L’extraction minière dans les abysses pourrait démarrer cette décennie. Alors que des sociétés comme Deme-GSR (Belgique) entament des tests d’exploitation, des scientifiques, coincés entre les ONG et l’industrie, doivent évaluer l’impact potentiel du deep sea mining. Mais peut-on vraiment être sûr de ce qu’il va se passer dans un des endroits les plus méconnus de la science?
C’est une petite pierre pour l’humanité. » Le 22 avril dernier, la société belge Global Sea Mineral Resources (GSR), filiale de Deme, géant belge de l’ingénierie maritime, n’a pas hésité à paraphraser Neil Armstrong pour qualifier ce qu’elle avait réalisé deux jours plus tôt en plein milieu de l’océan Pacifique. A plus de 4 100 mètres de profondeur, le Patania II, une machine de 25 tonnes, sorte d’aspirateur géant à chenilles, venait de collecter pour la première fois des nodules polymétalliques sur le sol abyssal de la zone de Clarion-Clipperton (alias CCZ, prononcez si-si-zi). Le test avait duré cinquante heures. Ce jour-là, la Belgique est devenue pionnière d’un nouveau mode d’extraction minière hautement polémique : le deep sea mining…
Pour Kris Van Nijen « Nous sommes en dialogue constant avec de nombreuses institutions et chercheurs qui nous aident à concevoir les études requises pour ces évaluations » indique Sarah Vanden Eede dit-il, en recommandant que la révision de la loi contienne un moyen de contestation clair quand l’Etat veut parrainer une licence pour une firme privée. « Si on ouvrait une nouvelle carrière terrestre chez vous, lance Hendrik Schoukens, juriste à l’université de Gand, seriez-vous d’accord de n’avoir le droit d’envoyer qu’un simple commentaire? » Rien n’est simple dans la course aux minerais des abysses. Les scientifiques doivent répondre vite à des questions qui demandent des années de recherche. On ne sait pas encore si le deep sea mining est plus respectueux de l’environnement et du climat que les mines terrestres. Et personne ne peut dire si dans vingt ans, les nouvelles batteries auront encore besoin des minerais dont sont remplis les nodules. En tant que « parrain » d’une société à la pointe du deep sea mining, la Belgique est en tête de pont pour se positionner sur l’avenir des fonds marins, ce « patrimoine mondial de l’humanité, aussi méconnu que fragile. »