Aude / Violences conjugales : "La difficulté de ce contentieux, c'est de ne rien rater"


Florence Galtier, procureure de la République de Carcassonne, et Camille Julla-Marcy, substitut du procureur de Narbonne, évoquent le poids du contentieux des violences conjugales sur les deux ressorts audois. Un sujet majeur, face auquel les parquets disposent de nouveaux outils.

Comment pèse le contentieux des violences conjugales sur l’activité des parquets ?

Aude / Violences conjugales :

Camille Julla-Marcy : Les violences conjugales représentent, selon les semaines, de 30 à 45 % des gardes à vue hebdomadaires sur le ressort du parquet de Narbonne.

Il y a quelques années, on était sans doute à un volume qui se rapprochait plus des 15 % : ce qui est certain, c’est qu’il y a de plus en plus de situations portées à nos connaissances. Les périodes de confinement avaient été marquées par une explosion des violences conjugales  : mais ce niveau n’a depuis jamais diminué.

une journée a été consacrée à l’apurement des procédures sur les violences conjugales, avec l’audition de 56 auteurs sur une matinée ; le lendemain, des réponses pénales étaient données pour chaque cas. 

Florence Galtier : Dans notre ressort, c’est une évidence, les violences conjugales sont une priorité.

Une juriste assistante a été dédiée à un travail de recensement, pour éviter les ratés entre nous et les services d’enquête. Mais aujourd’hui, même lorsqu’il n’y a pas plainte, les enquêteurs nous contactent, que ce soit par mail ou par téléphone dans les cas de violences conjugales. Il y a un travail commun, mené avec toutes les parties concernées, pour regrouper les informations.

La difficulté de ce type de contentieux, c’est de ne rien rater.

Comment se caractérise la réponse pénale des parquets ?

En cas d’acte isolé

Le dossier a été repris et il fait l’objet d’une condamnation de six mois avec sursis.

Où en est-on sur ce sujet du logement, particulièrement sensible ?

 on ne peut pas l’attribuer à la victime.

 Pour les auteurs, sur le ressort de Narbonne, trois appartements sont mis à disposition par le SPIP : en l’état, ils sont vacants. Même si on pourrait requérir des placements, on estime que la mesure de détention provisoire est à privilégier.

C’est le principe.

Les procédures simplifiées de dépôt de plainte, les formations des forces de l’ordre et les mises à disposition d’ISPG (intervenantes sociales police-gendarmerie) permettent-elles réellement de mieux appréhender le phénomène ?

une trentenaire a été tuée à coups de couteau par son ancien conjoint mais jamais de plainte. La brigade des atteintes aux personnes a rassemblé des éléments médicaux, des témoignages. Le vendredi, j’ai fait déférer l’auteur, qui a été incarcéré par le juge des libertés et de la détention.

Le samedi, la victime a été contactée par l’association et le lundi, elle était devant le tribunal pour témoigner lors de la comparution immédiate : l’auteur a été condamné à une peine mixte, dont un an ferme. On était devant l’exemple typique d’une emprise psychologique.

avec un objectif essentiel.

 Les ISPG permettent aussi ce fonctionnement quasiment en temps réel, pour porter à notre connaissance des situations ou, en sens inverse, pour que nous puissions les saisir afin que le lien soit fait avec toutes les mesures de protection et de suivi qui existent. 

Où en sont les parquets de Narbonne et Carcassonne dans la mise en œuvre des derniers outils : téléphone grave danger (TGD), bracelet anti-rapprochement (BAR), ordonnance de protection (*) ?

il a été déféré, incarcéré et condamné à de la prison ferme avec maintien en détention.

Florence Galtier : Depuis 2020, 12 octrois de TGD ont été prononcés. Nous avons un volant de huit téléphones à disposition, et trois sont attribués aujourd’hui : c’est le niveau le plus bas depuis le début du dispositif, mais cela s’explique par des déménagements de victimes, ou des situations qui se sont améliorées.

Nous sommes dotés de trois BAR : un a été requis mais n’a pas été prononcé, car l’application doit concerner des faits postérieurs à l’entrée en vigueur de la loi. Mais des réquisitions vont être prononcées très prochainement, et appliquées. Du côté des ordonnances de protection, 19 ont été prononcées en 2019, 26 en 2020, et nous sommes en 2021 à 18.

Ces ordonnances sont inscrites au FPR : le non-respect d’une interdiction de se rapprocher d’une victime est constitutif d’une infraction autonome, ce qui permet une garde à vue et un défèrement. Pour ceux qui ne le comprennent pas, on leur fera comprendre avec des mesures plus fermes.

(*) Le TGD permet d’entrer en contact avec une plateforme qui peut alerter les forces de l’ordre ; le BAR,  dispositif de surveillance électronique géolocalisé, permet de contrôler le respect d’une mesure de distance à maintenir, entre l’auteur et la victime ; l’ordonnance de protection permet notamment de prononcer une interdiction d’entrer en contact.

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