Quel impact la fermeture des urgences de nuit du Centre hospitalier de la Dracénie a-t-elle eu sur le quotidien des sapeurs-pompiers du Service départemental d’incendie et de secours?
À cette question, les représentants du Sdis 83 n’ont pas souhaité répondre à brûle-pourpoint.
« Mais aujourd’hui, quinze jours et une centaine d’interventions plus tard, force est de constater les difficultés » qu’implique cette réalité sur les soldats du feu.
Le point avec Dominique Lain et Frédéric Gosse, respectivement président du conseil d’administration et directeur départemental adjoint du Sdis 83.
Effective depuis le 29 octobre, la fermeture nocturne de l’accueil des urgences impacte-t-elle l’activité du Sdis?
Depuis cette fermeture, nos temps d’intervention ont doublé. Désormais, il nous faut rapatrier les personnes en souffrance médicale vers le plateau technique le plus proche, c’est-à-dire Fréjus ou Brignoles, lorsque c’est possible. Car, en fonction du degré de saturation des hôpitaux ou de la pathologie en question, le centre 15 peut nous orienter vers Cannes, Grasse, ou encore Toulon. Sur les quinze derniers jours, la durée moyenne de nos trajets s’élève à presque 2 heures, contre moins d’1 heure en temps normal. Le nombre d’interventions reste constant, nous en comptons entre 4 et 7 par nuit, mais, sur la route, les sapeurs-pompiers parcourent entre 50 et 100 kilomètres supplémentaires.
Concrètement, comment vous organisez-vous face à ces nouvelles contraintes?
Nous avons dû réquisitionner quatorze sapeurs-pompiers, en renfort de la trentaine de personnels déjà mobilisés la nuit sur le secteur de Draguignan et de la Dracénie. Cela permet d’assurer la continuité des soins, si une autre intervention venait à se déclencher en parallèle, mais aussi de fiabiliser les départs pour les incendies (feux d’appartement, de maison, etc). Si nous mobilisons du monde sur les transports hospitaliers, il faut nécessairement renforcer les équipes pour pouvoir répondre à la demande.
C’est un poids supplémentaire sur une année déjà bien chargée…
Tout ceci arrive effectivement après des mois intenses, entre la crise sanitaire, le monstrueux incendie de cet été, les inondations et une surfréquentation touristique estivale qui a fait grimper le nombre d’interventions. Puis le rallongement de la durée des interventions pose un nouveau problème: celui de la disponibilité des sapeurs-pompiers volontaires, très sollicités ces derniers mois et actuellement appelés en renfort la nuit. Beaucoup ont un emploi à côté, pas forcément compatible avec ces nouvelles contraintes. Pour nous, la fermeture des urgences vient donc compliquer une année qui l’était déjà.
La démotivation et la fatigue se font-elles ressentir parmi les équipes?
La motivation est toujours là, mais la fatigue, elle, est de plus en plus prégnante. Les équipes sont épuisées et le sont d’autant plus que nous n’avons aucune visibilité, aucune date de sortie.
Dans quel état d’esprit êtes-vous aujourd’hui?
Nous ne voulons accuser personne, ni entrer dans des considérations politiques, ni même être alarmistes.
Nous posons les choses de façon factuelle et force est de constater que les sapeurs-pompiers demeurent le dernier recours en cas de problème et un maillon essentiel dans la chaîne des secours.
Aujourd’hui, nous nous adaptons et nous sommes solidaires, même si cela implique une complexité organisationnelle, ainsi que des coûts humains et financiers. Mais si cette fermeture perdure, il deviendra compliqué pour nous de répondre à la demande dans le secteur. A fortiori à l’approche de la période sensible des fêtes de fin d’année. Notre adaptabilité est bien réelle, mais elle n’est malheureusement pas extensible. Et cette situation va vite devenir intenable. Voilà le message que nous souhaitons faire passer.