Au procès du 13 Novembre, le désarroi de la famille d’un des kamikazes du Bataclan


Il a eu une bonne éducation, un parcours scolaire sans faute », dit-il. « Et après, ça s’est passé à vitesse vertigineuse ».

leur souci de ne pas le « brusquer ». « Je ne lui ai pas fait la morale, je ne voulais pas qu’il rompe le contact », dit Azdyne Amimour.

Au procès du 13 Novembre, le désarroi de la famille d’un des kamikazes du Bataclan

« Pour le récupérer »

À l’écran de l’ordinateur, il aperçoit un jour une Kalachnikov posée contre le mur du cybercafé d’où lui parle son fils. Samy Amimour rassure son père. L’arme n’est pas à lui. « C’est pas fréquent quand même, une Kalachnikov dans un cybercafé ? » pousse la cour. « Vous ne vous êtes pas inquiété plus que ça ? ». « Si, un peu », avance le témoin.À l’été 2014, il décide de suivre la trace de son fils. « Pour le récupérer ». Un voyage qu’il avait caché aux enquêteurs après les attentats qui ont fait 130 morts à Paris et Saint-Denis, reconnaît-il devant la cour.De ces « quatre jours » sur place, il assure ne rien tirer – « j’avais l’impression de l’enquiquiner », dit Azdyne Amimour au sujet de son fils qui l’enverra « balader » à chaque fois qu’il essaie de « communiquer ».

« Lobotomisé »

La cour, le ministère public et les parties civiles l’assaillent de questions pendant plusieurs heures. Pourquoi n’a-t-il pas coupé internet si son fils se radicalisait en ligne ? Comment expliquer cet « enclenchement vers la violence » d’un garçon décrit comme « gentil et serviable » ?Et en Syrie, qu’a fait son fils ? Et lui, qu’a-t-il vu ? Pourquoi est-il rentré bredouille si vite ? Le père hésite, répond souvent à côté, s’emmêle les pinceaux dans les dates et part dans de longues digressions, agaçant ses interlocuteurs. « J’ai essayé », « on n’a jamais pensé au pire »… «Il a été complètement lobotomisé ».« Azdyne Amimour n’est pas responsable des crimes de son fils », commente hors de la salle d’audience Georges Salines, qui a perdu sa fille au Bataclan.Les deux hommes ont écrit à quatre mains le livre « Il nous reste les mots » et se rendent régulièrement ensemble en prison et dans les écoles pour lutter contre la radicalisation.Maya Amimour, 28 ans, a raconté comment elle avait gardé contact avec ce grand frère qui d’un coup s’intéressait à elle. « J’ai juste pris ce qu’il me donnait, j’essayais d’exister », reconnaît à la barre cette brune au carré long, grandes lunettes sur le nez, qui avait 20 ans au moment du départ de son aîné.Une avocate des parties civiles veut savoir ce qu’elle a ressenti à l’annonce de sa mort au Bataclan. « J’étais en colère », dit-elle les mains serrées.« Ces gens-là sont innocents, ils n’ont pas à s’excuser », crie à un moment l’un des accusés Mohamed Abrini depuis son box.Maya Amimour tremble à la barre. « Six ans après je lui en veux toujours. Je suis encore honteuse d’avoir le nom. J’ai honte de passer devant les victimes. Dire que je suis désolée est un euphémisme, il n’y a pas de mots », dit-elle en pleurs. À sa sortie de la salle d’audience, une partie civile viendra la serrer dans ses bras.Azdyne Amimour, lui, a réfléchi à un autre voyage en Syrie. Lorsque son fils est mort, sa compagne était enceinte de lui et il a appris il y a quelques mois que sa petite-fille était vivante et dans un camp dans le nord du pays. « J’aimerais la retrouver », dit-il doucement se disant prêt à « repartir », « pour voir la petite ».