Alors que Clarins fête ses 70 ans, la petite- fille du fondateur et directrice générale du groupe, revient sur les moments clés de son histoire et s’engage pour un avenir résolument écoresponsable.
Elle est née en 1985, la même année que le Double Sérum, best-seller iconique de la maison familiale. 1,80 mètre, de grands yeux bleus, une silhouette et une peau de rêve, cette maman de trois enfants est une publicité vivante pour les produits Clarins. Mais Virginie Courtin est bien plus que cela puisque, à 39 ans, elle fait désormais partie du trio dirigeant d’un empire cosmétique dont le chiffre d’affaires avoisine les 2 milliards d’euros et qui s’impose comme numéro un des soins en Europe *. La success story a maintes fois été racontée.
En 1954, Jacques Courtin ouvre son institut rue Tronchet, à Paris, avec des techniques manuelles inédites, et lance ses premières huiles 100 % naturelles. Les produits cultes s’enchaînent : le Lait Velours des Alpes, l’Eau Dynamisante, le Baume Beauté Éclair, les Crèmes Multi-Actives, le Double Sérum… Tout récemment, l’huile lèvres Lip Comfort Oil. Tous en ont inspiré plus d’un. Autres clés du triomphe : les cartes clientes glissées dans les produits, pour mieux répondre aux besoins des femmes, et la politique d’échantillons.
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«Nos produits sont nos meilleurs ambassadeurs. Nous n’avons pas besoin d’égérie», rappelle Virginie Courtin. Après un passage en Bourse, Clarins a choisi l’indépendance. Les deux fils de Jacques ont repris le flambeau et développé l’entreprise. D’abord Christian, dès 1974, puis Olivier, médecin, à l’origine de la seconde marque du groupe, myBlend. Aujourd’hui, Christian a laissé sa place à son aînée, Virginie, mais n’est jamais très loin. «Vous verrez, ma fille est formidable», lance-t-il au détour d’un couloir. Pourtant, tout a commencé par un malentendu.
On a en mémoire un quatuor de «filles à papa» au physique de top-modèle, flashées dans les soirées et sur les tapis rouges. Virginie et Claire, les filles de Christian ; Prisca et Jenna, les jumelles d’Olivier. «Cette image ne nous correspondait pas du tout, s’insurge Virginie. Et moi, je me sentais totalement en dissonance.» À la voir si simple, si accessible, si naturelle, si sérieuse, on la croit aisément. En tout cas, la jeune femme, qui n’a rien d’une écervelée superficielle, a tout fait pour le prouver.
Biberonnée aux crèmes
«Quand je suis née, Clarins était déjà une belle entreprise en France, mais pas encore la géante qu’elle est aujourd’hui, se souvient Virginie. Mon père voyageait huit mois par an, et je l’accompagnais parfois au bout du monde pendant les vacances scolaires pour visiter les boutiques, parler aux vendeuses et aux clientes.» Aujourd’hui, c’est elle qui passe beaucoup de temps dans les avions pour rester proche du terrain. «La clé de tout.» Efforts payants, puisque la plus française des marques de beauté est présente dans 150 pays, possède 28 filiales et réalise 95 % de son chiffre d’affaires à l’international.
L’Huile Tonic de Clarins.
Service Presse
«J’ai aussi eu la chance d’être très proche de mon grand-père, raconte la jeune femme. Il avait eu deux garçons, alors quatre petites-filles, pour lui, quelle aubaine ! » Lorsqu’elle parle de Jacques, on sent Virginie toujours émue et on comprend qu’il a énormément compté. «On a beaucoup échangé sur la beauté, la nature, les plantes, l’innovation. Jusqu’à son dernier jour, il a vécu Clarins 24 heures sur 24 et, forcément, nous a très vite transmis sa passion. Malin, il nous a impliqués doucement, à sa façon, sans forcer. En fonction de notre âge, il nous demandait notre avis sur des produits, des noms. Surtout, il écoutait beaucoup et donnait des tonnes de conseils. La phrase qu’il répétait non-stop, c’était de se mettre à la place des autres : “Ce que tu viens de dire, est-ce que tu aimerais l’entendre ?” À une époque où ce n’était pas à la mode, il s’inquiétait déjà du sort de la planète et veillait à nous transmettre des valeurs fortes, dans la vie comme dans le travail. Je l’ai toujours entendu dire que “la nature nous donne ses matières premières, donc nous devons lui rendre”, mais aussi “je n’ai pas travaillé un seul jour de ma vie”. Forcément, ça faisait envie.»
Mais ça n’a pas suffi. «Une entreprise familiale telle que Clarins, c’est une magnifique opportunité, mais aussi une énorme responsabilité, des devoirs.» Alors Virginie a bataillé pour gagner sa légitimité. Elle a entrepris des études de commerce, fait une prépa, l’Edhec, ses stages de césure à l’étranger, six mois à Singapour, six mois à New York. «Contrairement à mon grand-père, qui était un homme très sage, mon père m’a transmis le goût du risque. Il a un esprit très libre, aime casser les codes, surprendre. Pour lui, rien n’est impossible.» Virginie a donc tenu à faire ses preuves ailleurs, trois ans au département marketing du Printemps. «J’ai adoré cette expérience très enrichissante pour comprendre toutes les clés du marché.»
Puis a poursuivi son chemin : six ans chez Mugler – qui à l’époque appartenait au groupe – en occupant différents postes, au marketing, à la communication, pour finir directrice générale. «Une aventure formidable mais mon premier amour, c’est la beauté.» Aujourd’hui directrice générale du groupe Clarins et cheffe de la RSE (responsabilité sociale et environnementale), elle travaille au quotidien avec son oncle Olivier et le CEO, Jonathan Zrihen. Entré chez Clarins en tant que stagiaire il y a trente et un ans, ce dernier fait quasiment partie de la famille. Claire, la sœur de Virginie, a depuis toujours choisi une autre voie – elle vit à Londres et est décoratrice d’intérieur –, mais ses cousines de 37 ans sont très impliquées dans l’entreprise. Prisca, qui a aussi un background d’école de commerce, dirige le fonds d’investissement gérant la diversification du patrimoine familial. Clarins a acquis, entre autres, les marques Ilia, Pai, un vignoble à Saint-Émilion. Le groupe investit également dans l’hôtellerie de luxe en s’associant au groupe Evok (le Brach, le Nolinski, le Mas Candille…).
La Crème Jeunesse des Mains, édition limitée de Clarins.
Service Presse
Seule Jenna, la plus artiste du clan, reste dans la lumière comme ambassadrice de la marque. Elle représente la famille dans les lancements presse, les ouvertures de boutique ou de spa, ce qui permet aux autres de dégager du temps pour l’opérationnel. «Je fuis un peu les projecteurs, précise Virginie. Ce qui m’importe, c’est de faire grandir Clarins et de transmettre les valeurs du fondateur puisque je suis la dernière génération à l’avoir connu. C’est ma mission. Clarins est une des rares entreprises où la famille propriétaire est à la manœuvre. Et ça fonctionne très bien. On a beaucoup de chance d’être une famille unie. On apprécie de passer du temps ensemble. On s’aime beaucoup.»
Sur tous les fronts
Clarins a toujours été une entreprise où il fait bon vivre, généreuse et bienveillante avec ses employés. On y compte 86 % de femmes sur 8 000 collaborateurs (et plus de 60 % dans le top management). Mais après deux générations d’hommes à la tête, Virginie reconnaît que le rapport au travail est en pleine évolution. Tout en douceur : «Nos visions sont très complémentaires», assure la jeune femme, qui n’hésite pas à mettre sa patte dans le développement des produits.
«Depuis mon arrivée, on investit beaucoup dans le maquillage, qui passionnait moins ces messieurs, alors que nous avons été pionniers dans le make-up soin. Ma feuille de route, c’est de consolider notre position en Asie et de devenir leader sur le marché américain.» Autre axe stratégique, les spas. «Nous sommes nés de l’institut, c’est notre ADN. On a une expérience très forte. Pour nous, chaque visage, chaque corps est unique. Rien n’est plus puissant que la main. On a développé plus de 450 gestes dans nos protocoles.»
Pour nous, chaque visage, chaque corps est unique
Virginie Courtin
Le dada de Virginie, c’est aussi la RSE. Les trois piliers d’engagement du groupe restent la santé, la biodiversité et l’enfance. «Mon père, Christian, tenait à ce que ces valeurs fondatrices soient portées en direct par quelqu’un de la famille. La grande force de Clarins, c’est qu’on pense long terme. Or, la RSE n’est que du long terme. On doit investir pour les cinquante ans à venir. Sans forcément le crier sur les toits à tout bout de champ car, pour nous, c’est naturel. Toutes nos formules sont faites à base de plantes. Cela fait plus de trente ans qu’on investit dans la biodiversité, le développement responsable, le commerce équitable, notamment à Madagascar.» La jeune manager reconnaît que tout n’est pas encore parfait.
«On doit accélérer sur certains sujets, notamment les packagings. En 2020, on a investi des millions pour refaire tous les moules, et un de mes premiers objectifs est de rendre tous nos packs recyclables d’ici à l’an prochain.» Clarins soutient aussi beaucoup d’associations à travers le monde. Créé en 1997, le prix de la Femme dynamisante, devenu prix Clarins, finance à vie les «Femmes de cœur» et leurs associations. La marque travaille aussi avec Mary’s Meals, qui distribue des repas scolaires dans les dix-huit pays les plus pauvres au monde.
«On répond à une double urgence, plaide Virginie, nourrir les enfants et pousser les parents à les envoyer à l’école. En douze ans, on a distribué plus de 40 millions de repas et on s’engage à donner chaque année au moins 3 millions de repas par an. Sur le volet santé, il faut aussi compter avec la Fondation Arthritis, qui s’occupe de toutes les maladies en lien avec les rhumatismes, deuxième cause de handicap dans le monde, et le soutien en faveur de la lutte contre le cancer des femmes.»
La Crème Precious de Clarins.
Service Presse
Une nouvelle jeunesse
Ces dernières années, la vie cosmétique n’a pas toujours été un long fleuve tranquille. Le marché de la beauté a été bousculé par une noria de jeunes marques clean, green, créatives, incarnées, qui sont venues mordre les mollets de leurs aînées hors des circuits habituels. Pas de quoi inquiéter Virginie : «Grâce à ce phénomène, le marché a grandi, les consommatrices sont plus nombreuses, plus éduquées, plus averties. Nous avons toujours été les champions de l’innovation, mais ces nouvelles venues nous ont challengés sur les ingrédients, les gestuelles, elles nous ont obligés à nous réinventer et à affirmer notre différence, nos points forts. D’ailleurs, en dix ans, on a doublé la taille de Clarins. La preuve qu’on a su se montrer agile et dynamique. Ça nous a donné une seconde jeunesse.»
Le Double Sérum de Clarins.
Clarins / Service Presse
Pour ses 70 ans, le groupe Clarins ne s’est donc pas reposé sur ses lauriers. Outre le lancement du neuvième opus de son Double Sérum, entré dans l’ère de l’épigénétique, il a ouvert son deuxième site de production à Troyes, répondant aux critères HQE (haute qualité environnementale), niveau excellent, ce qui permet de privilégier les circuits courts et l’emploi local. La marque accélère aussi son engagement en faveur du sourcing responsable avec un deuxième domaine agricole de 115 hectares dans le Gard, près de Nîmes, et un programme de protection des libellules. Dans le premier, le Domaine de Serraval, acheté en 2016 en Haute-Savoie, Clarins cultive déjà chaque année 2,5 tonnes de plantes, intégrées dans les produits fabriqués à l’usine de Pontoise.
Dans celui du Gard, 50 espèces d’arbres et de plantes seront cultivées à terme en qualité bio. «Nous sommes très fiers, insiste Virginie. Un tiers de nos plantes présentes dans les formules proviennent de nos domaines où on pratique l’agriculture régénératrice, le plus haut standard pour régénérer les sols. Un cercle vertueux.» Autre nouveauté : la création de la ligne de luxe Precious, qui répond à la demande de la clientèle asiatique, friande d’ingrédients rares et de résultats exceptionnels. Elle a donné lieu à cinq ans de recherche, la mise en culture d’une fleur d’exception et à la plus grande étude clinique lancée par la marque, sur plus de mille femmes de toutes origines. Precious fonctionne très bien en Asie et commence à compter aussi en France.
Le vanity de Virginie
Le Double Sérum : «Incontournable matin et soir. Si je ne devais utiliser qu’un seul produit, ce serait celui-là.»L’Huile Tonic : «J’y suis très attachée. Grâce à elle, je n’ai pas eu de vergetures malgré une grossesse de jumeaux menée à terme. Je continue toujours de l’utiliser pour la fermeté de la peau.»La Lip Comfort Oil : «Dans toutes les teintes !»La Crème Precious : «Le soir, un vrai luxe.»La Crème Jeunesse des Mains, édition limitée : «Sur chaque vente, 2 euros sont reversés aux associations soutenues par le prix Clarins pour l’enfance.»
Le visage du futur
Clarins dans 70 ans ? «J’espère qu’elle sera toujours française et leader sur tous les continents, sourit Virginie. Nous avons encore plein de domaines à explorer. On a toujours été une société innovante et on va continuer à inventer. Dans 70 ans, avec, entre autres, l’arrivée de l’intelligence artificielle, les métiers auront changé. La physionomie des entreprises aussi, mais j’espère que la nôtre sera toujours familiale, avec au cœur l’humain et la créativité.» Reste la question de la succession, qui risque de se compliquer au fil des ans. Christian a deux autres filles et un garçon ; Olivier, une troisième fille ; les petits-enfants sont déjà là…
Virginie se montre une fois de plus optimiste. «La clé, dans les entreprises familiales, c’est de communiquer et de préparer. Cela sera forcément complexe, d’autant qu’en famille entrent toujours en jeu des facteurs émotionnels et irrationnels. On essaie de préparer au mieux la transmission. Avec une bonne anticipation, tout devrait bien se passer. Je ne sais pas de quoi demain sera fait, mais j’espère que les prochaines générations s’aimeront et s’écouteront autant que nous l’avons toujours fait. Pour l’instant, on essaie de les sensibiliser au maximum aux valeurs de Jacques, aux produits, sans leur mettre la pression. Après, chacun fera ce qu’il voudra.» La diversification du groupe permettra sans doute à toutes et à tous de trouver sa place.
* En distribution sélective.
À cœur ouvert
Cette maman de jumeaux (un garçon et une fille de 7 ans) et d’un petit Jacques de 5 ans a un agenda bien rempli, mais ne perd pas le sens des priorités.Son quotidien : «Je fais du mieux que je peux pour tout concilier. Dans ma vie, il y a mon travail et ma famille. Je donne tout mon temps libre à mon mari (qui ne travaille pas chez Clarins mais dans l’immobilier) et à mes enfants. Ils râlent parce que je ne suis pas assez là, mais je me fais une obligation d’être avec eux tous les week-ends et les vacances scolaires. Je chéris ces moments. Je sais que ça passe vite. Ils sont aussi très importants pour mon équilibre. J’aime l’idée de transmission. Je veux que mes enfants comprennent la valeur du respect, de l’écoute, du travail.»Ses réflexes bien-être : «La philosophie Clarins, c’est toute une hygiène de vie : bouger, bien manger, lutter contre le stress… J’essaie d’appliquer ces principes, mais je ne suis pas une obsessionnelle. Je bouge dès que possible, je viens au bureau à vélo, mais je fais surtout du sport en vacances. Je marche, je cours, je nage, je skie, je fais du tennis, du Pilates, du yoga dynamique. Quand je voyage, je marche beaucoup dans les villes le matin. Je mange de tout, équilibré, de saison, très peu de viande, surtout par goût. Et je sais me faire plaisir de temps en temps. Mon secret ? Me coucher tôt.»Son oxygène : «La montagne, mon lieu préféré pour me ressourcer. Peu importe la saison. Je suis un peu sauvage. J’aime l’espace, marcher dans la nature. L’hiver, je randonne en peau de phoque.»Son style : «Casual chic. Je ne suis pas une fashion addict. Et comme je suis grande, je suis tout le temps à plat. Je n’achète jamais de bijoux. Je ne porte que ceux que l’on m’a offerts et qui ont du sens pour moi, une histoire. Par exemple, je ne me sépare jamais des médailles de baptême de mes trois enfants.»Ses hobbies : «Je lis beaucoup, surtout en vacances. Mon dernier coup de cœur, Le Soleil des Scorta de Laurent Gaudé. Je me suis mariée dans les Pouilles, alors ça m’a parlé. J’aime aussi les livres de business et de management. J’ai beaucoup aimé Delivering Happiness, de Tony Hsieh. Il met l’expérience client au-dessus de tout, ce qui fait écho aux valeurs de Clarins.»Sa fleur : «Le lys, qui me rappelle l’odeur de ma grand-mère. Côté parfums, j’adore les fleurs blanches et la fleur d’oranger. Je porte Neroli Portofino de Tom Ford, qui sent le bébé, et Lucky de la Collection Privée Christian Dior.»La médecine esthétique : «Je ne suis pas fermée, mais pour l’instant, je ne me sens pas concernée. Chacun fait ce qui lui plaît.»Sa principale qualité : «La curiosité, qui est aussi mon principal défaut. J’aime apprendre et comprendre, mais parfois je pose trop de questions.»Son mantra : «La phrase de Nelson Mandela : “Je ne perds jamais. Soit je gagne, soit j’apprends”.»