Une rébellion qui monte le son. Les utilisateurs d’enceintes et de barres de son Sonos, comme l’Era 300 et l’Arc, sont actuellement vent debout contre le constructeur américain. En cause : la refonte complète de l’application Sonos (S2) qui permet de faire fonctionner leur matériel… ou plutôt qui le permettait.
Truffée d’oublis, de lacunes, et de bugs, la récente mise à jour ne le permet plus tout à fait. Ce qui vient de pousser Patrick Spence, le PDG de Sonos, à s’excuser personnellement. Comment en est-on arrivé là ? 20 Minutes revient sur les derniers déboires de la marque qui a inventé le son multiroom.
S’excuser d’avoir déçu
« Je tiens tout d’abord à m’excuser personnellement de vous avoir déçu ». Le 25 juillet, Patrick Spence, le PDG de Sonos, fait son mea-culpa pour tenter de déminer le terrain et d’adoucir la colère des utilisateurs de ses produits. Gestion de crise.
Depuis quelques semaines en effet, rien ne va plus tout à fait chez Sonos. La marque audio américaine créée en 2002 ne cesse de se faire tacler sur les réseaux sociaux et dans les forums.En cause : la refonte, à l’occasion du lancement de son casque audio Sonos Ace, de son application le 7 mai dernier.
Celle-ci est au cœur du système Sonos. Tour de contrôle pour diffuser sur les enceintes de la marque (qui pour la plupart sont Wifi) ses playlists musicales, ses sites de streaming audio, des radios et podcasts, cette application est incontournable dans l’expérience Sonos. Et sa mise à jour fait débat.
La nouvelle application S2 de Sonos cause des tourments à d’innombrables utilisateurs. - Sonos« Une mise à jour qui est une véritable catastrophe » ; « Nouvelle version absolument nulle » ; « Qu’ils réactivent l’ancienne app IMMEDIATEMENT ! », peut-on notamment lire sur le forum français des utilisateurs de produits Sonos.Le verdict est encore plus sévère sur X, le réseau social vengeur : « Un email de votre patron ne compense pas vraiment un presse-papiers à prix élevé dans le coin de chaque pièce de ma maison », lâche@TMM_Stiffo.
Les raisons de la colère
Qu’en est-il exactement ? Utilisateur de produits Sonos, votre serviteur a constaté comme des milliers d’autres, que la nouvelle appli S2 ne tournait pas rond. Passé l’effet « waouh » de son nouveau design, qui tranche avec la morosité du précédent, son ergonomie manque clairement d’intuitivé. Changements radicaux obligent, on se demande tout d’abord si l’on n’est pas la cause des premiers cafouillages.
Tiens, impossible ici de trouver un artiste comme avant ; là, de jouer telle radio en appuyant sur un simple logo « Play » (qui repasse sur Pause immédiatement) ; ou encore de diffuser la musique sur ses différentes enceintes (qui apparaissent actives dans l’appli, alors qu’elles sont muettes) ; de programmer des réveils, etc. Las ! Et l’on constate finalement qu’aussi manchot que l’on soit, le problème ne vient pas de nous.Le 9 mai, soit deux jours après la mise à jour de son application, Sonos se fend de premières explications à The Verge.
Maladroitement, Maxime Bouvat-Merlin, le directeur de produit de la marque, évoque le « courage » dont Sonos a fait preuve pour reconstruire cette application et repartir à zéro. Il promet aussi le retour prochain de certaines fonctionnalités qui ont disparu. Trop tard : le prestigieux magazine Forbes n’attend pas.
Ce même 9 mai, un article à charge est publié : 4 leçons du fiasco de la mise à niveau de l’application Sonos. Ambiance.
Un casque audio responsable des grands maux
Le 21 mai, la marque lance donc son casque audio Ace.
Le responsable de ce marasme, ce serait donc lui, incompatible avec la précédente version de l’application S2. D’où refonte. Et d’où questions.
Le lancement du casque Sonos Ace a nécessité la mise à jour de l’application de son fabricant. - SonosPourquoi ne pas avoir proposé aux acheteurs de ce casque (vendu 499 euros) de bêta tester la nouvelle app, de recueillir les retours, de l’adapter, plutôt que de l’imposer à l’ensemble des utilisateurs Sonos ?« Il est toujours difficile d’imaginer comment une marque peut en venir à se foirer à ce point. Je n’ai pas d’information factuelle sur ce sujet mais j’imagine qu’il s’agit toujours d’un manque de préparation, voire d’une précipitation (…).
Je ne peux pas imaginer qu’il s’agisse d’incompétence mais plutôt de méthodologie », analyse Romain Vitt, rédacteur en chef de Presse-citron.Alors, comment les gens de Sonos ont-ils pu passer à côté de tant de failles ? Nous avons adressé à Sonos France une série de questions en ce sens… Le constructeur n’a pas souhaité y répondre.
Des correctifs… jusqu’en octobre !
En attendant, Sonos réalise des correctifs sur sa S2 toutes les deux semaines.
La dernière série a été effectuée le 22 juillet, trois jours avant les excuses du patron.Cela va de « l’ajout de la configuration et de la recherche pour la bibliothèque musicale locale », à la mise à jour de « l’icône de volume pour refléter le niveau de volume ». Vaste chantier.
Sonos promet pour début août le retour possible de la S2 à la S1, pour fin août la « modification des playlists »… Patrick Spence, le PDG de Sonos, évoque même d’autres correctifs à venir… jusqu’en octobre !Les excuses du patron de Sonos le 25 juillet suffiront-elles pour calmer les esprits ? « Ce qui est certain, c’est que Sonos a commis une grave erreur en ne communiquant pas plus tôt. Ils ont laissé les utilisateurs dans l’inconnu, ce qui les a montés en pression. Et c’est sans doute ce qui a renforcé cette impression d’arrogance », estime le rédacteur en chef de Presse-citron.
Déjà des maladresses… fin 2019
Le problème est que pour Spence, ces excuses ne sont pas les premières.En octobre 2019, Sonos avait bien maladroitement lancé un programme de « recyclage » de ses anciennes enceintes en offrant des bons de réduction de 30 % pour l’achat de nouvelles. Pourquoi pas.
Problème : non seulement Sonos ne reprenait pas son ancien matériel en vue de son recyclage effectif (chacun devait le déposer dans un centre agréé), mais pour conclure le deal, les possesseurs d’anciennes enceintes de la marque devaient effectuer une mise à jour qui rendait leur matos hors service !Tollé face à une hérésie écologique consistant à « briquer » du matériel fonctionnel, plutôt que de pouvoir le revendre ou le donner. « Nous avons entendu vos remarques. Nous avons manqué de clarté lors de cette annonce et j’en suis sincèrement désolé », avait alors déclaré Patrick Spence, qui a quand même attendu mars 2020 pour mettre son programme de recyclage au rebut.
Du coup, les anciennes enceintes Sonos, loin d’être obsolètes, peuvent toujours fonctionner avec l’application S1 du fabricant de Santa Barbara (Californie).
Service a minima constant
Aujourd’hui, si les mésaventures de Sonos font sans doute la joie de ses concurrents, le fabricant a bien malgré lui réussi à s’aliéner une partie de sa clientèle, pour ne pas dire de ses fidèles.« Dans la vente, il y a un credo : un client déçu et un client perdu, et pour longtemps.
Alors deux fois de suite, ça commence à faire beaucoup. De mon humble point de vue, Sonos aura bien du mal à revenir de ça », estime le rédacteur en chef de Presse-Citron. D’autant que, rappelle Romain Vitt, « Sonos souffre d’une concurrence de plus en plus féroce.
Il y a davantage d’acteurs avec des propositions tout aussi intéressantes, voire meilleures ».Concurrence ou pas, ce qui arrive à Sonos est d’autant plus regrettable que les produits du fabricant sont intrinsèquement très bons. Barres de son Ray ou Beam (Gen 2), enceinte Era 300, Sub Mini.
. jusqu’à Symfonisk, l’enceinte Sonos créée pour Ikea… à 20 Minutes, nous les testons depuis de nombreuses années, les apprécions… et les recommandons lorsque nous estimons qu’ils le méritent !Si les personnes ne possédant qu’une enceinte ou barre de son Sonos n’en voudront sans doute pas trop longtemps au fabricant, celles qui ont investi jusqu’à plusieurs milliers d’euros pour un équipement multiroom complet goûtent certainement beaucoup moins l’instant présent, alors que leur matériel ne fonctionne plus normalement depuis des semaines. Pour certains, le divorce est même sans doute consommé.
Bien sûr, il est salutaire qu’à l’heure du tout numérique, les produits puissent évoluer à travers des mises à jour. Et les problèmes qui peuvent en découler ne sont pas nouveaux. « Il n’est pas rare que des mises à jour provoquent quelques désagréments.
En 2013, Apple a déployé l’une des pires mises à jour d’iOS. La batterie des iPhone fondait comme neige au soleil et beaucoup d’applications plantaient. Mais tout a été vite corrigé », rappelle Romain Vitt.
Reste que les consommateurs qui ont investi sur une promesse doivent bénéficier d’une qualité de service a minima constante. Pour le moment, les clients Sonos attendent surtout de pouvoir remettre le son.