Ce qu’attendent les professionnels du Cher des États généraux de la justice


«Sur quoi la France est-elle perçue comme bonne élève?? » La question émane d’un étudiant en troisième année de la faculté de droit de Bourges. Avec d’autres, il a participé à un échange organisé par Mauricette Danchaud, première présidente de la Cour d’appel de Bourges, et Marie-Christine Tarrare, procureure générale, dans le cadre des États généraux de la justice.

Cent vingt jours de travail. C’est ce qui attend les professionnels du droit à l’occasion de cette consultation, ouverte par le Président Emmanuel Macron, mi-octobre. Une consultation auprès des professionnels et des citoyens (*). « Qu’ils s’en emparent?! » s’enthousiasme Marie-Christine Tarrare. Pour Mauricette Danchaud, « la justice est perfectible, il ne faut pas avoir peur de se remettre en question ».

Simplification

Pour les professionnels, pas question de réformer pour réformer. Dans leur viseur, il y a la procédure pénale et sa simplification qu’ils appellent de leurs vœux. À l’image de Me Alain Tanton, bâtonnier de l’Ordre des avocats du barreau de Bourges : « On s’acharne à rendre les procédures plus complexes. La forme prend le pas sur le fond. » La première présidente de la Cour d’appel ajoute : « Il faudrait des études d’impact quand le législateur veut changer. Pourquoi pas des groupes de relecture des codes. »

Efficacité

Simplifier pour moderniser et permettre à la justice d’être efficace, souligne la juge Sylvie Barucco, représentante de l’Union syndicale des magistrats (USM) : « Il faut une réponse de la justice pour tout, mais on n’a pas les moyens de faire appliquer les peines. Donc on propose des alternatives à la peine. Est-il utile alors de tout poursuivre?? »
Marie-Christine Tarrare ajoute : « Il faut moderniser la réponse judiciaire, sans aller trop vite. C’est-à-dire raccourcir les délais en ayant des échanges plus rapides entre les acteurs de l’enquête à l’exécution de la peine. La numérisation de la procédure pénale doit nous y aider. »

Moyens

L’effectivité de la justice répond à l’un des objectifs affichés des États généraux de la Justice : renouer le lien et rétablir la confiance avec le citoyen. Rien ne se fera sans moyens supplémentaires, tous les acteurs du droit s’accordent là-dessus. Malgré un budget de la Justice en hausse, Sylvie Barucco assène : « Elle est dans une misère telle que la machine ne peut pas répondre à la demande. » L’avocat Alain Tanton pointe « l’indigence de services qui n’ont plus de crédit pour acheter du papier ».
Marie-Christine Tarrare réclame : « Pas de demi-mesure, pas de demi-moyens. Toute politique d’amélioration ne se fait pas à coûts constants. » La question des moyens humains est aussi au cœur de ces États généraux. Sylvie Barucco dénonce les postes de greffiers non pourvus, « jusqu’à 25 % dans certains départements, il faut se demander qui veut-on pour faire la justice?? Il faut payer les gens ». L’embauche, en quatre ans, de 700 magistrats, 850 greffiers et 2.000 contractuels, en France, ne la rassure pas. Pour la Cour d’appel, Mauricette Danchaud fait le point : « Il y a quatre postes vacants dans notre juridiction, mais le problème, c’est l’absentéisme et la difficulté de remplacer les absences. »

Délai

À l’issue des cent vingt jours de travail des États généraux, les propositions remontées du terrain seront communiquées à un comité, composé de douze femmes et hommes, et présidé par Jean-Marc Sauvé, auteur du récent rapport sur la pédophilie dans l’Église. Un temps jugé « trop court » par les professionnels du Cher. « On ne fait pas un travail d’importance en trois coups de cuillère à pot », regrette Sylvie Barucco, pour l’USM. Un rapport sera remis au garde des Sceaux, fin février.
(*) Les citoyens peuvent donner leur avis sur parlonsjustice.fr.
Marion Bérard