Castelnaudary. "Il y a urgence à revoir la PAC et recommencer à produire"


La guerre en Ukraine fait craindre le pire en matière de sécurité alimentaire. Le point avec des professionnels agricoles, qui tirent la sonnette d’alarme.

« Avec ce conflit – bien sûr au-delà des personnes qui malheureusement le vivent de près –, c’est l’équilibre alimentaire mondial qui va très vite en être bouleversé », relève Jean-François Gleizes. « Le grenier à blé du monde, la Russie et l’Ukraine, pèse 40 % sur le marché mondial des céréales. S’il change de mains, s’il est dirigé ailleurs que vers le bassin méditerranéen, cela devient une arme alimentaire », met en garde celui qui, dans les différentes fonctions au niveau national qu’il a occupées, connaît bien l’Ukraine pour s’y être rendu à plusieurs reprises. « Si on rajoute les aléas climatiques, la situation peut devenir extrêmement grave pour des pays comme l’Espagne, qui est extrêmement sèche, ou encore le Maghreb et plus largement l’Afrique. Cela veut dire que le pouvoir entre les mains de celui qui détiendra la Mer Noire ou la mer d’Azov est colossal en termes de fourniture d’alimentation. Il contrôlerait un tiers de l’alimentation mondiale dans un contexte d’aléas climatiques forts. Déjà, l’Egypte aujourd’hui est à cran. Elle a acheté et payé du blé qui est encore en Ukraine et qu’elle ne peut pas sortir ».

Castelnaudary.

Russie et Ukraine, aux premiers rangs des exportations

« La Russie est le premier exportateur mondial de blé tendre avec 34 millions de tonnes ; l’Ukraine, 4e exportateur mondial avec 25 MT, soit 29 % des échanges mondiaux. La Russie et l’Ukraine exportent respectivement 4 MT et 6 MT d’orge, soit 31 % des échanges mondiaux. L’Ukraine est le 3e exportateur mondial de maïs (32,5 MT), soit 13 % des échanges mondiaux d’orge », souligne Evelyne Guilhem.

Une explosion des prix

Il faut revoir la politique agricole commune pour 2023, on est en train de nous en rajouter de nouvelles qui vont nous faire perdre encore 7 à 8 % de plus de production de terres agricoles. Il n’est pas question, là, de remettre les mines de charbon en route, mais de produire davantage pour nourrir la population ».

Une question de souveraineté alimentaire

« Ce conflit montre à quel point la production céréalière française est stratégique pour notre souveraineté alimentaire, mais pas seulement. C’est un approvisionnement vital pour tout le pourtour méditerranéen. Avec cette guerre, on risque de connaître à nouveau les émeutes de la faim, comme en 2008 où les cours du blé dur étaient remontés à 500 € la tonne. On n’en est pas loin », relève Evelyne Guilhem. « On avait eu des blés tendres à 310 €. On ne manquait pas de blé, et pourtant on estime, à cause de la hausse des prix, à 2,5 millions le nombre de personnes mortes de faim dans les pays pauvres. Aujourd’hui, si on bloque 20 % de la production mondiale, on peut avoir 10 millions de morts », relève Antoine Bernabé, directeur industriel de la filière meunière du groupe Arterris.