Billie Jean King, légende du tennis et éternelle battante


Une simple question peut parfois changer le monde. Un jour d’été 1954, dans une salle de classe de CM2 à Long Beach (Californie), Susan Williams demande innocemment à sa camarade : « Est-ce que tu joues au tennis ? » Ce à quoi cette jeune fille myope, yeux bleus et cheveux noirs, répond : « C’est quoi le tennis ? »

Quelques lectures plus tard, sur la Française Suzanne Lenglen, « première superstar de notre sport », et sur l’histoire de ce drôle de jeu, la curieuse Billie Jean, née Moffitt, est déjà tombée amoureuse de la petite balle jaune. En rentrant de son premier essai avec une raquette dans la main, elle s’exclame : « Maman ! Maman ! J’ai trouvé ce que je vais faire dans la vie ! Je veux devenir numéro un mondiale de tennis ! » Quelques années plus tôt, elle lui avait aussi dit : « Maman, j’accomplirai de grandes choses dans ma vie. Je le sais c’est tout ! Tu verras. » Les deux fois, sa mère sourit, avant de répondre : « D’accord, ma chérie. »

Billie Jean King, légende du tennis et éternelle battante

Chez les Moffitt, le sport est une religion, un art de vivre. Le père Bill, de qui elle tient son prénom, avait failli jouer au basket en BAA, l’ancêtre de la NBA. Le frère Randy s’apprête à embrasser une carrière professionnelle dans le baseball. Mais chez les Moffitt, l’argent est rare. Ainsi, Billie Jean achète des bonbons à la pharmacie du coin, qu’elle revend un peu plus cher à ses camarades, jusqu’à économiser assez de dollars pour s’offrir sa première raquette.

Une simple prise de conscience peut parfois rendre le monde meilleur. Un soir, alors qu’elle vient d’assister pour la première fois à un match de baseball, elle rentre la mine déconfite, ses parents ne comprenant guère pourquoi. Un peu plus tôt, elle venait de comprendre que les effectifs professionnels de MLB étaient entièrement masculins. Pas une fille sur le terrain. Le sport semble entièrement réservé aux hommes. Quelques jours plus tard, lors d’un entraînement, son premier formateur Clyde Walker lui soutient que le service kické n’est pas fait pour les filles. Pour toute réponse, elle le réussit du premier coup.

« Je n’ai plus joué au tennis pendant un an quand j’ai réalisé que tout le monde était blanc »

À chaque discrimination, frontale ou insidieuse, la jeune Billie Jean Moffitt cherche une parade. « Je crois que, chez moi, cette volonté-là a commencé dès mes sept ans, nous confie-t-elle. Je savais que je voulais me battre pour mes valeurs sur l’égalité. Je n’ai plus joué au tennis pendant un an quand j’ai réalisé que tout le monde était blanc, habillé tout en blanc, dans les clubs. Je me suis demandé pourquoi on ne voyait pas d’autres personnes sur les courts. » Soixante ans avant le mouvement Black Lives Matter, la lutte contre les discriminations raciales s’éveille dans l’esprit de la Californienne, qui s’identifie très vite à Althea Gibson, première joueuse noire de l’histoire à remporter un tournoi du Grand Chelem, à Roland-Garros en 1956. Elle racontera plus tard qu’au cours de sa carrière, l’un des rares jeunes garçons noirs d’Hawaï, qui la regardait s’entraîner à travers un grillage, avait été découragé par les remarques racistes de son prof de tennis. « Je ne devais pas toucher le planning des matches épinglés sur le tableau parce que ma couleur pourrait déteindre », évoquera ce jeune garçon dans ses futures mémoires…

Billie Jean Moffitt comprend très vite qu’elle devra se battre pour obtenir son dû. En 1958, âgée de 14 ans, elle est obligée de faire le voyage en train avec sa mère jusqu’en Ohio, à l’autre bout des États-Unis, pour disputer les championnats nationaux de sa catégorie d’âge.

le tournoi le plus prestigieux au monde. Elle évoque son arrivée dans une famille anglaise, sa défaite en quart de finale face à Darlene Hard, avant de rédiger une brève conclusion. Elle s’imagine, 27 ans plus tard, mariée, entourée de ses quatre enfants, diplôme en poche. « Même si je n’ai jamais atteint mes ambitions en tennis, je suis tellement heureuse d’avoir pris un autre chemin et d’avoir poursuivi mes études après le lycée au lieu de devenir une bonne à rien de joueuse de tennis », écrit-elle alors. « La conclusion conventionnelle montrait juste à quel point j’avais commencé à intérioriser le scénario banal pour les femmes blanches de la classe moyenne de ma génération, analyse-t-elle 64 ans plus tard, dans son autobiographie. À cette époque, les ambitions d’une fille à l’aube de l’âge adulte se limitaient, au mieux, à poursuivre des études supérieures et connaître une réussite modeste. Tant que cela n’interférait pas, bien sûr, avec le mariage et les enfants. Les femmes étaient supposées abandonner leurs rêves pour favoriser les ambitions de leurs maris. »

Les Original 9 et le contrat à un dollar

comme elle l’avait imaginé dans sa dissertation) une fois tout en haut, lui intime de fermer les yeux avant de se retourner. En les rouvrant, elle découvre alors « le plus beau court de tennis jamais créé ». Quelques minutes de contemplation plus tard, elle lui demande : « Est-ce qu’on peut rester là pour toujours ? »

Sa première victoire sur le court de ses rêves vient cinq ans plus tard (en 1966, année où elle réalise aussi son rêve de devenir numéro un mondiale), après notamment deux défaites contre Margaret Smith Court, sa plus grande rivale. Au total, elle s’y impose six fois en simple (un record qui tiendra jusqu’à l’avènement de Serena Williams) et vingt fois au total, en comptant le double et le double mixte (ce record tient toujours).

Mais Wimbledon, Billie Jean King faillit y renoncer pour une bonne raison. En 1970, la gronde commence à monter chez les joueuses au regard des dotations de l’US Open : 20 000 dollars pour le gagnant, 7 500 pour la gagnante. Pire, seulement deux tournois.

PORTRAIT. « J’aimerais vivre à jamais »  : Billie Jean King,