Le Progrès Philippe VACHER
Les dernières crises montrent les limites d’un système alimentaire industrialisé. Mais en encourageant une alimentation durable aujourd’hui, n’est-on pas en train de creuser davantage le fossé entre ceux qui peuvent s’offrir une alimentation équilibrée malgré un coût de plus en plus élevé et ceux qui sont contraints de se contenter d’une alimentation industrialisée bas de gamme faute de revenus suffisants ?Oui effectivement, il y a ce risque d’aller vers une alimentation à deux vitesses. On a d’un côté une production d’aliments qui incorporent des préoccupations nutritionnelles, environnementales et sociales avec une meilleure rémunération des agriculteurs par exemple. Du coup, cela donne des aliments plus chers.Et de l’autre côté, on a des produits qui continuent à ne pas intégrer ces préoccupations et qui ne sont pas chers.C’est effectivement un risque. Mais lorsqu’on parle d’alimentation durable, on intègre aussi cette préoccupation consistant à éviter cette fracture sociale afin de reconstruire collectivement un autre système alimentaire accessible à tous.Cela entraîne une alimentation plus chère pour tous ?Oui. Il faut qu’on sorte d’un contrat social qui a cherché à faire l’alimentation la moins chère possible. Pour cela, on a externalisé les coûts environnementaux et sociaux. Pour reconstruire un contrat social dans lequel on paiera plus cher notre alimentation, il faut un accord sociétal avec tout le monde, c’est-à-dire qu’il faut mettre en place une démocratie alimentaire pour le construire. Ce qui entraînera des arbitrages dans nos consommations où l’alimentation devra prendre plus de place qu’elle n’en a aujourd’hui.Aujourd’hui, elle représente entre 10 et 15% de notre budget et je crois qu’il faut reconsidérer la place de nos dépenses alimentaires dans notre budget total. Et pour cela, il faut se rendre compte que l’alimentation n’est pas seulement une consommation d’aliments pour satisfaire seulement des besoins nutritionnels mais c’est aussi un moyen de nous entretenir et d’être en bonne santé.C’est aussi une façon de se relier à soi-même. C’est du plaisir aussi. Et c’est enfin de la relation sociale : faire ses courses, manger ensemble, ça entretient des relations sociales. Et c’est enfin un moyen d’entretenir des relations avec l’environnement. Si on considère toutes ces dimensions, l’alimentation doit prendre plus de place dans nos dépenses. Ça ne doit pas être juste quelques calories qu’on avale rapidement pour satisfaire un sentiment de faim.
Par exemple c’est avec ce qu’il reste qu’on peut essayer de manger correctement etcMais on les voit bouger partout. Elles essaient de reformuler leurs produits pour réduire par exemple la teneur en sel ou en sucre mais c’est compliqué de faire tout cela d’un seul coup. Il existe aussi une pression des pouvoirs publics avec l’idée d’une taxation des produits dangereux ou à risques. C’est effectivement un moyen d’accélérer cette transformation et pousser les entreprises à aller plus vite.En fait, les entreprises ont compris les enjeux de cette transformation mais elles cherchent à gagner du temps car c’est compliqué pour elles. On est dans une course de vitesse. Cette transformation se fera sous l’impulsion du politique. Changer de système alimentaire, ce n’est pas seulement faire des petits gestes au quotidien. C’est aussi faire un choix de politique en mettant la question agricole et alimentaire dans le débat politique. (1) Une écologie de l’alimentation. par Bricas N. Conaré D. et Walser M. 2021. Editions Quae,