Voici la plus grande centrale nucléaire du monde


Deux puissants réacteurs EPR devraient s’ajouter aux six réacteurs existants à Gravelines d’ici 2038.Image: GettyEDF a de grands projets pour Gravelines, dans le nord de la France. Elle veut y bâtir la plus grande centrale nucléaire du monde.

Un débat public est organisé, mais les riverains n’ont pas leur mot à dire.Stefan Brändle, Gravelines / ch mediaPlus de «International»Du vent et de la pluie, des dunes de sable scarifiées et six réacteurs nucléaires: Gravelines, sur la rive française de la Manche, n’est vraiment pas une attraction touristique. La ville côtière, fortifiée depuis le Moyen Age, se trouve entre deux voisins plus connus: à l’est Dunkerque, point névralgique de la Seconde Guerre mondiale, à l’ouest Calais, port de ferry et point de chute des migrants à destination finale de l’Angleterre.

Mais voilà que Gravelines reçoit «un beau projet». C’est ce qu’affirme Antoine Ménager, planificateur en chef d’Electricité de France (EDF), en cette soirée d’information naturellement pluvieuse dans la salle rénovée de la forteresse locale, aménagée par l’ingénieur militaire Vauban au 17ème siècle.Le projet consiste en deux nouveaux réacteurs à eau pressurisée (EPR) qui devraient être construits entre 2026 et 2038 à côté de la zone portuaire.

Leur puissance de 1600 mégawatts chacun, ajoutée aux 900 mégawatts de chacun des réacteurs existants, créerait une installation nucléaire d’une puissance totale de 8600 mégawatts. «La plus grande du monde», se réjouit Antoine Ménager devant 300 auditeurs, et il ne cache pas sa fierté à ce sujet.La centrale nucléaire de Gravelines est exploitée par l’entreprise française Electricité de France (EDF).

Image: www.imago-images.deCette réunion d’information est la première d’une série qui se déroulera jusqu’en janvier dans le nord de la France, et même une fois en Belgique.

Elles sont organisées par la Commission nationale du débat public (CNDP), une instance de la démocratie française créée par l’Etat, mais qui se dit «indépendante».Le nucléaire est un thème exemplaire pour la CNDP: il est décidé par le sommet de l’Etat, mais il doit aussi impliquer la population locale.

Pas d’impact sur la prise de décisions

Qu’entend-on par «impliquer»? Une femme, membre du parti écologiste EELV, qualifie la procédure d’antidémocratique et demande si un tel débat a déjà changé quelque chose à l’intention des autorités.

Oui, dans 60% des cas, les projets respectifs ont été adaptés par la suite, répond très précisément le représentant de la CNDP. Mais cela ne concerne le plus souvent que des «mesures d’accompagnement», objecte l’auteur de la question. Le nucléaire nécessite d’abord un débat de fond qui, s’il est sérieux, inclut aussi la possibilité d’un «non, merci».

Les opposants au nucléaire sont tout de même bien représentés à la table ronde. Et Yves Marignac, de l’association Négawatt, endosse vite un rôle central: il cite des études selon lesquelles il serait possible d’économiser suffisamment d’énergie en France pour se limiter «à 100%» aux énergies renouvelables. Celles-ci seraient moins chères et aussi plus rapides, car les nouveaux EPR de Gravelines ne seraient pas raccordés au réseau avant 2040.

Questions critiques du public

Le premier EPR de France vient d’être mis en service à Flamanville (Normandie), avec 12 ans de retard et un surcoût quadruplé de 13,2 milliards d’euros. Un fiasco de construction.Le représentant d’EDF, Antoine Ménager, explique cela par le fait que les ingénieurs nucléaires français n’ont pas construit de centrale nucléaire depuis plus de 20 ans, ce qui a rendu la construction de Flamanville plus difficile.

Selon ses études, il n’existe «aucune alternative européenne crédible» à l’EPR. Ce qui n’exclut pas le développement des énergies renouvelables. Au large des côtes de Gravelines, EDF prévoit également un parc éolien.

Mais avec 600 mégawatts, il ne contribuera même pas à 10% de l’installation nucléaire, rétorque Nicolas Fournier de l’association écologique Les Amis de la Terre. En se concentrant sur le nucléaire, la France néglige l’énergie solaire et éolienne. En outre, Gravelines produira des montagnes de déchets nucléaires.

L’animateur s’efforce de répondre aux questions les plus critiques du public – peut-être aussi parce que la population, voire la nation, ne votera jamais sur la construction de l’EPR de Gravelines.Cette soirée ne donne en tout cas pas l’impression, dominante en Europe, que les Français sont tous pro «nucléaire». Une médecin retraitée reconnaît que la radioactivité mesurée autour des réacteurs existants est inférieure aux valeurs limites – «mais qui fixe les valeurs limites en France, si ce n’est EDF»?Un citoyen inquiet veut savoir si le raccordement à la mer des huit réacteurs au total n’est pas remis en question par l’accident de Fukushima.

Le chef de projet d’EDF se veut rassurant. L’installation placée en bord de mer à des fins de refroidissement sera construite à 11 mètres de hauteur en raison de l’expérience de Fukushima, ce qui devrait briser tout tsunami. Les couvercles des réacteurs – il n’y a pas de tours de refroidissement à Gravelines – sont suffisamment solides pour «résister au crash d’un gros avion civil».

Nicolas Fournier, des Amis de la Terre, conteste par ailleurs que le nucléaire garantisse «l’indépendance énergétique» de la France. La veille, il a lui-même assisté à Dunkerque au déchargement d’uranium par un navire russe. Et ce, malgré la guerre en Ukraine.

Les Français restent favorables au nucléaire

Cela fait beaucoup de questions pour Antoine Ménager. L’homme d’EDF dispose de 10 minutes de temps de parole, contre 4 pour les représentants de la tribune. Sa première réponse n’est pas très convaincante: la France importe certes de l’uranium, mais elle produit seule l’électricité à partir de celui-ci, donc en «souveraineté nationale».

Nicolas Fournier réplique:«L’énergie nucléaire ne serait pas compétitive sans les subventions de l’Etat»Il ajoute qu’EDF ne tient pas non plus compte du démantèlement des centrales nucléaires en fin de vie, qui dure depuis des décennies, dans ses comptes financiers. Ce n’est pas sans raison qu’aucune entreprise privée n’a participé à l’EPR. Seule EDF, propriété de l’Etat et lourdement endettée, s’est lancée dans cette aventure financière.

Plus la soirée avance, plus l’impression se renforce: ce débat public sert surtout à permettre aux opposants à l’EPR de se défouler. Rien de plus. Les Français ne pourront pas donner leur avis.

Mais peut-être que le public critique de Gravelines n’est pas non plus représentatif. Selon plusieurs sondages réalisés après le début de la guerre en Ukraine, les Français restent majoritairement favorables au nucléaire. Ce qui est nouveau, c’est qu’ils souhaitent aussi davantage de renouvelables.

Et ce, dans une mesure encore plus importante que le nucléaire.(Traduit et adapté par Chiara Lecca)L’actu’ internationale, jour et nuit, c’est par ici:Selon des sondages tout frais, la vice-présidente n’est plus aussi populaire qu’il y a trois mois et son avance sur Donald Trump, au niveau national, a fondu. A trois semaines de l’élection présidentielle, les démocrates craignent la défaite d’Harris, même si parier sur le vainqueur est désormais aussi fiable que de jouer à pile ou face.

Vendredi, un éditorialiste de The Hill a osé un pronostic provocateur, en déroulant quatre raisons pour lesquelles Kamala Harris va perdre l’élection présidentielle. Son insécurité, son voeu de ne pas s’émanciper du gouvernement Biden-Harris, son impuissance face à un candidat passé maître dans le culte de la personnalité et un nombre conséquent d’Américains «qui se disent moins bien lotis qu’il y a quatre ans».