politiste et spécialise du nationalisme corse, la clé d’une relation apaisée entre la Corse et l’exécutif réside dans l’adoption d’une nouvelle grille de lecture, dénuée de violence, des relations entre les deux entités.
Pourquoi était-il gardé entre quatre murs si même en étant ultra surveillé il a pu être tué par un djihadisteLa cour d’appel de Paris a fait droit à la demande d’aménagement de peine de Pierre Alessandri, également membre du commando Erignac et condamné à la perpétuité en 2003. Peut-on parler d’un premier pas dans la normalisation des relations entre la Corse et l’État ? Oui, si le gouvernement rappelle tout simplement qu’il applique le droit. Il ne doit pas faire passer cet aménagement de peine comme un cadeau fait aux nationalistes ou à la famille Alessandri mais simplement comme l’application de l’Etat de droit.Pourquoi l’enfermement de détenus corses cristallise-t-il autant les tensions entre la Corse et l’exécutif ? Du côté nationaliste, les histoires de détenus corses ont permis la création de mythes. Ainsi, le front de libération nationale corse (FLNC) s’est longtemps dépeint à travers la figure du « porteur de cagoule ». Il n’avait pas de corps, il était le soldat éternel. Cette figure était très facilement identifiable et tout le monde pouvait se l’approprier. Yvan Colonna, dès son arrestation et parce qu’il a toujours nié son implication dans la mort du préfet Érignac, a très vite été instrumentalisé par les mouvements indépendantistes. Pour les continentaux, ce sont des images de violences qui ont été mobilisées pour parler des indépendantistes corses. Le discours médiatique les comparait à l’IRA irlandais ou l’ETA basque, responsables de milliers de morts, alors que le mouvement indépendantiste corse a occasionné moins d’une centaine de morts dans toute son histoire et le plus souvent nous avions affaire à un nationalisme anthropophage lié aux guerres intestines internes aux mouvements.
Charles Pierri ou Pierre Paoli sont presque à la retraite du fait de leur âge. Ils restent tous les deux des cadres de parti avec une valeur surtout symbolique pour les jeunes. Même les indépendantistes ont été surpris par ces arrestations. Le rapport de l’État à la Corse est biaisé par une lecture politique dépassée. Emmanuel Macron craint de heurter l’opinion publique en donnant plus d’autonomie à la Corse, une autonomie qui serait toute relative. De son côté, Gilles Simeoni, président du Conseil de l’exécutif de Corse, est contraint par son propre camp à réclamer l’autonomie alors que les usagers insulaires souhaitent plus de décentralisation et non pas spécialement la reconnaissance du peuple corse mais plus de compétences institutionnelles.Les circonstances de la mort d’Yvan Colonna avaient engendré un mouvement de contestation notamment chez les plus jeunes. Comment se positionne désormais la jeunesse corse dans son rapport à l’État et sur la question de l’indépendance ? Les jeunes ont utilisé l’assassinat d’Yvan Colonna pour témoigner leur sentiment de déclassement et de précarité. Les plus diplômés ne trouvent pas d’emploi à la hauteur de leur qualification. Dans leurs discours, ils se comparent aux jeunes de Guadeloupe ou de Martinique. Pour la première fois, ces manifestations ont été portés uniquement par des mouvements étudiants. Elles n’ont pas été récupérées par les partis politiques. Même sur le plan des techniques de manifestations, ils agissaient comme les Black block sur le continent et les Black block affirment militer avant tout contre les injustices sociales.Gilles Simeoni défend toujours l’idée d’une autonomie de plein de droit et d’exercice. Est-ce une voie encore envisageable ? Nous adoptons collectivement un paradigme biaisé lorsque l’on parle des relations entre la Corse et l’État. Les commentateurs parlent de bras de fer entre le gouvernement et les nationalistes. Il faut revenir à la base : la révision constitutionnelle du statut de la Corse est avant tout d’ordre social et administrative. Les Corses réclament plus de décentralisation. Les dernières élections régionales l’ont prouvé avec le renforcement du pouvoir des autonomistes. Les indépendantistes siègent désormais avec l’opposition en situation de minorité. Ce schéma répond aux demandes de l’État qui réclamait l’exclusion des indépendantistes de la majorité. Près de 70 % des Corses ont voté nationalistes (autonomistes plus indépendantistes) car ils ne voulaient plus des partis traditionnels qui n’œuvraient pas assez à leur sens sur la voie de la décentralisation. Il est possible de rendre la Corse plus autonome sur le plan des compétences sans pour autant parler de peuple corse.