Immobilier : la France, paradis de rentiers


C’est désormais un événement bien rodé, un marqueur de la rentrée politique et économique. Les 28 et 29 août, la Rencontre des entrepreneurs de France – grand barnum du Medef – va comme chaque année louer l’esprit d’initiative, la création d’entreprise, l’engagement. Sur le papier, la situation des entreprises françaises est plutôt confortable. Certes, les difficultés de recrutement hantent les patrons. Et la hausse des taux d’intérêt menace les sociétés les plus endettées. De fait, les faillites ont retrouvé les niveaux d’avant la pandémie, mais le mur des dépôts de bilan tant de fois annoncé ne s’est pas matérialisé et les créations d’entreprises fluctuent bon an mal an à des niveaux élevés.Mais fait-on fortune en créant sa boîte ? Epineuse question tant l’on manque cruellement de données chiffrées pour y répondre. D’après les dernières statistiques de l’Insee disponibles, datant de 2018, le patrimoine médian des chefs d’entreprise, artisans et commerçants inclus, était globalement équivalent à celui d’un cadre du privé, et près de 40 % inférieur à celui exerçant une profession libérale. La pandémie n’a guère changé la photographie. Et pourtant, la France compte de plus en plus de millionnaires.C’est du moins ce qui ressort du dernier rapport annuel sur la richesse mondiale de la banque d’affaires UBS. Alors que la question du pouvoir d’achat hante les esprits, on y apprend que l’Hexagone abrite désormais un peu plus de 2,8 millions de « millionnaires », soit près de 9 % de plus qu’en 2021. La France hébergerait même quasiment 5 % des millionnaires de la planète.

L’ascenseur immobilier

Tout irait pour le mieux, si ces statistiques étaient le miroir chiffré d’un ascenseur social performant. En réalité, cet enrichissement est largement passif car uniquement lié à la progression des prix de l’immobilier. La part de la pierre dans le patrimoine des Français a même atteint en 2022 son plus haut niveau depuis le début du siècle. En sourdine, c’est une France de rentiers qui émerge, source d’un creusement d’inégalités patrimoniales de moins en moins supportables alors que les primo-accédants ont déserté le marché.En 2017, Emmanuel Macron s’était présenté aux Français comme le candidat voulant déboulonner la rente. Promesse vite enterrée, à l’instar du chantier hautement radioactif de la taxation des gros héritages. En 2023, alors que le président cherche un ultime souffle pour sauver un quinquennat mal embarqué, une vraie politique libérale qui encourage le risque et décourage la rente aurait tout son sens.