Par Anthony Bonnet
Publié le 4 Oct 22 à 15:19
L’Éveil Normand
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La gratuité des titres de transport à Brionne pousserait-elle les familles à prendre une carte pour leurs enfants même s’ils n’utilisent pas le service ? ©photo d’illustrationC’est un exercice délicat auquel s’est livré le maire de Bernay le vendredi 9 septembre 2022 : exposer publiquement une situation présentée comme problématique, quitte à mettre en porte à faux une commune voisine. Interrogée par des habitants sur l’encombrement de la place de Verdun depuis de nombreuses années par des cars scolaires, Marie-Lyne Vagner a parlé du cas spécifique de Brionne : chaque jour, il y a « deux bus à moitié pleins ou à moitié vides » qui circulent en direction des lycées de Bernay, a-t-elle déclaré. La raison du problème est simple selon elle.
« La mairie de Brionne rembourse la carte scolaire de toutes les familles et il y a donc très peu d’enfants qui montent dans les bus, car les parents viennent travailler à Bernay et ils emmènent leurs enfants. Et ils prennent la carte « en cas que » ».
Marie-Lyne Vagner
Dit clairement, des familles profiteraient de la gratuité pour se faire rembourser une carte de transport dont elles n’ont pas vraiment besoin, occasionnant un surdimensionnement du service. Alors qu’il est de plus en plus compliqué de recruter des conducteurs, « on ne va pas mettre deux bus de 57 places sur la route », ajoutait Marie-Lyne Vagner, en précisant que le dossier avait été abordé avec le maire de Brionne. Sauf que visiblement, cette discussion n’a jamais eu lieu, son homologue n’apparaissant pas au courant du sujet… « C’est clairement une interprétation très personnelle de Marie-Lyne Vagner », répond Valéry Beuriot. Quelque peu contrarié par cette prise de parole impromptue, celui-ci s’est très vite rapproché des services de l’intercom Bernay Terres de Normandie pour connaître la réalité des chiffres. « La fréquentation des cars peut fluctuer dans l’année, elle est plus importante au début et à la fin, relate-t-il. Et cela peut fluctuer aussi dans la journée, les horaires des cours ne coïncidant pas toujours avec ceux des cars, des parents s’arrangent pour venir chercher leurs enfants. Et les cars de 18 h sont moins remplis que ceux de 17 h. » Pour Valéry Beuriot, cette situation concerne « toutes les communes et tous les circuits du secteur de Brionne, soit une dizaine d’autocars ». « Ce n’est donc pas parce qu’on décide que le reste à charge est nul pour les familles à Brionne que le remplissage des cars est moins important », tranche-t-il pour couper court au débat. Évalué à l’année et par élève à environ 1 000 euros, le coût du transport scolaire est financé à 90 % par la Région Normandie, en tant qu’autorité organisatrice de la mobilité.Et l’intercom Bernay Terres de Normandie contribue à hauteur de 25 € pour les collégiens et les lycéens. Il reste un montant de 95 € à la charge des familles. Une somme que la Ville de Brionne rembourse intégralement à tous les foyers en faisant la demande auprès la mairie avec un justificatif de paiement et sans condition de ressources.Vidéos : en ce moment sur Actu« Plus que jamais, on va maintenir cette gratuité des familles brionnaises dans le contexte général de hausse du coût de la vie », revendique Valéry Beuriot, en précisant ne pas faire de ce sujet une affaire de dogmatisme.
« Ce qui m’intéresse, ce sont mes administrés. Dans la mesure de leurs possibilités, les collectivités doivent jouer un rôle d’amortisseur social. Ce n’est pas parce qu’on habite dans un territoire rural que l’on doit subir une double peine. Le transport scolaire devrait être gratuit, comme l’école. »
Valéry Beuriot
« Le tout gratuit a un coût : nos impôts »
Cette politique sociale, qui a coûté à la Ville de Brionne 3442 € en 2020 et 3462 € en 2021, pour une trentaine de familles, est une particularité que les communes alentour préfèrent ne pas imiter. Par exemple à Serquigny.
« On ne s’est jamais posé la question et aucun administré ne nous l’a posée. Que l’on accompagne les familles, c’est essentiel. Mais qu’il y ait un reste à charge ne me choque pas. C’est un principe de responsabilité et de respect du service. »
Frédéric Delamare
Le maire de Serquigny, qui est aussi vice-président de l’intercom de Bernay, délégué à la mobilité, ne fait pas pour autant le lien entre cette gratuité brionnaise et une moindre fréquentation des cars. « C’est plus fin que cela, c’est lié à la complexité des emplois du temps suite à la réforme du lycée, dit-il. Je pense que beaucoup de Brionnais profitent du transport scolaire et que cela fonctionne plutôt bien. » Un sentiment confirmé par la Région Normandie, qui estime « fort peu probable » que la majorité des familles prennent « des cartes de complaisance », contrairement aux propos tenus par Marie-Lyne Vagner. « Si des cars à moitié vides circulent sur les routes, c’est une double pollution avec les voitures et une mauvaise utilisation de l’argent public », réagit Martine Goetheyn, élue de l’opposition.
« Le tout gratuit, je ne suis pas d’accord, c’est la porte ouverte à tout, il faut responsabiliser les gens. Et qui est-ce qui paye ? Les habitants ! Le tout gratuit a un coût et ce sont les impôts, qui ont beaucoup augmenté cette année à Brionne avec la hausse de 20 % du foncier. »
Martine Goetheyn
La question de l’encombrement des cars « à moitié vides ou à moitié pleins » ne se poserait plus si les élèves étaient conduits en train jusqu’à Bernay. Une proposition défendue depuis plusieurs années par l’association Brionne Eco-mobilités, qui milite en faveur du chemin de fer et attend toujours une réponse concrète pour mettre en oeuvre cette idée. Cet article vous a été utile ? Sachez que vous pouvez suivre L’Éveil Normand dans l’espace Mon Actu . En un clic, après inscription, vous y retrouverez toute l’actualité de vos villes et marques favorites.