Gilles Bouleau aura eu beau présenter le thème de l’écologie comme « très attendu » lors du débat d’entre-deux tours, en particulier par les jeunes générations, il n’aura été qu’effleuré par Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Sur les presque trois heures qu’a duré le débat les opposant, les deux candidats à la présidentielle n’ont en effet consacré que 18 minutes à la question pourtant cruciale de la transition énergétique. À lire aussi >> « On va dans le mur, alors pourquoi lutter ? » : quand l’actu nous fait baisser les brasQuant aux autres enjeux écologiques, comme la sauvegarde de la biodiversité, la protection des océans et des forêts, ou encore le défi que constitue la sortie des pesticides, n’auront tout simplement pas été abordés, au grand dam des militants écologistes.
Marine Le Pen veut en finir avec « l’écologie punitive »
Alors que le rapport du Giec est abordé en introduction par Léa Salamé, qui rappelle qu’il reste à l’Humanité trois ans pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre si elle veut conserver une Planète « vivable », les deux candidats proposent deux visions diamétralement opposées pour parvenir à cet objectif. Fermement opposée à l’éolien, Marine Le Pen voit dans le « localisme », le « patriotisme » et le recours aux circuits courts la solution pour limiter les émissions de CO2. Fustigeant les accords de libre-échange « qui consistent à aller produire à 10 000 kilomètres pour consommer 10 000 kilomètres plus loin », la candidate du Rassemblement national veut en finir avec « l’écologie punitive » du président Macron, et appelle à réduire le rythme de la transition écologique « qu’on impose aux Français, pour leur permettre de pouvoir y faire face ».
« Climato-sceptique » vs « climato-hypocrite »
Face au défi climatique, Marine Le Pen persiste : pour en finir avec la dépendance aux énergies fossiles, il faut investir dans la filière nucléaire, « un outil décarboné », et stopper l’ « absurdité écologique et économique » que constitue l’éolien. Si elle est élue, elle souhaite d’ailleurs soumettre le démantèlement des éoliennes à un référendum. Un programme « incohérent », estime Emmanuel Macron, qui souhaite au contraire doubler le rythme de la transition écologique. « Votre programme n’a ni queue ni tête », tacle le candidat LREM, qui rappelle que Marine Le Pen veut baisser la TVA sur les hydrocarbures, « énergies fossiles très polluantes ». « J’ai lu votre projet, il est très transparent : vous êtes climato-sceptiques », poursuit Emmanuel Macron, ce à quoi a répondu Marine Le Pen : « Je ne suis absolument pas climato-sceptique, mais vous êtes climato-hypocrite. » Le président-sortant estime par ailleurs intenable la stratégie « tout nucléaire » de son adversaire et préfère investir à la fois dans le nucléaire et les énergies renouvelables comme l’éolien et le solaire. Autres mesures développées par Emmanuel Macron : le développement des aides à l’isolation des logements et pour changer de voiture, et, surtout, la nomination s’il est réélu d’un « Premier ministre chargé de la planification écologique ».
Les militants écologistes partagés entre colère et déception
Pour les militants écologistes, ce débat a été largement insuffisant. Cantonné à la question de la part de l’énergie nucléaire et de celle des énergies renouvelables pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, il a omis d’autres thèmes tout aussi primordiaux pour la transition écologique. « La question du climat, de l’environnement, ce n’est la part du nucléaire et la part du renouvelable ! », a ainsi tweeté l’eurodéputée écologiste Karima Delli, tandis que Sandrine Rousseau martèle : ni Emmanuel Macron, ni Marine Le Pen n’a lu le rapport du Giec.
Emmanuel Macron traite Marine Le Pen de « climato-sceptique », Marine Le Pen l’accuse en retour de « climato-hypocrite » Mais la question du climat, de l’environnement, ce n’est la part du nucléaire et la part du renouvelable!Vous êtes hors sol! #LookUp#debatmacronlepen— Karima Delli (@KarimaDelli) April 20, 2022
Aucun des deux n’a lu le rapport du #GIEC en fait. #Debat2022 J’essaye les tweets positifs mais j’ai du mal là.— Sandrine Rousseau (@sandrousseau) April 20, 2022
Pour le porte-parole climat de Greenpeace France Clément Sénéchal a rappelé qui ni l’un, ni l’autre candidat n’ont de projet environnemental à la hauteur du défi climatique. « Baisser indistinctement la fiscalité sur les énergies fossiles est juste la pire chose à faire en matière climatique », estime-t-il ainsi, en faisant référence à projet déroulé par Marine Le Pen. Celui d’Emmanuel Macron n’est pas en reste. Clément Sénéchal souligne ainsi que « La France subventionne plus les fossiles que les énergies renouvelables », que « l’objectif de développement de l’éolien terrestre a été repoussé de 20 ans » et que « la France est le seul pays européen à ne pas respecter ses objectifs de déploiement des renouvelables ».
Mais c’est loin d’être le point fort de Macron :- La subventionne plus les fossiles que les ENR.- L’objectif de développement de l’éolien terrestre a été repoussé de 20 ans.- La est le seul pays européen à ne pas respecter ses objectifs de déploiement des renouvelables.— Clément Sénéchal (@ClemSenechal) April 20, 2022
Par ailleurs, ni l’un ni l’autre des candidats n’a annoncé de calendrier de sortie des énergies fossiles, condition sine qua non pour réduire de manière significative les émissions de gaz à effet de serre. De son côté, la militante écologiste Camille Etienne déplore « l’indignité profonde » que constitue l’absence durant le débat de la question de l’urgence climatique. « On n’en a simplement pas parlé », regrette-t-elle, tout comme n’ont pas été abordés la question de la dépendance de l’agriculture intensive aux pesticides, la protection de la biodiversité ou encore la sauvegarde des océans et des forêts. « On est en train de créer nos propres conditions d’extinction », a-t-elle tweeté.
On ne peut pas décemment regarder une génération dans les yeux, et leurs dire que leur avenir sera résumé à 5 minutes de débat sur le mix énergétique. On est en train de créer nos propres conditions d’exctinction.— CamilleEtienne (@CamilleEtienne_) April 20, 2022