Alexis Guérin chez UAE avec Pogacar ? : «Ce serait le rêve... »


À 29 ans, Alexis Guérin vit la plus belle période de sa carrière. Courant pour le compte du Team Vorarlberg, une équipe autrichienne qui évolue au niveau Continental et à laquelle il appartient depuis le début de la saison dernière, le Français s’accomplit depuis 18 mois après avoir vécu un début de carrière compliqué et chaotique. Victorieux à quatre reprises depuis le mois de juin – Tour de Haute-Autriche + une étape, 2e étape du Sibiu Tour devant Giovanni Aleotti (BORA-hansgrohe) et Fabio Aru (Team Qhubeka NextHash), 4e étape du Tour de Savoie Mont-Blanc), le Girondin a incontestablement franchi de nombreux paliers et semble prêt pour passer à l’étage supérieure. Cyclism’Actu s’est longuement entretenu avec cet excellent grimpeur, qui pourrait bien, dans un très proche avenir, être tout simplement le coéquipier de l’un des phénomènes du cyclisme actuel.

Vidéo – Alexis Guérin : « Je suis sur un nuage »

 

Alexis Guérin chez UAE avec Pogacar ? : «Ce serait le rêve... »

« Cette victoire à la Toussuire va rester dans ma mémoire »

Alexis, vous avez réalisé un très beau Tour de Savoie Mont-Blanc, avec notamment une victoire d’étape à la Toussuire, le port du maillot de leader et une quatrième place au classement général. C’est ce qu’on appelle une belle semaine ?

Oui, c’est vrai. Même si l’objectif de base n’était pas celui-ci, on peut être satisfait de cette semaine-là. Cette victoire à la Toussuire va rester dans ma mémoire, il y a beaucoup de coureurs que j’apprécie qui ont gagné là-bas et en plus, mon nom va rester gravé dans le marbre. Je suis très content de la manière également car j’ai reproduit ce que j’avais fait lors d’une victoire précédente. Je crois que ça va être ma marque de fabrique.

 

Il fallait aller la chercher cette victoire à la Toussuire car il y avait un beau plateau, et notamment l’équipe Androni Giocattoli-Sidermec des jeunes et talentueux Jefferson Alexander Cepeda et Santiago Umba.

On n’avait pas à rougir d’Androni car on avait nous aussi un collectif plutôt homogène et solide, avec Roland Thalmann qui fait deuxième du général, mais aussi des coureurs comme Colin Stüssi, qui avait déjà gagné une étape sur le Tour de Savoie, ou Antoine Debons. On avait des coureurs qui connaissaient bien cette course, et qui étaient là pour travailler et apporter leur patte. On a joué avec des armes différentes des Androni, mais je pense qu’on les a beaucoup gênés dans leur objectif de victoire au général.

 

Y-a-t-il un petit regret par rapport à l’étape du Galibier, où vous avez un peu craqué dans la montée finale et ainsi perdu le classement général ?

Non, il n’y a pas de regrets. J’ai fait des erreurs les jours précédents qui ont engendré ce jour sans, mais je suis content d’avoir pris de l’expérience par rapport à ces erreurs.

 

« C’est le travail effectué les années précédentes qui commence à payer aujourd’hui »

Ce Tour de Savoie Mont-Blanc vient après des bonnes performances réalisées durant tout l’été. Vous êtes vraiment dans une très belle dynamique actuellement ?

Je peux même dire que je suis sur un nuage en ce moment. Mon petit garçon, qui a 8 mois aujourd’hui (mardi), et ma compagne m’aident beaucoup. Ma chute (il était tombé sur La Roue Tourangelle en avril dernier, avait perdu connaissance et avait contracté plusieurs blessures importantes, ndlr) m’a fait passer un cap mentalement, j’ai su me remettre en question après cette chute. J’ai tellement souffert pour revenir rapidement à mon niveau qu’aujourd’hui, quand je suis sur un final de course et que je commence à avoir mal, je me dis que j’ai encore moins mal que quand j’étais en stage en altitude après ma chute. Je me dis que ce n’est pas grand chose et j’essaye d’aller plus loin encore.

 

Vous pensez donc que cette chute est la raison de votre réussite actuelle ?

Ça ne part pas que de là, mais ça en fait partie. Depuis que je suis tout jeune, on m’a toujours dit de préparer mes fondations et de monter les étages les uns après les autres. J’ai commencé le vélo assez tard, j’ai monté l’escalier marche par marche, et je pense que c’est le travail effectué les années précédentes qui commence à payer aujourd’hui. Je commence à arriver en haut de l’escalier, en espérant qu’il y ait encore des marches que j’arrive à monter afin de progresser encore dans les prochaines années.

 

« J’ai mis plus longtemps que les autres à apprendre »

Vous avez un parcours un peu particulier, avec notamment un retour chez les amateurs dans le milieu des années 2010 et même une carrière mise entre parenthèses en 2018. Racontez-nous votre parcours, Alexis.

Tout d’abord, j’ai l’avantage et le désavantage de ne pas être issu d’une famille de sportifs de haut niveau. Dans ma famille, personne n’a fait du sport de haut niveau, et encore moins du cyclisme. Quand j’ai dit à mon père que je voulais faire du cyclisme, il a fallu que je prouve sur mon vélo pour que mon père me pousse. Après, mes parents ont rapidement été derrière moi et j’ai eu la chance, 6-7 mois après avoir commencé le vélo, de découvrir le pôle de Talence. Ça a été très vite pour moi, et j’ai également été très vite amené à la réserve d’Etixx-Quick Step. J’ai fait le Tour de l’Avenir en 2012, lorsque Warren Barguil l’a gagné, alors que ça faisait seulement quatre ans que je faisais du vélo.

C’est comme si on m’avait dit du jour au lendemain qu’il fallait que je franchisse plusieurs marches d’un coup. Le problème, c’est que je n’avais pas les armes en main, la connaissance, l’expérience, le vécu, l’entourage. J’ai donc mis plus longtemps que les autres à apprendre. Mais parfois, il vaut mieux prendre plus de temps et s’assurer de bonnes bases pour passer un cap et y rester longtemps plutôt que de passer ce cap rapidement mais exploser plus tard.

 

Il n’y a pas donc pas de regrets de ne pas avoir été conservé par la FDJ après y avoir été stagiaire en 2013 ou par Delko Marseille Provence en 2019 ?

Je ne peux pas avoir de regrets, de remords ou en vouloir aux équipes qui ne m’ont pas gardé. Moi-même, si j’avais été manager d’une équipe, j’aurais vu un grand potentiel, un coureur avec de la force, mais pas mature, donc je ne me serais pas pris. Au niveau WorldTour, et même au niveau ProTeam, les équipes n’ont pas le temps de faire ce travail de maturité, il doit être fait en amont. À ce niveau de compétition, tu dois être prêt à mettre en oeuvre ce que l’équipe te demande, ce qui n’est pas possible lorsque tu n’es pas mature.

À cette époque, je n’étais pas prêt. Par exemple, je n’étais pas un coureur patient, je perdais trop d’energie lors des premières heures de course. À cause de ça, je n’aurais pas été capable de faire le travail qui est demandé dans les deux dernière heures d’une course WorldTour par exemple. Aujourd’hui, c’est l’opposé. Vu que je suis plus patient, j’ai une réserve énergétique plus importante dans le final des courses, ce qui est quand même plus simple pour performer.

 

« Les Championnats de France d’Épinal ? J’ai cru en mes chances, c’est clair »

Depuis 2020, vous évoluez dans une équipe continentale autrichienne, le Team Vorarlberg. Comment vous-êtes vous retrouvé dans cette aventure ?

L’histoire est assez cocasse (rires). J’avais été très déçu de mes deux années précédentes (il était alors chez Delko Marseille Provence, ndlr). Tous les week-ends, il y avait quelque chose qui n’allait pas, j’allais toujours sur des courses qui ne correspondaient pas à mon profil. Et au moment où on m’a mis sur des courses qui correspondaient à mon profil et sur lesquelles je performais, les dirigeants m’ont dit qu’ils s’étaient peut-être trompés sur mon calendrier pendant toutes ces années, ce qui m’a un petit peu vexé sur le coup. Fin 2019, j’ai eu un contact avec une autre équipe, mais ça ne s’est pas fait car le sponsor principal n’a pas voulu augmenter le budget. C’est là qu’on a décidé avec ma compagne de partir en vacances à Bali pendant un mois afin qu’on puisse se changer les idées.

 

Et c’est pendant ce voyage qu’un coureur qui appartenait à cette équipe autrichienne m’a appelé et m’a demandé ce que je faisais l’année prochaine, ce à quoi j’ai répondu que j’étais en train de préparer ma reconversion. Ensuite, le manager de l’équipe m’a contacté et m’a expliqué le calendrier de courses. Et au moment de parler du volet financier, je lui ai dit que ce n’était pas le plus important et qu’on en parlerait plus tard car le calendrier de courses et le matériel utilisé me plaisaient. Je voulais avant tout montrer ce que j’étais capable de faire sur des courses compliquées. Ça s’est fait comme ça en fait puisque trois jours après être rentré de vacances, je partais en Autriche pour la réunion hivernale de l’équipe.

 

J’ai cru en mes chances, oui. Après, de mon point de vue, si on n’y croit pas avant une course, ce n’est pas la peine de prendre le départ. Si on s’entraîne, c’est pour gagner. Pour en revenir à cette course, il faut savoir que je n’étais pas devant à la base et que j’ai dû boucher un trou de 30 secondes. Et une fois que je suis arrivé devant, j’ai vu qui il y avait dedans et je me suis dit qu’il manquait juste B&B Hotels.

Puis, j’ai entendu que Pierre Rolland était en train de rentrer, et je me suis alors dit que l’échappée allait aller très, très loin, surtout que le parcours n’était pas du tout adapté pour contrôler une échappée. Dans le final, j’ai senti que j’avais de bonnes sensations et je me suis dit que je pouvais peut-être faire la surprise. J’ai eu une ouverture à trois tours de l’arrivée, je me suis retrouvé avec 100 mètres d’avance, mais des coureurs ont fait l’effort pour me reprendre. En tout cas, j’ai cru en mes chances, c’est clair.

 

« Le manager de l’équipe m’a encore dit qu’il espérait que je ne sois plus chez eux l’an prochain »

Quel type de coureur est Alexis Guérin ? Dans les catégories Jeunes, vous aviez obtenu de bons résultats en contre-la-montre, mais on vous sent plus à l’aise dans la montagne désormais.

J’ai toujours aimé la montagne, sauf que j’habitais auparavant dans la région bordelaise et que ce n’est pas le département le plus montagneux. Puis, il y a quatre ans et demi, j’ai décidé de venir habiter à Pau, ce qui m’a beaucoup apporté car je vais beaucoup m’entraîner dans les cols. Au niveau du contre-la-montre, j’ai remarqué au fil des années que j’étais un peu trop petit et un peu trop léger pour marcher sur des chronos longs et très roulants. Je me suis alors demandé quel profil pouvait me convenir le mieux.

Puncheur ? Je manque d’un peu d’explosivité. Sprinteur ? Je ne le serai jamais de ma vie (sourire). Ce n’est pas quelque chose qui m’attire, même si je respecte leur profil. Par contre, vu que j’aimais la montagne et que j’avais un gros rapport poids / puissance, je me suis dit que je pourrais travailler la montagne. J’ai donc fait ce pari-là, et ça fonctionne. Et j’adore ça en plus. J’ai trouvé mon terrain de jeu.

 

Pour ce qui est de votre avenir, plusieurs questions se posent. Déjà, serez-vous toujours chez Vorarlberg en 2022 ?

On peut mettre un gros point d’interrogation sur la question (sourire). Mon contrat peut me permettre d’être chez Vorarlberg en 2022, mais j’ai aussi une date butoir dans mon contrat qui me permet, si je le souhaite, de signer dans une autre équipe avant la fin de l’année. En tout cas, le manager de l’équipe m’a appelé à la fin de la dernière course et m’a encore dit qu’il espérait que je ne sois plus chez eux l’an prochain car je méritais d’aller un peu plus haut. Personnellement, je me lève chaque matin en voulant finir ma journée meilleur que quand je l’ai commencée. Ma vision des choses, c’est donc de progresser chaque année pour essayer d’apporter un plus au maillot que je porte.

 

« Des contacts avec des membres d’UAE-Team Emirates ? Personnellement, non (sourire). »

Et si je vous dis, Alexis, que vous pourriez bientôt courir aux côtés d’un double vainqueur du Tour de France, Cyclism’Actu ayant appris que vous seriez en contact avec UAE-Team Emirates, l’équipe de Tadej Pogacar ?

Ce serait un rêve, quelque chose de magnifique. Après, il y a plusieurs équipes qui font rêver. Mais c’est sûr que travailler pour un double vainqueur du Tour et appartenir à une équipe qui a un tel professionnalisme dans l’approche de chaque course. ce serait un rêve. Des contacts avec des membres d’UAE-Team Emirates ? Personnellement, non (sourire). Il y a des contacts avec plusieurs équipes. Après, que ce soit UAE ou autre, c’est mon agent qui s’en occupe. Moi, je m’occupe d’abord d’être bon sur mon vélo, d’être le meilleur papa possible, et on verra ce qu’il se passera en 2022.

 

Votre envie pour le futur, c’est plutôt d’être un coureur libre de ses mouvements ou plutôt de travailler pour un grand leader, que ce soit Tadej Pogacar ou un autre ?

Ce que j’aime et ce dont j’ai envie, c’est que le maillot de mon équipe brille. Donc, si je m’arrête aux coureurs français, rouler pour un David Gaudu, un Thibaut Pinot, un Guillaume Martin, un Aurélien Paret-Peintre ou un Warren Barguil, et amener ces coureurs à remplir les objectifs de mon équipe, ce serait incroyable. Je serai même peut-être encore plus fier que quand je gagne personnellement, ce sont des choses qu’on ne peut vivre qu’une fois dans sa vie. Se mettre à la planche pour son leader et le voir partir pour aller gagner, ce serait le rêve.