Cinq anecdotes étonnantes sur la R5


Publié le 1 sept. 2021 à 10:28

Une version 5 portes prévue dès l’origine

En 1972, lancer un modèle sans porte arrière était un pari considérable. Ce type d’automobile n’avait jamais réussi sur le marché français. Une version cinq-portes avait donc été étudiée « en perruque ». Le modèle était industrialisable rapidement, si le succès n’était pas au rendez-vous. Pierre Dreyfus, le PDG de Renault de l’époque, avait veillé à ce que les outillages soient prêts. La maquette extérieure de la cinq-portes avait même été finalisée dès mars 1968. A quoi tient le choix du trois-portes pour la R5 ? Il résulte d’un accord de coopération avec Peugeot signé en 1966. Les deux constructeurs avaient décidé de mettre en commun certaines fabrications dans le but de réduire les coûts. Quitte à créer des gammes complémentaires et non concurrentes. Dans ce cadre, une petite Peugeot devait partager un moteur transversal en aluminium avec une Renault. La Peugeot quatre-portes dépourvue de hayon serait la future Peugeot 104 (le projet M) et la Renault trois-portes la R5 (le projet 122).

Une voiture dézinguée par les commerciaux

Lorsque la R5 fut présentée pour la première fois aux commerciaux de la Régie, les réactions furent désastreuses. « Je ne vendrai jamais ces auto-mitrailleuses aux Parisiennes », s’exclama un directeur commercial*. Un véritable fossé existait alors entre les « populistes », défenseurs de la tradition de Renault en matière de style et d’un certain « utilitarisme », et les tenants d’une vision plus sensuelle et ronde de l’automobile. Le choix d’une version trois-portes inquiétait particulièrement les commerciaux, qui estimaient qu’elle ne passerait pas la rampe. A l’époque, le constructeur automobile estimait qu’il faudrait 18 mois à ses équipes pour savoir si cette nouvelle approche était un échec ou pas. Dans les faits, le succès s’imposa en quelques semaines. Dès février 1972, la Régie engrangeait 700 commandes par jour**. 1973Renault Communication

Le décollage du marché de la seconde voiture

Lorsque Renault lance la Renault 5, la deuxième voiture ne représente que de 4 à 4,5% du marché en France. Mais l’émergence de ce segment est en cours dans tous les pays riches. Les femmes étaient en train d’investir le monde du travail. Elles avaient besoin d’un véhicule, qui soit à la fois pratique, polyvalent et urbain. Bernard Hanon, alors chef du service d’études et de programmation, avait observé cette évolution aux Etats-Unis, où il avait enseigné à l’Université de New-York. Jusque-là, la possession d’une petite voiture était le signe d’un « abaissement social ». Au début des années 70, l’arrivée des femmes et des jeunes sur le marché automobile offre la possibilité de transgresser les normes sociales en cours et de construire un véhicule dans lequel une institutrice, un patron de PME et un ouvrier puissent se croiser à un feu rouge, tout en se sentant à l’aise.

« La forme d’un fromage de chèvre de Valençay »

En matière de style, la R5 a été une exception. Là où la Renault 6 avait nécessité la réalisation de 28 maquettes différentes sans que le résultat soit à la hauteur des attentes, la R5 a très vite fait l’unanimité. En avril 1967, les premiers dessins du véhicule du styliste Michel Boué vont tout de suite susciter l’intérêt de l’équipe dirigeante de Renault. Et ce, même si la voiture avait, selon les mots d’Yves Georges, le patron des études, « la forme d’un fromage de chèvre de Valençay sur un chariot de gare ». Traitées de façon quasi-anthropomorphique, les phares et la proportion du capot et du pare-brise donnent une bouille sympathique à la R5. La voiture marque l’abandon de l’inutile et de l’ostentatoire pour la flexibilité et le pratique. La R5 est facile à garer. Elle roule aussi bien en ville qu’à la campagne. Et on peut y charger facilement le contenu d’un caddie de supermarché. GOUACHE 1965Renault Communication

Quand Chabrol faisait la pub de la R5

Lors du lancement de la Renault 5 cinq-portes à l’automne 1979, Renault fait appel à Claude Chabrol pour réaliser une campagne publicitaire inspirée des voyages de Gulliver. On y voit des êtres humains qui apparaissent minuscules au regard de la voiture ou qui sont au contraire des géants, mettant une goutte d’essence dans le réservoir. Une image qui frappe au moment de la crise pétrolière. Réalisé en trois semaines sur une idée de Publicis, le film a nécessité la construction d’une maquette télécommandée, capable de rouler à 45 km/h et de gravir des pentes à 30%. Son prix de revient était de 65.000 francs, soit le double d’une voiture réelle ! * * « Les lignes du losange : 90 années de style Renault », de Evelyne Demey. Edition Typofilm 1988 **« Renault. Histoire d’une entreprise », de Jean-Louis Loubet, Editions ETAI. 2000