Le président du MR essuie les critiques, y compris au sein de sa famille politique, après son débat avec le leader de l’extrême droite flamande. Ecolo-PS-Les Engagés exigent une clarification d’ici lundi midi.
Le tollé est quasi général face à ce que la classe politique francophone perçoit comme une rupture du cordon sanitaire médiatique à l’égard de l’extrême droite.
Bouchez vs Macron
Jeudi soir, Georges-Louis Bouchez a débattu avec le président du Vlaams Belang, Tom Van Grieken, au cours de l’émission Ter Zake sur la VRT. Ce débat se voulait une sorte de réplique du débat Macron-Le Pen diffusé mercredi sur les chaînes françaises avant le deuxième tour de l’élection présidentielle.
« L’extrême droite on ne débat pas avec, on la combat. »
Rajae Maouane
Co-présidente d’Ecolo
Très vite, du côté des partis francophones en majorité avec le MR à différents niveaux de pouvoirs, les réactions n’ont pas tardé. Sur la RTBF, le secrétaire d’État Thomas Dermine (PS) a ainsi pris acte du « fait politique » que constitue ce débat. Si l’extrême droite n’a jamais connu les scores flamands ou français dans la Belgique francophone, c’est grâce au cordon sanitaire médiatique, a-t-il fait remarquer. « Il y a des études très sérieuses qui montrent que le fait d’exclure des débats les partis d’extrême droite fait qu’ils restent bas dans les urnes. Georges-Louis Bouchez le sait et, aujourd’hui, il fait un choix conscient de rompre le cordon sanitaire qui est une tradition bien établie du côté francophone« , a-t-il déclaré. « L’extrême droite on ne débat pas avec, on la combat », a tweeté pour sa part la co-présidente d’Ecolo, Rajae Maouane.
« Il fréquente beaucoup trop l’extrême-droite et regarde trop Le Pen et Zemmour. »
Après Zemmour…
Même stupéfaction dans les couloirs de la famille libérale francophone où de nombreux acteurs n’ont pas oublié l’épisode Zemmour après que le président du MR ait salué la « constance » du candidat d’extrême droite à l’élection présidentielle française. Ce libéral qui préfère s’exprimer en off se dit surpris. « Je suis surpris et je regrette qu’il ait coupé le cordon. Il faudra des explications. Le cordon sanitaire a été défendu par le MR. Je lis les justifications de notre président, mais cela aurait dû faire l’objet de contacts préalables au sein du MR. » Un autre libéral de premier plan va plus loin: « Il fréquente beaucoup trop l’extrême droite et regarde trop Le Pen et Zemmour. » Cet autre élu de premier plan « ne voit pas ce qu’on avait à gagner sauf à rendre les rapports plus complexes avec les autres formations politiques ».
Lire aussi
Le MR, un parti sous tension continue
Au-delà de l’indignation, pour certains libéraux, cette sortie met à mal le combat du MR qui milite pour qu’un cordon sanitaire existe également à l’encontre de l’extrême gauche. « Dire qu’on veut le cordon par rapport à l’extrême gauche et le rompre avec l’extrême droite, c’est insensé…« , estime un cador du parti. « Je lui en parlerai car c’est une erreur », insiste cet autre figure du MR qui « ne désire pas en remettre une couche ».
« En quoi j’ai brisé le cordon sanitaire? Le cordon sanitaire, c’est de ne pas conclure des accords avec l’extrême droite et l’extrême gauche. »
Georges-Louis Bouchez
Président du MR
Figure du MR bruxellois, David Leisterh est d’un tout autre avis et salue même la démarche de son président. « Face à Van Grieken, Bouchez a démontré qu’il était un excellent débatteur. Comme Macron face à Le Pen, il a détruit le projet adverse. Les partis flamands ont besoin d’aide et de renfort pour contrer cette émergence. Argument contre argument, Georges-Louis Bouchez a démontré que l’extrême droite était puante et dangereuse pour la Flandre », a-t-il expliqué au micro de la DH.
Lundi midi, sinon quoi?
Sous le feu des critiques, Georges-Louis Bouchez a lui voulu justifier son choix via les réseaux sociaux. « On combat (les partis d’extrême droite) en débattant et en démontant leurs arguments, pas dans un entre soi mortifère? », a-t-il répondu à Mme Maouane. Et d’ajouter en ne retenant que l’aspect politique du cordon sanitaire, à l’adresse d’une internaute qui l’interpellait: « En quoi j’ai brisé le cordon sanitaire ? Le cordon sanitaire, c’est de ne pas conclure des accords avec l’extrême droite et l’extrême gauche. Pour les débats, en Flandre, le Belang est sur les plateaux depuis longtemps. Donc j’ai brisé quoi? »
Dans un message commun co-signé par les 4 présidents des trois partis francophones, Ecolo-PS-Les Engagés estiment qu’une ligne rouge a été franchie. « Cet acte très grave au regard des enjeux de la démocratie ne peut, aux yeux des autres signataires, rester sans suite », écrivent Paul Magnette (PS), Rajae Maouane et Jean-Marc Nollet (Ecolo) et Maxime Prévot (Les Engagés) en référence au code de bonne conduite élaboré entre partis démocratiques francophones en 2002.
Les trois partis demandent au MR de clarifier sa position « d’ici lundi midi » avec cette question: « S’agit-il d’une faute qui ne se reproduira plus ou le MR renie-t-il le point 11 de la charte sur laquelle il s’était clairement engagé? », écrivent-ils . Un ultimatum qui a de quoi susciter une certaine inquiétude dans les couloirs de la Toison d’Or…