ce que nous apprend la conférence de Jack Conte à SXSW 2024


En écoutant un podcast sur la tech (Silicon Carne) qui revenait sur l’événement SXSW – South by Southwest et en particulier sa partie Interactive dédiée aux médias interactifs, j’ai écouté quelques Keynote conférences bien percutantes. L’une d’elle m’a particulièrement marqué. Celle de Jack Conte, artiste et entrepreneur, fondateur de Patreon (plateforme participative qui permet de soutenir des créateurs de contenus contre du contenu exclusif), qui nous parle de son histoire d’artiste et d’entrepreneur à travers l’évolution d’Internet. De nombreuses choses intéressantes à tirer pour notre secteur d’activité…

Qu’est-ce que l’évènement SXSW ?

Au départ, en 1987, South by SouthWest, c’est un évènement musical, un festival pour promouvoir la scène musicale locale à Austin, Texas. Plus de 2000 artistes sur 90 sites autour du centre-ville. Enorme  !

En 1994, des films et des conférences interactives ont été ajoutées. Ainsi, SXSW Interactive est devenu bien populaire pour les créateurs et les entrepreneurs du web. C’est un peu l’anti CS de Las Vegas. Ici, on vient surtout écouter, prendre de la hauteur sur les sujets, pas vendre des trucs.

Qui est Jack Conte ?

Jack Conte, c’est avant tout un musicien, un artiste, un chanteur, à l’origine du groupe Pomplamoose qu’il a co-fondé avec sa femme Nataly en 2008.

Comme on le voit sur sa conférence, il a un parcours classique du jeune musicos qui tente de percer dans la vie réelle et qui arrive à trouver son public grâce aux premières heures d’Internet et au début des plateformes comme Youtube.

Jack Conte et Nataly Dawn en concert

C’est clairement grâce à cet Internet 2.0 et au début de l’ère des réseaux sociaux qu’il arrive à vivre de ses créations.

Alors qu’il sent doucement qu’Internet est en train de se casser avec les algorithmes des réseaux sociaux, Jack Conte lance en 2013 Patreon, un service de « financement participatif » pour soutenir les créateurs de contenus contre du contenu exclusif. Plus de 10 ans après sa création, il profite de cette conférence à SXSW pour présenter comment la plateforme souhaite encore plus répondre aux problématiques posées par la perte de visibilité des créateurs de contenus sur les réseaux sociaux.

Ce qu’il nous dit d’intéressant dans sa conférence ?

Lors de sa conférence de 45 minutes que je vous invite à regarder, Jack Conte fait un parallèle entre son parcours d’artiste puis d’entrepreneur et l’évolution d’Internet.

Au début, avant Internet, en tant qu’artiste, chanteur, interprète, il se donne à fond pour créer « un tube » dans sa chambre. Puis, il fait le tour des bars pour tenter de faire connaître ses créations. Bien sûr, il passe du temps devant… pas grand monde. Difficile de percer avant Internet  !

Puis, autour de 2007, Internet et Youtube arrive. Technophile, il bidouille pour enregistrer ses premiers titres en ligne en solo. Il a vite compris qu’Internet pouvait lui permettre de « toucher une communauté ». Il commençait à avoir des milliers de vues sur ses vidéos, de recevoir des commentaires.

Comme il le dit, un seul bouton va changer sa vie : SUBSCRIBE.

Ce bouton « S’abonner » permet pour lui de transformer les personnes que tu touches (Reach) en personnes qui tu suives (Following) et cela change tout  !

Cela permet à ces personnes de recevoir les infos en tant qu’abonnés. C’est le début de l’ère des « followers ». Les fans peuvent suivre l’actualité de l’artiste. « Le follow, c’était le cadre parfait et l’architecture même pour la distribution de la créativité et de la communication. » présente-t-il.

C’est la base même de la fameuse communauté que chaque artiste, chaque entreprise se doit de construire pour faire connaître ses produits.

Puis, tout s’est emballé pour son groupe nouvellement créé avec sa femme, Pomplamoose  ! Avec la communauté qu’ils ont désormais et qui les suive, ils arrivent à vendre des clés USB avec leur musique, ils demandent de l’aide de leurs fans pour créer leur jaquette de CD, pour vendre des billets pour des concerts, puis des titres directement sur ITunes  ! C’est le succès  !  

Il explique ensuite que la théorie des « 1000 true fans » rédigée par Kevin Kelly, premier rédacteur en chef du magazine Wired a été un vrai déclic pour lui. Ce principe explique que, derrière les followers, il suffit d’avoir 1000 vrais fans qui sont prêts à dépenser environ 75$ pour bénéficier d’une « œuvre » de l’artiste pour vivre correctement chaque année. Deux gros avantages à cela, c’est plus simple de convaincre 1000 true fans que de produire un « bestseller ».

Il raconte qu’il a bien ses « true fans » pour son groupe Pomplamoose qui venait à plusieurs concerts, qui faisait des cookies ou des t-shirts customisés pour le groupe  !

Or, à partir des années 2010, tout change  !

Facebook décide de changer sa manière de classer les publications dans le fil d’actualité. C’est désormais la règle du « ranking », c’est-à-dire de classer les publications (et donc la visibilité pour l’internaute) en fonction du niveau d’engagement de la publication afin de pousser la « qualité » des contenus pour l’internaute selon Facebook et donc qui pousserait ce dernier à rester plus longtemps sur la plateforme (et donc pousserait les entreprises à acheter de la publicité sur le réseau). Super modèle pour Facebook mais pas pour la créativité  !

Pourquoi ? Car il faut désormais répondre à des critères inconnus et changeant pour être visible et non pas simplement pour répondre à sa créativité et à son art.

Ces questions basiques expliquent tout…

Avant, l’artiste partait de son identité et de ce que les fans aimaient chez lui. Désormais, l’artiste peut démarrer sa création par cette question: Qu’est-ce que l’algorithme va favoriser?

Puis, TikTok est arrivé (dont l’algo est suivi partout désormais). Il n’existe même plus de followers désormais mais simplement du contenu qui est poussé « pour vous » grâce à un algorithme bien secret.

Avec Tiktok, le contenu est poussé vers vous. Ce n’est plus l’internaute qui décide de suivre tel ou tel artiste.

En tant que créateur, ça devient alors de plus en plus difficile de « trouver » sa communauté, « d’énergiser ses fans » comme il dit.

Jack est inquiet de ce moment clé de l’histoire de l’Internet. Il questionne ainsi : « Est-ce la fin du follower ? ». Quel avenir pour la créativité si l’on doit tous ses baser sur les mêmes algorithmes pour être visible ?

A la fin de sa conférence, en s’appuyant forcément sur l’exemple de son entreprise, Patreon, il refuse cette mort annoncée du follower. Il veut y croire  ! Il reste persuadé que les prochaines entreprises du web vont répondre à cette problématique clé pour engager réellement les fans et soutenir les créateurs de contenus. Le mouvement est en cours avec des entreprises comme Gumroad, Fourth Wall, Kajabi ou Discord. Les promesses du Web3 vont également fortement dans ce sens  ! Arriveront-elles à remettre au cœur du système la sincérité des artistes, la beauté des images et des mélodies, les poils qui s’hérissent en écoutant une chanson sublime ou seront-elles écrasés par les algorithmes qui poussent à maximiser le temps passé sur des snacks content pour optimiser les pubs et les retombées économiques pour les GAFAMs ?

On a peut-être tous une part de responsabilité là-dedans…

Ce qui me fait réfléchir pour le secteur du tourisme ?

Globalement, cette conférence, pleine de passion, de sincérité et d’engagement, m’a permis de réfléchir à la place que l’on souhaite donner à la créativité dans les prochaines années à l’heure des algorithmes. A de nombreuses reprises, j’ai pensé à notre secteur du tourisme et aux rôles et responsabilités des OGD autour de la place de la créativité dans les destinations et le lien avec ces fameux « true fans ». Voilà une série de réflexions et de questions que je laisse là, ouverte, pour échanger :

  • Quelle responsabilité pour un OGD face à la perte de créativité dans sa destination à cause des nouveaux algorithmes ? Comment y remédier?
  • Comment positionner désormais la stratégie webmarketing / SMO – social media optimisation d’un OGD en intégrant cette question de « responsabilité » ?
  • Comment une destination parle-t-elle à ses « true fans » ? Les connait-elle vraiment ?
  • Comment investir au mieux dans les true fans ? Quels contenus exclusifs pourrait-on les apporter ?
  • Ne serait-il pas pertinent de soutenir et d’accompagner les créateurs locaux de contenus, véritables ambassadeurs du territoire et de la destination ?
  • Réfléchit-on vraiment à la notion de fidélisation des visiteurs pour une destination ?
  • Y a-t-il de la place pour une destination pour investir ces nouvelles plateformes d’échange et de soutien avec les « true fans » ?