Le Transition Forum de Nice se déroule jeudi et vendredi, au Palais de la Méditerranée et à la Villa Masséna. Avec l’ambition de « rassembler et catalyser, pour des solutions concrètes ». Dans cette interview à Nice-Matin, Bruno Le Maire en avance quelques-unes. Et fait le point sur les indicateurs d’une reprise que le gouvernement veut soutenir.
Peut-on parler de « sortie de crise »? Quels sont les indicateurs positifs?
La croissance est de retour ! Elle est forte et elle est solide : nous prévoyons +6% en 2021. La raison est simple : nous avons pris, avec le président de la République, les bonnes décisions pour protéger nos salariés et pour protéger nos entreprises pendant la crise. Grâce au « quoi qu’il en coûte », l’économie redémarre vite et fort, le taux de chômage est à son niveau le plus bas depuis 2008 et les entreprises investissent à nouveau. La consommation continue à se tenir à un niveau élevé. Elle a augmenté, comme le montrent les dépenses en carte bancaire, de 13% dans la semaine du 13 au 19 septembre, par rapport à la même période en 2019.
« Une croissance plus forte et plus verte »
Le Président doit dévoiler bientôt un plan d’investissement. Quelle en sera la philosophie?
Nous avons une stratégie économique en trois temps. Le premier a été celui de l’urgence et de la protection. Le deuxième est celui de la relance, qui est un succès. Près de la moitié du plan de 100 milliards d’euros a déjà été engagée. Le troisième temps, dans lequel nous entrons, est celui de l’investissement. Celui qui doit préparer la France de 2030. L’objectif étant de retrouver, au lendemain de la crise, une croissance plus forte, mais aussi une croissance plus verte. C’est grâce aux investissements massifs dans la décarbonation que nous pourrons réduire les émissions de CO2 de notre industrie, de nos moyens de transport et de toute notre activité économique.
En matière de transition écologique, en fait-on assez? Est-ce un levier ou un frein, lorsqu’il s’agit de développer l’économie?
Le succès de MaPrimeRénov’ ou celui des primes à la conversion pour les véhicules électriques montrent, très concrètement, que nos concitoyens se saisissent des moyens pour lutter contre le réchauffement climatique. Mais, reconnaissons-le, nous faisons moins que ce qu’il sera nécessaire de faire. L’enjeu principal aujourd’hui est de garantir notre autonomie énergétique avec les énergies renouvelables et le nucléaire, décarboné et peu cher. Nous allons donc, avec ce plan France 2030, accélérer encore davantage notre transition écologique.
La crise de l’énergie oblige la Chine à ralentir ou bloquer certains pans de son industrie. Ce qui impacte indirectement Apple ou Tesla. Cette situation ne donne-t-elle pas un sentiment d’urgence?
Ce que montre cette crise, c’est notre besoin impératif d’une plus grande indépendance sur un certain nombre de matières premières et de composants critiques. C’est aussi l’un des objectifs de ce plan d’investissement: relocaliser des activités industrielles pour créer des emplois et pour que nous soyons plus indépendants. Deux exemples. Est-il raisonnable de dépendre à 85% de la Chine pour l’approvisionnement en batteries de nos voitures électriques, au moment même où nous les développons massivement? Non. Nous avons donc créé notre propre filière de batteries électriques avec PSA, Total, Saft, et dans quelques semaines, début 2022, ouvrira la première usine spécialisée en France, à Douvrin, dans le Nord. Deuxième exemple : les composants électroniques. Lorsqu’on ne dispose pas de semi-conducteurs, c’est notre industrie automobile qui est à l’arrêt. Pourquoi? Parce que, dans une voiture, on en trouve 10.000. Dont 400 dans un frein ABS. Est-il raisonnable de dépendre autant de Taïwan ou de la Corée du Sud pour la fourniture de semi-conducteurs? La réponse est non. Nous devons donc investir davantage pour développer notre production de semi-conducteurs, en France et en Europe.
« Renforcer l’attractivité des métiers »
Quels sont les principaux obstacles à la reprise?
Aujourd’hui, il y a deux obstacles immédiats à la reprise. Le premier d’entre eux, c’est la pénurie de main-d’œuvre. Notamment dans l’hôtellerie, la restauration, le tourisme, dans le nettoyage, l’agroalimentaire ou le bâtiment. Comment répondre? D’abord par la réforme de l’assurance-chômage. Ensuite, par la formation : le Premier ministre a présenté un plan de 1,4 milliard d’euros pour investir dans la formation des salariés et des demandeurs d’emploi. Et évidemment par le renforcement de l’attractivité de ces métiers. Le président de la République vient d’annoncer la défiscalisation des pourboires pour l’année 2022. Et puisque des négociations salariales sont engagées dans l’hôtellerie et la restauration, j’invite tous les professionnels de ces secteurs, que nous avons soutenus et qui sont essentiels pour l’activité économique du pays, à faire preuve de la plus grande ouverture. C’est ce qui rendra ces métiers plus attractifs, en particulier pour les jeunes.
La pénurie de matériaux, qui touche aussi le Bâtiment, n’est-elle pas un autre frein?
C’est effectivement une difficulté à laquelle notre économie est confrontée. Je pense au bois de construction, à l’aluminium ou à l’acier. Le bois de charpente a pris 100% d’augmentation en 2021. Cela se répercute forcément sur les prix. J’ai passé l’instruction très claire, concernant tous les chantiers qui dépendent de l’État, pour qu’il n’y ait aucune pénalité de retard à l’encontre d’une entreprise du bâtiment confrontée à ces difficultés d’approvisionnement. Je souhaite que les collectivités locales et que tous les acteurs privés suivent cet exemple.
Quelles seront les armes de la France et de l’UE pour juguler l’endettement, au lendemain de la crise?
4% en 2021 à 4 Nous respecterons les règles qui doivent permettre de maintenir la cohésion de la zone euro et de l’union monétaire.