dans la chasse aux électeurs, la « data » affronte la tradition


Périgny, près de La Rochelle, jeudi 14 avril. « J’ai une tête à voter Le Pen peut-être ? », répond, amusé, un retraité aux militants des Jeunes avec Macron en plein porte-à-porte. Quelques maisons plus loin, un.Périgny, près de La Rochelle, jeudi 14 avril. « J’ai une tête à voter Le Pen peut-être ? », répond, amusé, un retraité aux militants des Jeunes avec Macron en plein porte-à-porte. Quelques maisons plus loin, un homme prend à partie les deux jeunes qui ont frappé chez lui  : « Arrêtez votre propagande, je suis assez âgé pour savoir pour qui voter. »Les résidents des lotissements de Périgny ouvrent leur porte à six jeunes Macronistes. Certains Pérignaciens acceptent poliment les tracts, d’autres sont plus réticents, comme cette femme qui lance, par sa fenêtre entrouverte  : « Non, pas de Macron, ni de Le Pen, ce sera le vote blanc pour moi. » Jeunes actifs, lycéens ou étudiants, ils militent pour que le président sortant enchaîne avec un deuxième mandat. « C’est très rare qu’ils réagissent comme ça », assure Lucas, étudiant en préparation aux écoles de commerce.

Recherche de rendements

Sous le soleil de fin de journée, ils militent, les tracts de campagne dans une main et le téléphone dans l’autre, pendant près d’une heure. S’ils visent cette commune limitrophe de La Rochelle, c’est parce qu’ils y ont identifié un réservoir de voix. William Ecoto, référent départemental du mouvement Les Jeunes avec Macron, explique que ce porte-à-porte repose sur « une stratégie de ciblage ». Il sort son smartphone et nous fait une démonstration depuis son application « Je m’engage »  :, une carte qui nous indique où sonner et là, toutes les datas que l’on doit remplir. »

dans la chasse aux électeurs, la « data » affronte la tradition

« On doit convaincre et pas juste appeler à faire barrage »

Si la porte s’ouvre, l’application déroule une série de questions sur l’échange entre le militant et l’électeur. Il faut d’abord dresser un profil puis lui demander s’il a voté au premier tour et s’il a l’intention de voter au second. « Pour que ces missions sur le terrain aient un meilleur rendement, toutes ces données sont très importantes pour les futures campagnes. » De la proximité à coup de « data » et de « stratégie » numérique pour une « optimisation des actions militantes ».Des actions militantes qui ont évolué depuis la première campagne  : « En 2017, on était plus spontané et on avait l’effet de surprise avec nous. Là on se professionnalise, notamment avec l’application, on doit convaincre et pas juste appeler à faire barrage », explique William Ecoto. Un constat commun chez ces jeunes militants, le climat politique n’est plus le même qu’en 2017. L’écart avec l’extrême droite se réduit et l’appréhension grandit  : « On n’a pas de voix à gagner, on n’a que des voix à perdre. »

« Ça va se jouer sur un fil »

À Pont-l’Abbé-d’Arnoult, entre Saintes et Rochefort, vendredi 15 avril au matin, Daniel Val, militant RN de 72 ans et animateur en grande surface pour compléter sa retraite, dit exactement la même chose  : « On se rend compte que l’écart se réduit, ça va se jouer sur un fil. » « Auvergnat de souche », comme il se désigne, il est arrivé à Royan il y a trois mois. Militant FN depuis la présidentielle de 2017, il s’est petit à petit totalement engagé derrière Marine Le Pen. « Il faut changer les choses rapidement et brutalement. »

« Il faut changer les choses rapidement et brutalement »

Daniel Val est l’un des 17 militants – dont quatre candidats aux législatives – à sillonner le marché de Pont-l’Abbé-d’Arnoult. le RN n’use ni de data ni d’application mais s’affiche dans l’immense bus de campagne à l’effigie de Marine Le Pen, qui est parti de Saintes direction cette commune puis Rochefort. Une stratégie un peu moins intrusive que la récolte de données des Macronistes.

Daniel Val, 72 ans, tractait ce vendredi matin 15 avril sur le marché de Pont-l’Abbé-d’Arnoult en faveur de Marine Le Pen.

Séverine Joubert/ « Sud Ouest »

« On ne veut pas déranger »

Les militants diffusent les documents de campagne du deuxième tour de l’élection. Si Pont-l’Abbé-d’Arnoult a voté à 29,8 % pour Marine Le Pen, lors du premier tour de l’élection présidentielle le 10 avril, plaçant la candidate d’extrême droite en tête, il n’est pas simple d’aller porter la parole. Le tractage de main à main sera bref. Le marché est bien plus petit que ne pensait Séverine Werbrouck, la présidente du Rassemblement national 17.Une cliente repousse le tract tendu par un militant. Un autre engage la conversation à l’entrée du marché. « On a distribué nos tracts aux commerçants. Ils le prenaient ou pas », souligne la présidente, en mode pas de velours. « On ne veut pas déranger. » Un petit tour parmi la quinzaine de stands suffira.