Climat, avortement : Joe Biden poussé à agir à la Trump


Joe Biden n’a jamais franchement voulu gouverner par décret, même quand le Congrès semblait être dans l’impasse. Mais aujourd’hui, des parlementaires démocrates et des militants de gauche demandent au président des Etats-Unis d’avoir plus souvent recours à une arme pas toujours bien vue au sein de son parti  : l’état d’urgence.Depuis que la Cour suprême a annulé l’arrêt Roe v. Wade qui protégeait le droit à l’avortement au niveau fédéral, des voix s’élèvent pour que le président américain décrète l’état d’urgence sanitaire afin d’élargir l’accès à l’IVG. De même, les aspects écologiques ayant été supprimés du projet de loi de finances en raison de l’opposition du sénateur démocrate Joe Manchin, d’autres voudraient qu’il fasse de même sur la question climatique.Mercredi, lors d’un événement organisé dans une ancienne centrale à charbon du Massachusetts, le président s’est retenu de décréter, formellement, un état d’urgence climatique.« Que les choses soient bien claires  : le changement climatique est une urgence, a-t-il annoncé. Dans les semaines qui viennent, j’utiliserai le pouvoir dont je dispose en tant que président pour transformer ces paroles en actions publiques, en m’appuyant sur les textes, décrets et pouvoirs conférés au président. »Aux Etats-Unis, le fait de décréter l’état d’urgence permet au président d’agir plus vite encore et avec plus de latitude qu’en gouvernant par décret, indiquent des experts. Pour y arriver et débloquer des ressources fédérales, les présidents américains peuvent s’appuyer sur plusieurs textes  : le National Emergencies Act, le Stafford Act, le Public Health Service Act et le Defense Production Act.Depuis son entrée en vigueur en 1976, le National Emergencies Act a été utilisé à 75 reprises par les présidents – républicains comme démocrates, dont 68 fois pour imposer des sanctions, selon le Brennan Center for Justice, qui a travaillé pendant deux ans sur la question des pouvoirs d’urgence. A ce jour, 41 sont encore en application, et 37 d’entre eux concernent des sanctions.Karine Jean-Pierre, porte-parole de la Maison-Blanche, a précisé mardi que les deux dispositifs (l’état d’urgence sanitaire pour l’avortement et l’état d’urgence climatique) étaient à l’étude et que chaque décret entraînerait le déblocage de mesures et de financements différents. Leur point commun  : tous deux font face à l’opposition des républicains.

Les présidents qui ont eu recours à l’état d’urgence ont été accusés d’abus de pouvoir

Climat, avortement : Joe Biden poussé à agir à la Trump

une ambition qui, selon les analystes, ne pourra pas être atteinte sans action rapide. Les associations de défense d’intérêts économiques du secteur et des parlementaires républicains estiment, de leur côté, que les mesures défendues par les écologistes pourraient faire augmenter les prix et pénaliser les entreprises américaines du secteur de l’énergie.La sénatrice républicaine Shelley Moore Capito a récemment affirmé que si Joe Biden décrète l’état d’urgence, il aurait recours « à un pouvoir de pacotille pour contourner le Congrès et pratiquer l’abus de pouvoir ».De fait, décréter l’état d’urgence permettrait au président des Etats-Unis de prendre de nouvelles mesures pour limiter les exportations pétrolières et le forage et, potentiellement, réorienter les financements fédéraux vers l’éolien, le solaire et les autres technologies propres. Mais cela pourrait aussi conduire l’administration devant les tribunaux.Joe Biden a déclaré il y a peu qu’il était prêt à utiliser « tous les pouvoirs » dont il disposait pour lutter contre le réchauffement climatique. Il a d’ores et déjà utilisé l’état d’urgence pour supprimer les droits de douane sur les importations liées à l’énergie solaire et invoqué le Defense Production Act pour doper la production américaine de pièces détachées pour les panneaux solaires et autres pompes à chaleur électriques.

Décréter l’état d’urgence permettrait au président des Etats-Unis de prendre de nouvelles mesures pour limiter les exportations pétrolières et le forage et, potentiellement, réorienter les financements fédéraux vers l’éolien, le solaire

Sur la question de l’avortement, la Maison-Blanche a indiqué que la possibilité de déclarer l’état d’urgence en réaction à la révocation de l’arrêt Roe v. Wade était toujours en cours d’examen, mais des conseillers de la présidence ont déjà précisé que les pouvoirs juridiques et les ressources financières qui pourraient être débloqués seraient limités. L’essentiel du financement public actuel en matière d’urgence de santé publique a d’ores et déjà été consacré à la lutte contre la pandémie de Covid-19.Néanmoins, des groupes de défense du droit à l’avortement, notamment le planning familial, ainsi qu’un certain nombre de parlementaires ont déclaré qu’ils continueraient de militer pour un état d’urgence sanitaire auprès de la Maison-Blanche. Dans un courrier adressé au président Biden, des sénateurs ont souligné que cet état d’urgence permettrait de mieux protéger les IVG et de faciliter la prise en charge par Medicaid de patientes allant avorter dans un autre Etat.La question de l’état d’urgence climatique et sanitaire intervient trois ans après que Donald Trump a décrété l’état d’urgence national pour financer la construction d’un mur à la frontière avec le Mexique, une décision qui lui avait valu des critiques de la part des démocrates comme des républicains et qui avait été contestée en justice.A l’époque, l’objectif était d’accéder aux milliards de dollars consacrés aux projets militaires et à d’autres sources fédérales car la loi de finances votée par le Congrès n’allouait que 1,38 milliard de dollars à l’élévation du mur, un chiffre très éloigné des ambitions du président Trump.Des tribunaux ont estimé que Donald Trump avait outrepassé son autorité en décrétant l’état d’urgence national pour financer le mur à la frontière. Mais en 2020, la Cour suprême a voté à cinq voix contre quatre en faveur de la poursuite des travaux pendant que les débats se poursuivaient devant les tribunaux. Cette décision, que la plus haute juridiction des Etats-Unis n’a pas justifiée, n’a pas créé de précédent en matière de portée du pouvoir du président.Quand Joe Biden est arrivé à la Maison-Blanche, il a révoqué la mesure. Pour certains démocrates qui étaient opposés à l’état d’urgence pour la construction du mur, la décision pourrait aussi signifier que l’actuel président aura plus souvent recours à ce dispositif.Selon le sénateur démocrate Jeff Merkley, la méthode de Donald Trump pourrait servir de « galop d’essai » sur lequel Joe Bien pourrait s’appuyer pour décréter l’état d’urgence climatique, quand bien même la Cour suprême n’a pas statué sur le fond.

« L’administration Trump a jeté un nouvel éclairage sur des lois anciennes »

militent pour une évolution de la législation qui limiterait les pouvoirs d’urgence et renforcerait le rôle du parlementTraduit à partir de la version originale en anglais par Marion Issard.