Au lendemain de son entretien à La Voix du Nord, le député LFI Adrien Quatennens déploie à nouveau sa défense dans les médias. Pour restituer « sa part de vérité » dans l’affaire de violences conjugales qui l’oppose à son épouse et qui lui a valu une condamnation à quatre mois de prison avec sursis, il s’est exprimé sur BFM TV ce mercredi 14 décembre 2022.
Un retour médiatique très contesté en interne à la France Insoumise, alors que le parti traverse une crise après la désignation de sa nouvelle direction quelques jours plus tôt. Mais Adrien Quatennens a également reçu des messages de soutien, qui ne l’aident pas forcément… Le patron du MoDem François Bayrou a notamment dénoncé mercredi « la chasse à l’homme » dont est victime selon lui le député.
Le cas Hervé Juvin enfonce également le clou pour LFI. L’eurodéputé du Rassemblement national avait été exclu définitivement par groupe parlementaire après sa condamnation pour des violences contre son épouse. Ce que n’a pas manqué de rappeler le député RN Laurent Jacobelli, qui a ironisé : « Elle est belle la gauche morale. »
Malgré la tempête politique et médiatique, Adrien Quatennens est bien décidé à faire son retour en politique, ne voulant « prendre [que] sa juste part mais pas davantage ».
1. Sur les faits pour lesquels il a été condamné à de la prison avec sursis
Adrien Quatennens a rappelé sa position, considérant que sa compagne avait opéré à son encontre un chantage : « Elle m’avait dit, si le divorce ne se fait pas à ses conditions elle détruira ma carrière politique et les menaces ont visiblement été mises à exécution. »
Sur la gifle qu’il a infligée à son épouse et les messages répétés qui ont été reconnus comme un harcèlement par le tribunal : « Elle est victime d’une gifle que j’ai reconnue et que je regrette. Il y a eu une enquête fouillée. Je souhaite le même déploiement de moyens pour les femmes qui passent la porte d’un commissariat. Je pense que c’est une peine qui est sévère mais j’ai choisi de l’accepter. Beaucoup croient que cette gifle a été donnée dans le contexte de divorce, mais en réalité cette gifle, elle est datée. […] C’étaient des SMS à caractères amoureux, le juge l’a redit au tribunal qu’ils n’étaient malveillants, c’est la réitération qui a donné le caractère de harcèlement. Je ne comprenais pas ce qui se pass[ait]. L’enquête a conclu que je n’étais pas coupable de violences répétées. »
Et il a insisté : « La violence n’a jamais caractérisé cette relation. Mais d’aucune manière cette histoire peut-être estampillée du sceau des violences conjugales. Je crois sincèrement que si le combat pour les violences faites aux femmes me prend pour une cible, c’est une erreur. Je ne suis pas votre homme, je ne suis pas un agresseur. »
Il a également dénoncé un traitement médiatique « disproportionné » : « Ce jour-là on a une dispute sérieuse. L’objet de la dispute était autour de suspicion sur l’usage du téléphone portable. Dans le traitement médiatique qui m’a été réservé, pour une gifle reconnue, j’ai été comparé à des personnes qui avaient commis des choses incommensurablement plus graves. »
3. Sur les déclarations de son épouse qui a décrit des violences répétées
Auprès de l’AFP, Céline Quatennens avait décrit que ce n’était pas seulement « une gifle » mais aussi des « colères », des « crises » et des « violences physiques et psychologiques » exercées depuis « plusieurs années ».
L’élu a également répondu : « Je ne peux pas le laisser dire. Il n’y a pas eu ces scènes de violences répétées. Si une enquête judiciaire conclut qu’il n’y a pas de violences répétées, mais que des déclarations dans la presse ont plus d’importance, comment je dois rétablir les faits ? Réfléchissez la temporalité au 23 novembre. Le 17 novembre on apprend que je ne serai pas renvoyé devant un tribunal. »
Chargé par Bruce Toussaint, lui opposant « la parole des femmes » qu’il ne respecterait pas, il a répondu qu’il reconnaissait bien à sa femme son statut de victime et qu’il se félicitait du traitement de sa plainte par la justice. Il a ajouté qu’il souhaite un traitement « aussi efficace » pour « toutes les autres femmes qui franchissent la porte d’un commissariat ».
3. Sur la plainte de Gérald Darmanin
Gérald Darmanin a « décidé de porter plainte en diffamation » après les propos du député, mettant en cause le ministère de l’Intérieur dans les fuites autour de l’enquête pour violences conjugales. Adrien Quatennens avait déclaré dans son interview à La Voix du Nord publiée mardi 13 décembre : « Plusieurs sources concordantes me disent que cela a été directement orchestré depuis le ministère de l’Intérieur. Je ne suis pas en mesure de l’affirmer moi-même aujourd’hui. »
Questionné par Bruce Toussaint sur le sujet, l’élu lillois a contre-attaqué : « Des gens prétendent que j’aurais dit que le ministère de l’Intérieur aurait orchestré l’affaire. Je précise bien que je n’ai pas de quoi l’affirmer, des journalistes m’ont dit que ça venait de là. En revanche, je vois la réaction du ministre de l’Intérieur. Je m’étonne que le ministre n’ait rien de mieux à faire. Il est très pressé de porter plainte contre moi mais il est beaucoup moins pressé pour expliquer comment il y a pu avoir des fuites aussi vite. Mon épouse, dans les minutes, à peine les heures après sa sortie d’un commissariat de quartier, que le contenu de la main courante était dans les salles de rédaction parisiennes. Ça s’appelle de la violation du secret d’instruction au détriment de la victime. D’autant que tout ce qui était à charge a fuité, mais tous les éléments qui plaidaient en ma faveur n’ont pas fuité. »
4. Sur son maintien au sein de la France Insoumise
Actuellement radié pendant quatre mois de son groupe parlementaire après sa condamnation, certains élus de son camp prennent position pour une autre sanction, plus sévère. La députée LFI de Dordogne Pascale Martin a par exemple estimé qu’il aurait fallu l’exclure définitivement et a dénoncé « une erreur politique ».
À cette déclaration diffusée sur le plateau, Adrien Quatennens a réagi : « Il y a une petite déception personnelle pour mois car Pascale Martin est très engagée sur la question des violences faites aux femmes. Et j’avais eu une discussion de plus deux heures avec elle. Et lorsque je l’ai fait, elle m’avait dit ’’je comprends mieux et tu pourras compter sur moi’’. Je vois qu’elle a changé d’avis. »
Sur le soutien de Jean-Luc Mélenchon à son ancien numéro 2 : « ça montre bien le clivage entre ceux qui connaissaient l’histoire dans son ensemble, ceux qui avaient un lien privé avec moi, et les autres. Quand il a dit ’’il prend tout sur lui’’, ce n’était pas du mépris envers mon épouse. Il connaît cette histoire, c’est un confident pour moi. C’est encore une fois une histoire qui ne correspond pas aux cas d’école et aux discours préconçus sur le sujet. »
Lors de la présidentielle de 2017, Jean-Luc Mélenchon avait notamment dit : « Je peux vous dire quelques-unes d’entre elles : quiconque est condamné une seule fois est inéligible à vie. » Dans le programme, il s’engageait : « Casier judiciaire vierge requis pour être élu. »
5. Sur son retour à l’Assemblée nationale
« Encore une fois, si j’avais été auteur de violences répétées, la question se serait posée. Si je démissionnais demain, ce serait un précédent dangereux, qui ouvrirait la voie à toute instrumentalisation de la vie politique. À l’Assemblée, nous sommes 577, pas des sur-femmes et des sur-hommes, des personnes qui peuvent commettre des erreurs », a encore ajouté Adrien Quatennens.
Il a donc affirmé son intention de retourner à l’Assemblée nationale en tant que non inscrit, « vraisemblablement dès le mois de janvier ». Et il a également rejeté toute démission qui aurait provoqué de nouvelles élections.
Il a expliqué n’avoir « aucune autre prétention » que de retrouver une activité parlementaire normale, sans ambitionner de retrouver des responsabilités au sien de la France insoumise donc.
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