Publié le 5 Août 22 à 11 :00
La Presse de la Manche
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je n’ai jamais connu pareil coup dur ». C’est le travail d’une vie qui s’est effondré un matin. Alain Langlois, à la tête de l’élevage de la Fraserie avec sa femme et son fils, Kevin, a vécu une semaine cauchemardesque.
Tout l’élevage abattu
Mercredi 27 juillet 2022, quatre poulets sont retrouvés morts dans son poulailler à Saint-Martin-le-Hébert (Manche). Jeudi, le couperet tombe. Vendredi, toutes les volailles de l’élevage, canard, poussin, poulets… sont abattues.Un lot seulement est touché, mais ce sont les 8 500 volailles qui ont été tuées. 6 000 canards, 2 500 poulets. Pour la première fois dans la Manche, l’influenza aviaire vient de frapper un élevage.« Ça a été dur », dit sobrement Alain Langlois. Les yeux s’embuent. Ni lui ni son fils n’ont assisté à ce moment.
Ce sont les services de la DDPP (Direction départementale de la protection des populations) qui viennent avec un camion, ils repartent avec toutes les carcasses.Alain LangloisÉleveur de volailles
h3>5 choses à savoir sur l’influenza aviaire
L’influenza aviaire sévit tous les ans. Cette année, le virus est hautement pathogène. La situationDepuis novembre, la France a recensé plus de 1 300 foyers d’influenza aviaire dans des élevages. Presque 20 millions de volailles ont été abattues. En comparaison, l’année précédente, le pays comptait près de 500 foyers et 3,5 millions de volailles tuées. SaisonnalitéL’influenza aviaire a un caractère saisonnier. L’épizootie commence généralement en octobre en Europe et se poursuit jusqu’en avril. Cette fois, le virus est toujours présent cet été. « C’est inédit », assure Jean-Baptiste James, spécialiste des oiseaux migrateurs du GoNm. Dans la MancheDes goélands morts sont retrouvés tous les jours dans le Cotentin. L’île Tatihou a été très touchée. « Le virus est toujours très présent et nous rentrons dans la période migratoire », alerte le spécialiste des oiseaux migrateurs. Les oiseaux arrivent des terres du Nord sans que l’on sache encore s’ils ont déjà été confrontés au virus. « Si c’est le cas, ils seront immunisés. Sinon, nous risquons d’avoir de grandes pertes, s’inquiète-t-il. Nous n’avions encore jamais connu une telle mortalité, tous les oiseaux sont touchés. »La règle européenneEn cas de volatile infecté, l’Europe exige l’abattage de tous les volatiles de la ferme contaminée et ceux des exploitations voisines si des cas suspects sont découverts. Une zone de protection d’un rayon de 3 km autour du lieu où le virus aura été détecté est établi, ainsi qu’une zone de surveillance d’un rayon de 7 km supplémentaire.Dans un rayon total minimum de 10 km, les volailles sont confinées en quarantaine, les concentrations de volatiles (marchés, concours…) et leur transport interdits, des mesures de désinfection imposées dans toutes les exploitations et la viande et les œufs de ces exploitations sont détruits. Ces mesures s’appliquent pendant 21 jours après la désinfection totale des exploitations. DangerositéL’influenza aviaire n’est pas dangereuse pour l’homme. « La consommation de viande, foie gras et œufs ou de toutes viandes de volaille ne présente aucun risque », rappelle le Ministère de l’agriculture. Cependant, comme tout virus, « il cherche à muter, détaille Jean-Baptiste James. Plus il sera présent, plus il y aura de risque ».
Éviter à tout prix une autre catastrophe
On se partage les tâches avec ma femme et mon fils. C’est compliqué.
D’autant que depuis jeudi dernier, les éleveurs n’ont qu’une question en tête : comment leurs volailles ont-elles pu être contaminées ? « Nous avions eu un contrôle vétérinaire le lundi pour vérifier que nous suivions bien le protocole en place. Tout était bien », assure Alain Langlois.Alors comment ces bêtes ont-elles pu attraper ce virus hautement pathogène. La question tourne dans sa tête…Vidéos : en ce moment sur Actu
Une simple plume d’un oiseau sauvage suffit… Nous ne saurons jamais. Nous nous battons contre quelque chose d’invisible. Nous voudrions savoir pour éviter une deuxième catastrophe.
Il faut dire que le virus rôde depuis des semaines. Depuis des jours, leurs volailles étaient enfermées.
On savait que ça pouvait arriver… Voilà des mois que cela nous inquiète. Quand nous avons vu nos volailles mortes, nous nous sommes doutés dès mercredi qu’il s’agissait de la grippe aviaire.
Toute la filière est en stress. Le virus, normalement saisonnier, cesse aux beaux jours. Mais cette année, il ne semble suivre aucune règle. « Le vaccin pour les poulets est prévu pour 2024. Nous n’avons pas de solution », se désole encore Alain Langlois.
Se projeter vers l’avenir
Un panneau affiche « Entrée interdite ». Pour sortir de la zone, il faut se désinfecter totalement. Eviter la propagation. La tâche n’est pas simple. Le laboratoire doit être désinfecté, encore, et encore. Les bâtiments d’élevage doivent subir le même sort.
Nous devons enlever toute la paille, la stocker dans un coin avec chaux et bâches pendant deux mois. Désinfecter de bas en haut, une première fois. Les services de la DDPP réitéreront l’opération deux fois.
La quinzaine d’employés s’activent aux diverses tâches avant un chômage partiel probable. « Les saisonniers vont quitter la ferme plus vite et nous devrons recourir à du chômage partiel ou technique », annonce Alain Langlois.
Sauf si nous arrivons à trouver des canards bons à engraisser, mais il n’y en a plus… Nous ne pourrons pas faire de foie gras pour les fêtes de Noël. Nous n’aurons que notre stock actuel, soit 50 % à peine de notre production habituelle.
Le piaillement des poussins et les piaulements des poulets pourraient de nouveau résonner dans deux mois. « Si tout va bien ! », avance prudemment Alain Langlois.Il estime déjà une perte de chiffre d’affaires de 500 000 à 600 000 euros.Cet article vous a été utile ? Sachez que vous pouvez suivre La Presse de la Manche dans l’espace Mon Actu. En un clic, après inscription, vous y retrouverez toute l’actualité de vos villes et marques favorites.