C’est la journée mondiale du refus de la misère ce lundi. L’occasion de rappeler que 9 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté en France dont 3 millions d’enfants. Des personnes dont la précarité augmente encore cet hiver à cause de la hausse des prix de l’énergie. Pour en parler Stéphane Martin, le directeur de la Fondation Abbé Pierre en Bretagne, était l’invité de France Bleu Armorique.
France Bleu Armorique : Pour bien comprendre, expliquez nous ce que ça veut dire vivre sous le seuil de pauvreté et combien ça peut concerner de personnes à peu près en Bretagne?Stéphane Martin : Quand on vit sous le seuil de pauvreté, on a des revenus qui sont inférieurs à peu près à 1 000 € par mois. Voilà, ça représente plusieurs centaines de milliers de Bretons. Et c’est vrai qu’aujourd’hui, à l’approche de l’hiver, le gros souci, c’est la précarité énergétique. Beaucoup de ménages ne vont pas pouvoir payer des factures. On a déjà des personnes qui sont en difficulté. On sent aussi qu’il y a des tensions sur les fournitures, le bois devient plus cher, on a du mal à trouver des pellets pour les poêles à bois. Et puis beaucoup de ménages viennent vers nous et nous disent qu’ils ne pourront pas se chauffer durant l’hiver. Mais davantage cet hiver que les précédents? C’est vrai que cette situation revient chaque hiver. Mais cela s’aggrave en lien avec les limites des dispositifs de repérage, et d’accompagnement des personnes. On voit bien qu’il ne faut pas attendre que les gens viennent dans les services sociaux demander des aides. Il faut aller vers ces ménages. Et c’est vrai qu’on milite pour qu’il y ait des outils adaptés par les collectivités et par les conseils départementaux qui puissent aller rencontrer ces ménages et ne pas attendre qu’on soit, comme chaque année, sur des difficultés plus importantes.Donc cette année encore, beaucoup de personnes ne vont ne pas pouvoir se chauffer cet hiver? Exactement. Ce sont principalement des familles monoparentales, souvent des femmes avec des enfants dans des maisons assez grandes. C’est aussi beaucoup de personnes seules. Mais cette année, on sent bien, que cette précarité énergétique touchera aussi des classes moyennes démunies, des ménages qui n’y arrivent plus. Certains nous disent qu’ils font des arbitrages au niveau des dépenses. Alors on mange, on va payer son loyer et ses charges au niveau de l’emprunt de la maison. Mais par contre se chauffer, on voit bien que là il y aura des renoncements. Et on sait très bien que quand on ne se chauffe plus et la réponse se dégrade très vite avec de l’humidité, des moisissures, des champignons et ensuite à créer des problèmes de santé. Ça crée aussi un fait, un isolement et on voudrait que les aides soient ciblées sur les autres. Justement, j’allais vous dire qu’il y a des aides qui ont été annoncées par le gouvernement pour faire face à cette hausse des prix de l’énergie. Le bouclier tarifaire ou le chèque énergie, ce n’est pas assez?Ce n’est pas assez, c’est déjà bien, il faut le dire. C’est vrai que sans le bouclier énergétique, les factures seraient hors de prix. À partir du mois de janvier, il y aura une hausse supplémentaire de 15 %. Mais on aurait voulu que ces aides soient ciblées sur les plus pauvres, ceux qui sont le plus en difficulté. Mais il y a ce chèque énergie, justement pour les foyers les plus modestes.Oui, mais il est trop limité. On demande son triplement pour atteindre 700 à 800 euros. Et là, on pourrait vraiment avoir un impact sur des factures qui sont quand même très importantes. On a des factures de 1500 à 2 000 € et avec 700 ou 800 €, on peut commencer à faire face à ces factures. Autre point essentiel, nous demandons la fin des coupures d’énergie. Il faut le dire, seul EDF aujourd’hui ne coupe plus. Et on aimerait bien que d’autres opérateurs l’imitent pour qu’on arrête d’avoir des ménages qui sont effectivement sans énergie, sans chauffage dans les maisons.Dans cette lutte contre la précarité et le mal logement, ne faudrait-il pas aussi aider les ménages à mieux isoler leur logement?Oui, et cela passe aussi, bien entendu, pour les propriétaires qui doivent réaliser des travaux. Justement la loi oblige les propriétaires de logements qui sont des passoires thermiques à faire ces travaux. Oui, mais on est quand même sur un rythme de rénovation qui paraît trop lent dans le parc privé. Et il faut continuer dans le parc HLM à rénover plus vite. Et puis on voit bien qu’avec la hausse du coût des matériaux, les restes à charge, c’est-à-dire ce que le ménage doit financer après les subventions, est trop lourd dans les dossiers d’habitat très dégradés, voire indignes. On constate aujourd’hui que le reste à charge est de 10000 à 15 000 €, ce qui fait que les ménages ne peuvent pas aller jusqu’au bout de la rénovation. Il faut là aussi cibler les aides vers les ménages les plus pauvres et puis aller beaucoup plus vite. C’est aussi un enjeu de développement durable. Si on veut sauver la planète, ça passe aussi par une accélération de toutes ces mesures.A l’occasion ce lundi de la Journée mondiale du refus de la misère, plusieurs événements sont prévus en Bretagne : place des droits de l’homme, cet après-midi à Saint-Brieuc ou encore un rassemblement de 17 h à 19 h, devant la maison Quart-Monde, à Rennes.