trouvent des preuves au lieu de salir la vie des gens. Toute cette énergie qu’ils mettent à balancer ces histoires d’une insignifiance totale, qu’ils la consacrent à la recherche de la preuve…On est entrés dans une guerre de communication : je suis effaré de voir qu’on laisse filtrer des échanges sur sa ‘vie de bidochon’, sur la maison sale, sinon infecte, des Jubillar. Mais qui y vit depuis le début, dans cette maison ? Qui y passe ses journées et accepte de vivre dans une telle porcherie ? C’est Delphine Jubillar.Toutes ces informations n’ont qu’une seule vocation : c’est de salir Cédric Jubillar. On est tombé au fin fond des égouts, c’est de l’accusation de caniveau. Ils se couvrent de ridicule ».Quand vous dites « ils », à qui faites-vous allusion ?J.-B.A. : « Qui, en dehors du procureur et de la section de recherches de Toulouse, a accès à ces informations, et a un intérêt à ce qu’elles soient diffusées ? Les avocats de toutes les parties civiles sont très discrets depuis le début, alors je le dis : qui a intérêt à tout ça ? Dès le lendemain de l’audience devant la chambre de l’instruction, ils se sont attachés à couvrir la parole de la défense par un chaos médiatique en déballant des phrases prononcées par la mère de Cédric Jubillar pendant sa garde à vue, c’est déplorable. Ce sont ceux-là même qui nous imposent le respect du secret de l’instruction qui le violent !Faute d’avoir tenu une conférence de presse propre, avec des éléments uniquement objectifs, là, on a des personnes, procureur ou gendarmes, qui croient que les procès se font sur les réseaux sociaux ou dans les médias, mais il va falloir assumer devant les tribunaux ».
« Cela devenait humiliant pour la SR et le parquet… »
Estimez-vous que Cédric Jubillar était le coupable idéal ?J.-B.A. : « Il l’était dès le départ. Le jour même de la disparition, le 16 décembre après-midi, ils ont effectué des prélèvements sous ses ongles, son sexe, sans oublier son ADN. Il a été immédiatement géolocalisé, une puce a été placée sous sa voiture, il a été mis sur écoute…Jusque-là, on ne criait pas à l’acharnement de l’accusation, car c’était normal qu’ils se posent des questions. Mais voyant qu’ils n’arrivaient pas à trouver de preuves, pourquoi n’ont-ils rien cherché d’autre ? Je suis un défenseur de toutes les libertés, et je suis choqué qu’on ait mis en examen puis ordonné l’incarcération d’un homme sans une once de preuve, sur la base d’indices qui ne sont ni graves, ni concordants, mais fabriqués de toute pièce. Quand on voit comment ils ont broyé psychologiquement sa mère en garde à vue pour atteindre Cédric…La justice n’aimant pas le vide, cela devenait humiliant tant pour la section de recherches que pour le parquet, de ne pas arriver à offrir un coupable au public qui n’attendait que ça. Alors ils se sont dits : on n’a qu’à annoncer que c’est lui, fabriquer quelques preuves, tordre des vérités, et ça passera… Il sera condamné par le public ! »Vous avez évoqué récemment la piste d’une disparition volontaire de Delphine, y croyez-vous vraiment ?J.-B.A. : « C’est une piste à creuser, ne serait-ce que pour l’écarter… Cela fait partie des thèses qui aurait dû être mieux explorées, tout comme cela pourrait être un rôdeur, ou bien ce copain qui la draguait, ou bien encore cet autre copain qui s’accusait de l’avoir tuée par SMS. Mais à chaque fois, ils ont écarté d’un revers de main toute possibilité, ils ont fait semblant de chercher ».Savez-vous qui était cette femme, homonyme de Delphine, repérée en Espagne ?J.-B.A. : « C’est une personne qui s’appelle Aussaguel, française et dont le deuxième prénom est Delphine. Mais qui n’a rien à voir avec l’histoire ».
« Et si la pauvre épouse de l’amant se sentait humiliée ? »
mais il n’y a pas que ça non plus son véhicule… Peut-être a-t-il envoyé ce message sur une bouffée délirante, mais pourquoi ne pas le vérifier ? Tout simplement parce que dans la tête des enquêteurs, dès le 16 décembre, c’était déjà Cédric Jubillar ».
« Tout ça, c’est orchestré »
Considérez-vous qu’il faille « dépayser » l’affaire ?J.-B.A. : « L’affaire se passe à Cagnac, et elle est suivie à Toulouse, que peut-on faire de plus ? Et puis, au vu de sa médiatisation nationale, où faudrait-il la dépayser, pour retrouver une justice sereine ? Le problème, dans ce dossier, ce n’est pas une histoire de personnes, mais de fonctions, et de philosophie de la justice. Nous avons en France le culte de la détention, il n’y a qu’à voir la surpopulation de nos maisons d’arrêt. On incarcère à tour de bras, c’est dogmatique. La justice est sourde et aveugle à tout ça ».Qu’attendez-vous du nouveau procureur de Toulouse, qui vient d’être nommé ?J.-B.A. : « Je n’ai rien à demander à un procureur, mais si j’étais lui, je commencerais peut-être par réclamer un peu plus de discrétion, de présomption d’innocence, et de préservation du secret de l’instruction, qui est piétiné tous les jours dans ce dossier.Cédric Jubillar a été libre pendant six mois, cela ne posait de difficulté à personne, mais cela en est devenu une lors de cette prise de parole du procureur qui a tout changé… Tout ça, c’est orchestré, et ils croient qu’on ne le voit pas ? »Cet article vous a été utile ? Sachez que vous pouvez suivre Actu Toulouse dans l’espace Mon Actu. En un clic, après inscription, vous y retrouverez toute l’actualité de vos villes et marques favorites.