Loic VENANCE
Axa
Axa débloque 300 millions d’euros pour dédommager les restaurateurs. Une opération qui se lit comme l’aboutissement d’un changement de position pour l’assureur, et relance le débat sur le caractère assurable – ou non – d’une pandémie.
l’assureur a souvent perdu. Patrick Cohen, successeur de Jacques de Peretti à la tête d’Axa France, estime que les décisions ont été pour moitié défavorables à Axa. L’avocat Guillaume Aksil, qui travaille pour les adhérents du Syndicat des Indépendants, a de son côté recensé que “sur 115 dossiers plaidés, 90 décisions ont condamné Axa à payer une garantie de perte d’exploitation” – soit 78%.
Evolution de la doctrine
La doctrine d’Axa a évolué : Thomas Buberl avait d’abord minimisé le nombre de contrats qui pourraient être concernés par ce type de décision de justice : “moins de 10%” des contrats de restaurateurs comprenaient une ambiguïté, soulignait-il en mai 2020. Mais, face aux décisions de justice contradictoires, l’assureur a changé son fusil d’épaule. Patrick Cohen, arrivé le mois dernier, affirmait appeler de ses vœux “une réflexion publique-privée pour une solution systémique face à ce genre d’événement”. Pour Axa, cette décision s’inscrit dans la continuité : l’assureur a déjà contribué à hauteur de 3,2 milliards d’euros pour répondre à la crise, dans le cadre de différents plans. Mais il a aussi fallu l’intervention musclée de Bercy, et l’attitude symboliquement exemplaire d’assureurs mutualistes, comme Covéa, la Macif, Groupama ou la Maif, pour faire monter la pression. Le nouveau DG d’Axa France veut ainsi “tourner la page”. “Soit on attend que les tribunaux tranchent le débat, et cela va durer longtemps, soit on cherche un terrain d’entente. Comme en amitié, parfois on n’est pas d’accord, mais on sait se retrouver. J’ai décidé de tendre la main aux restaurateurs”, déclarait-il en conférence de presse. les restaurateurs acceptant cette proposition “à l’amiable” acceptent du même coup de retirer leurs plaintes. En échange, ils recevront une somme représentant 15% de leur chiffre d’affaires de 2019, dans la limite de trois mois par confinement. Selon l’assureur, cela revient approximativement à 50% du manque à gagner sur les périodes de fermeture au public dans ces mêmes périodes. En moyenne, cela représenterait 20.000 euros par restaurateur, a précisé Axa. Une solution qui coûte plus cher à Axa que sa stratégie passée, aux dires du groupe. Elle sera provisionnée sur des comptes. L’opération doit être lancée “le plus vite possible, dès le mois de juin”, a marqué Patrick Cohen.
Dettes supérieures à 20.000 euros
Cela laisse le Syndicat des Indépendants sur sa faim : « Nous attendons de connaître précisément le mode de répartition et le calendrier de versement de cette transaction. Il n’est pas certain que les restaurateurs concernés n’aient pas tout intérêt, au vu des dettes accumulées qui pour beaucoup dépassent les 20.000 euros, de porter leurs intérêts en justice », a-t-il indiqué dans un communiqué. Le restaurateur Stéphane Manigold, de la société Maison Rostang, qui a remporté son procès contre Axa en mai dernier, a salué la “main tendue incroyable” d’Axa, sur France Info. Il avait pour sa part obtenu une provision de 50.000 euros. Reste à savoir comment réagiront les autres assureurs.