Créée en 2016 Ă Reims, la sociĂ©tĂ© InnovHealth devenue Relyfe en 2021 a levĂ©, en juillet de cette mĂȘme annĂ©e, 2,5 millions dâeuros de fonds. Lâinvestisseur franco-amĂ©ricain, Forepont Capital Partners, entrĂ© au capital, a depuis gelĂ© son engagement et travaille, avec ses avocats, sur des recours en justice, comme dâautres actionnaires. (3/3)
- Mars 2016, création de InnovHealth par trois co-fondateurs dont Adnan El Bakri, actuel président.
- PassCare, une carte de santĂ© connectĂ©e partout dans le monde, est lâinnovation de lâentreprise.
- 2017, premiers fonds levĂ©s, notamment des aides Ă lâinnovation et des subventions accordĂ©es par la BPI (Banque Publique d’investissement).
- 2018, Christophe Lambert, acteur, réalisateur, devient le parrain prestigieux de la start-up rémoise.
- 2019, la communication de lâentreprise sâintensifie avec lâannonce de levĂ©es de fonds qui nâaboutissent pas.
- 2020 et 2021 des actionnaires mécontents se manifestent en assemblée générale.
- Juillet 2021, Forepont Capital Partners engage 2,5 millions dâeuros au capital dâInnovHealth.
- Juillet 2021 InnovHealth devient Relyfe Groupe
Le messie arrive tout droit des Etats-Unis⊠comme un signe du destin. Celui quâattendaient depuis des mois les actionnaires dâInnovHealth. Une arrivĂ©e dâargent presque inespĂ©rĂ©e au vu des mois chaotiques traversĂ©s par la start-up basĂ©e Ă Reims.
Forepont Capital Partners entre donc au capital dâInnovHealth en juillet 2021. Le fond dâinvestissement franco-amĂ©ricain, créé 10 ans plus tĂŽt par un Français, Eric Attias, demande mĂȘme le changement de dĂ©nomination sociale. « Nous nâĂ©tions pas trĂšs satisfaits, donc nous avons conseillĂ© un nom plus international », explique Julien Tizot, le patron France de Forepont Capital Partners. Relyfe, comme « Real Life », remplace donc InnovHealth. Adnan El Bakri, le prĂ©sident, et ses associĂ©s, valident et signent cette entrĂ©e au capital et cette nouvelle identitĂ©. Une avance de 2,5 millions dâeuros suivie, dans les prĂ©visions, par 2,5 millions supplĂ©mentaires, puis 5 millions. Forepont avait de grandes ambitions pour Relyfe et notamment la fusion en parts (actions) avec une sociĂ©tĂ© amĂ©ricaine BeCareLink dont le groupe est actionnaire majoritaire. Relyfe Group, « gouverné » par Adnan El Bakri, devait ensuite embaucher, accĂ©lĂ©rer sa technologie pour un dĂ©collage sur le marchĂ© international.
Mais tout ceci est aujourdâhui du passĂ©. La providence, Adnan El Bakri, le prĂ©sident et co-fondateur dâInnovHealth, nâa pas su la saisir. Le mariage entre Forepont et InnovHealth aura durĂ© quatre mois.
Pour comprendre pourquoi et comment ce dernier investisseur a dĂ©cidĂ© de sâengager au capital de la start-up rĂ©moise, il fallait que les patrons acceptent de nous parler.
La rencontre avec Julien Tizot, en juin 2022, est alors envisagĂ©e. Nous travaillons sur cette enquĂȘte depuis deux ans, et nos investigations nous amĂšnent souvent Ă devoir respecter lâanonymat. Ceux qui nous parlent, et ils ont Ă©tĂ© des dizaines, craignent, soit pour leur rĂ©putation dans leur nouvel emploi, soit ont signĂ© des clauses de confidentialitĂ© et ont peur des reprĂ©sailles.
En juin 2022, nous avions dĂ©jĂ recueilli des tĂ©moignages forts, mais anonymes, de salariĂ©s Ă©vincĂ©s rĂ©cemment. Cela aurait pu suffire. Mais cette fois, via lâagence de communication qui gĂšre les relations presse du groupe Forepont Capital Partners, nous obtenons rapidement un rendez-vous. En nous rendant Ă Paris, rue du ColisĂ©e dans le 8e arrondissement, nous ne connaissons pas la stratĂ©gie des investisseurs franco-amĂ©ricains. Nos informations nous laissaient entrevoir que les relations avec Adnan El Bakri Ă©taient au plus mal. Mais en saurions-nous plus ?
DĂšs le dĂ©but de lâentretien, nous comprenons, trĂšs vite, la situation. Julien Tizot Ă©voque immĂ©diatement Relyfe Group et Adnan El Bakri en utilisant lâimparfait. « Pour nous, la vision de Relyfe et celle de son fondateur Ă©tait claire, on la partageait, explique-t-il. Nous Ă©tions conscients des risques, mais nous pensions quâun cadre juridique et une gouvernance stricte allaient permettre de les gĂ©rer. Nous avions mis en place tout un systĂšme qui nous permettait, en thĂ©orie, que rien ne nous Ă©chappe ».
Julien Tizot, le patron France du fond d’investissement Forepont Capital Partners, nous a reçus le 10 juin dans les locaux parisiens de la sociĂ©tĂ©.
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© Isabelle Forboteaux – France TĂ©lĂ©visions
Avant dâentrer au capital dâInnovHealth, rebaptisĂ©e Relyfe, Forepont Capital Partners, comme Ă son habitude, rĂ©alise une « due diligence ». Câest-Ă -dire une analyse pointue de la start-up, de sa technologie, du marchĂ© envisagĂ©, de lâĂ©tat de ses finances et de sa clientĂšle.
« Il nây a pas rien⊠Il y a une technologie perfectible, certes, explique Julien Tizot en charge du bureau parisien de Forepont. Le but dâun investissement dans le monde du capital-risque câest vraiment de dire : je franchis un cap. Par dĂ©finition on prend un risque, sur la technologie, sur les Ă©quipes qui doivent Ă©voluer, sur le marchĂ©. Il faut que le produit rencontre son marchĂ©. Nous avons un savoir-faire fort pour aider Ă faire Ă©voluer le management dâune sociĂ©tĂ© et on savait quâil y avait des risques Ă ce niveau-là  ».
Adnan a compris quâil avait besoin dâĂȘtre aidĂ©. Quâil nâallait pas ĂȘtre le seul au monde Ă gĂ©rer. Nous voulions lui permettre de relĂącher cette pression.
Julien Tizot
patron France de Forepont Capital Partners
Forepont installe donc deux de ses membres au sein du comitĂ© stratĂ©gique dâInnovHealth-Relyfe. « Un pacte dâactionnaires a Ă©tĂ© Ă©tabli avec un comitĂ© stratĂ©gique. Lâutilisation du cash devait ĂȘtre validĂ©e, les aspects stratĂ©giques aussi, explique encore Julien Tizot. Ce sont des choses que lâon a dĂ©jĂ faites par le passĂ© avec des boites amĂ©ricaines et françaises ». Sâentourer de rĂšgles strictes, embaucher du personnel reconnu, pour ses compĂ©tences, par le fond dâinvestissement et ainsi mener Ă bien les missions. Forepont Ă©tait vraiment prĂȘt Ă beaucoup de choses. JusquâĂ partager les mĂȘmes locaux, rue du ColisĂ©e⊠« Pour ainsi voir trĂšs rapidement sâil y avait des dĂ©viances », reprend encore Julien Tizot.
PrĂȘt Ă beaucoup, mais en faisant fi du passĂ© dâInnovHealth. Des actions en justice dâanciens salariĂ©s. Du mĂ©contentement de certains actionnaires. Le fond dâinvestissement a aussi fait confiance aux deux « sĂ©niors » de lâĂ©quipe, comme les appelle Julien Tizot, faisant rĂ©fĂ©rence Ă des hommes dâexpĂ©rience, Sylvain Bertrand et Olivier Deslandes. « Nous nous sommes dits, Adnan a compris quâil avait besoin dâĂȘtre aidĂ©. Quâil nâallait pas ĂȘtre le seul au monde Ă gĂ©rer. Nous voulions lui permettre de relĂącher cette pression car chacun des joueurs devait avoir un rĂŽle clĂ© dans la boite. Pour autant cela ne sâest pas passĂ© comme dĂ©fini ».
Evaluer les risques, sâentourer des meilleurs collaborateurs ne suffit pas. Julien Tizot se fĂ©licite aujourdâhui de : « nâavoir engagĂ© que 2,5 millions dâeuros ». Car gĂ©rer « les mensonges », comme le disent les anciens salariĂ©s et la sociĂ©tĂ© Forepont, en plus des dĂ©rives managĂ©riales Ă©taient une Ă©tape non envisagĂ©e par le nouvel investisseur.
« Il mâa fallu trois semaines pour me rendre compte de la pauvretĂ© du produit⊠Pas de produit Ă commercialiser, aucun business plan, pas de politique de prix, pas dâĂ©tude de marché ». Ce salariĂ©, dont le nom restera anonyme, a passĂ© quatre mois dans lâentreprise Relyfe Group. Parti en fin dâannĂ©e 2021, il lâaffirme : « Tout est faux. Les clients indiquĂ©s nâexistent pas, il nây a aucune facturation. Il nây a pas dâemplois fictifs, mais un chef de projet sans projet. Les salariĂ©s sans travail Ă©taient dans un mal ĂȘtreâŠÂ » Etaient, car nombre dâentre eux ne font plus partie de lâentreprise. « CâĂ©tait une blague, complĂštement ubuesque. Il nây avait pas dâordinateur, pas de tĂ©lĂ©phone. Nous Ă©tions dans des bureaux parisiens Ă 10 000 euros par mois⊠mais rien nâĂ©tait rĂ©el ».
Vous mâavez menti sur un certain nombre de sujets. Vous mâavez dit quâil y avait des clients alors quâil nây en a pas. Si câĂ©tait mon argent, je nâaurais pas investi.
Un ancien cadre remercié en 2021 par Adnan El Bakri.
Un autre ancien salariĂ© de Relyfe, cadre lui aussi, rĂ©cemment Ă©cartĂ©, nous a contactĂ©s. « La rĂ©pĂ©tition des situations que vous avez dĂ©crites (dans les deux premiers volets de lâenquĂȘte de France 3), avec dâautres personnes, dâautres noms⊠Je pense avoir vĂ©cu Ă peu prĂšs lâintĂ©gralitĂ© de ce que vous avez Ă©crit », explique-t-il en prĂ©ambule. Son nom ne sera pas, non plus, mentionnĂ©. Cette personne est recrutĂ©e en milieu dâannĂ©e 2021. « Quand je rentre dans une start-up, jâessaye de comprendre ce quâil y a Ă faire dans tous les secteurs. OĂč sont les points faibles. Cela peut toucher Ă toutes les fonctions : commercial, finance, gouvernance, stratĂ©gie. Jâai 30 ans dâexpĂ©rience et je vois les choses assez vite. Jâai pris trois jours pour faire le tour de la sociĂ©tĂ© puis jâai eu une rĂ©union avec Adnan (El Bakri), Sylvain Bertrand et Olivier Deslandes et en synthĂšse je leur ai dit : vous mâavez menti sur un certain nombre de sujets. Vous mâavez dit quâil y avait des clients alors quâil nây en a pas. Si câĂ©tait mon argent, je nâaurais pas investi. Si vous continuez comme ça, on va dans le mur. Ăa les a dĂ©stabilisĂ©s, et lĂ ils mâont dit quâest-ce que lâon fait? Il fallait, alors, ĂȘtre dâaccord sur lâĂ©tat des lieux, et donc sur les solutions Ă trouver. Ils mâont rĂ©pondu quâils lâĂ©taient ». Des affirmations qui auraient Ă©tĂ© tenues en rĂ©union mais, finalement, lâancien salariĂ© sâaperçoit rapidement que la vie continue par ailleurs.
Câest Adnan et « Mister Hyde ». Le garçon peut ĂȘtre charmeur, doux. Il sâest inventĂ© un personnage et quand il pĂšte les plombs, ça hurle, câest menaçant, dĂ©gradant.
Un ancien cadre remercié en 2021 par Adnan El Bakri.
« Les choses se sont progressivement tendues et dâautres mâont particuliĂšrement dĂ©plu. Je pourrais en citer beaucoup, mais il y a eu notamment des recrutements faits de façon unilatĂ©rale par Adnan. Il a recrutĂ© sans avis et mĂȘme parfois sur un avis nĂ©gatif ».
Les deux cadres, dĂ©barquĂ©s presquâen mĂȘme temps de lâentreprise en 2021, se rejoignent pour dire « pour moi, cela relĂšve de la pathologie. Il (Adnan El Bakri) est nocif pour ses salariĂ©s, ses partenaires et ses actionnaires. Je lâai vu piquer des colĂšres comme un enfant de 4 ans⊠et ce, Ă la moindre contrariĂ©tĂ©. Si vous nâĂȘtes pas dâaccord avec lui, il nây a pas de place au dĂ©bat ».
« Moi, reprend le second, jâai vu ce garçon, se comporter avec ses Ă©quipes et mĂȘme parfois avec les membres du comitĂ© de direction, de façon inqualifiable. Câest Adnan et « Mister Hyde ». Le garçon peut ĂȘtre charmeur, doux. Il sâest inventĂ© un personnage et quand il pĂšte les plombs, ça hurle, câest menaçant, dĂ©gradant. Ce fut le cas, notamment, lors dâune rĂ©union de travail avec lâensemble des salariĂ©s et animĂ©e par une sociĂ©tĂ© extĂ©rieure⊠Adnan nâĂ©tait pas content des discussions et a expliquĂ© Ă lâensemble de ses Ă©quipes quâelles nâavaient rien compris. Je peux vous dire que la sociĂ©tĂ© qui a travaillĂ© avec Relyfe pendant plusieurs semaines, nâa jamais vu cela. Moi, jâai un peu de carapace. Voir ce garçon sâĂ©gosiller ne mâimpressionne pas. Mais je sais lâimpact quâil a sur les gens et ce nâest pas une situation sympathique Ă vivre ».
Il Ă©voque aussi une situation que lui a racontĂ©e une jeune femme. « Elle a un trĂšs bon profil mais pas du tout adaptĂ© aux prioritĂ©s des besoins de Relyfe, câest pour cela que lâon avait dit non Ă Adnan concernant son embauche. Mais il a pris la dĂ©cision de lâembaucher malgrĂ© tout. Et une fois dans lâentreprise, il lui a envoyĂ© rĂ©guliĂšrement des sms, des messages sur WhatsApp, le week-end aussi. Messages que jâai lus. Elle a fini, elle aussi, par ĂȘtre licenciĂ©e, quelques mois aprĂšs que je sois parti. Il nây a pas eu de dĂ©pĂŽt de plainte pour harcĂšlement sexuel, Ă ma connaissance, mais elle mâen a parlĂ© trĂšs clairement ».
« Nous avons constatĂ© ces attitudes violentes, ces humiliations, explique aussi Julien Tizot, le patron France de Forepont Capital Partners. Directement et indirectement. Câest pour cela que câĂ©tait important dâĂȘtre proches. LâidĂ©e Ă©tait de partager des discussions avec les dirigeants mais aussi avec les salariĂ©s. Nous avons recoupĂ© les informations qui sont devenues Ă©videntes et absolument inacceptables. Il y avait des gens embauchĂ©s, virĂ©s sans notre consentement⊠câĂ©tait interdit. Quâil nây ait pas dâambiguĂŻtĂ©s dans mes propos, on ne cautionne aucunement ces agissements, câest absolument intolĂ©rable ».
Les tĂ©moignages de ces cadres, aux responsabilitĂ©s importantes, et de Julien Tizot, le patron du fond dâinvestissement franco-amĂ©ricain, contrastent pour le moins avec, Ă la mĂȘme pĂ©riode, les propos tenus par le patron de lâentreprise Relyfe, Adnan El Bakri.
« Maintenant, on a changĂ© de nom. On a une nouvelle marque qui sâappelle Relyfe, qui est une marque internationale. Pourquoi, parce que la technologie que lâon a dĂ©veloppĂ©e est internationale », explique le fondateur de la start-up rĂ©moise.
Nous sommes le 28 octobre 2021, dans un restaurant parisien, oĂč lâinterview est enregistrĂ©e pour la chaine youtube du groupe de presse Entreprendre. Câest Robert Lafont, le patron, en personne, qui interroge celui de lâentreprise rĂ©moise, avec une certaine complaisance. « Relyfe est un beau symbole. Câest lâinertie des administrations (françaises) qui vous sidĂšrent, affirme M. Lafont. Adnan, vous ĂȘtes un entrepreneur ambitieux, dynamique, dit-il encore, vous ne lĂąchez pas le morceau comme on dit. Je sais que la presse rĂ©gionale ne vous a pas fait de cadeaux du cĂŽtĂ© de Reims. Les gens ne comprennent pas toujours que, dans une entreprise privĂ©e, il y a des hauts et des bas. Il y a beaucoup de gens qui nâont pas envie que vous rĂ©ussissiez. LĂ il y a des fonds qui viennent de rentrer, bravo ! »
Adnan El Bakri savoure. Comme lorsquâil parle sur BFM Business le 8 juillet et le 15 septembre 2021. Ou encore sur la chaine « Chef dâEntreprises.TV » les 12 et 27 octobre. Il Ă©voque lâentrĂ©e au capital de Forepont Capital Partners. Les 40 millions dâeuros introduits, lâacquisition dâune start-up amĂ©ricaine BeCareLink et le recrutement de 70 personnes rapidement. Ce 28 octobre, lors de lâinterview avec Robert Lafont, patron dâEntreprendre, Adnan El Bakri sait-il dĂ©jĂ que la fusion entre InnovHealth et BeCareLink, la start-up amĂ©ricaine, ne se fera pas ? Sait-il dĂ©jĂ quâil ne deviendra pas le patron des deux entreprises rĂ©unies ? Sait-il aussi que ce ne sont pas 40 millions dâeuros qui ont Ă©tĂ© investis mais seulement 2,5 et quâil nây aura pas de suite ?
Une chose est sĂ»re, Relyfe Group quitte les locaux parisiens fin octobre, quelques jours aprĂšs cette interview, sans prĂ©venir les dirigeants du fond dâinvestissement. Ces derniers considĂšrent d’ailleurs que c’est une rupture des accords Ă©tablis. Relyfe Group laisse aussi une ardoise, celle des loyers, de 10 000 euros par mois. « Nous lâavons absorbĂ©e », prĂ©cise Julien Tizot.
Relyfe Group avait dĂ©mĂ©nagĂ© dans les mĂȘmes locaux que ceux de Forepont Capital Partners, rue du ColisĂ©e Ă Paris.
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© Isabelle Forboteaux – France TĂ©lĂ©visions
InnovHealth est lancĂ©e en mars 2016, Ă Reims. Adnan El Bakri, qui deviendra mĂ©decin en 2019, est lâun des co-fondateurs. LâidĂ©e : crĂ©er une carte santĂ© connectĂ©e, telle une carte bancaire, regroupant lâensemble du dossier mĂ©dical de chaque citoyen et pouvant ĂȘtre lisible, si besoin, par des mĂ©decins, partout dans le monde. En 2017, une levĂ©e de fonds de 5 millions dâeuros, dont, au moins, un million dâargent public Ă©manant de la Banque Publique d’Investissement (BPI), permet, alors, Ă la start-up de commencer Ă travailler. De lâargent injectĂ© aussi par quelques « business angels » suisses notamment, mais aussi par de nombreux apporteurs rĂ©mois intĂ©ressĂ©s par le projet, et plaçant ainsi leurs Ă©conomies.
Depuis 2016, les affaires nâont pas dĂ©collĂ© et InnovHealth, devenue en 2021 Relyfe, reste coincĂ©e dans une ascension Ă©conomique qui semble bien trop pentue pour elle.
Mentir sur le nombre de clients actuels, ça, câest un vrai sujet. Lâendettement, nous ne lâavions pas Ă la hauteur oĂč il Ă©tait. Le chiffre dâaffaires, on le connaissait, et on savait que ses hypothĂšses Ă©taient totalement dĂ©lirantes
Julien Tizot, patron France du fond d’investissement Forepont Capital Partners
En mai 2021, le 2e volet de notre enquĂȘte, titrait ainsi : « La valeur de lâentreprise sâenvole, comme les investisseurs ». A lâĂ©poque, nous Ă©voquions la flambĂ©e du prix des actions, passĂ© de 1 euro en 2016 Ă 680 euros en 2020. Nous expliquions, aussi, le retrait de la sociĂ©tĂ© KPMG, spĂ©cialiste des cotations, nâayant pas souhaitĂ© aller au bout du travail de valorisation. Sylvain Bertrand, alors associĂ© et vice-prĂ©sident de lâentreprise nous rĂ©pondait : « câest le principe dâune start-up de valoriser son chiffre dâaffaires (âŠ). Je vous rĂ©pondrai sur la valorisation de la sociĂ©tĂ© parce quâil y a un mĂ©canisme qui a Ă©tĂ© effectuĂ©, mais je nâai pas les Ă©lĂ©ments (âŠ) ». Il Ă©voquait aussi avec beaucoup dâassurance le chiffre dâaffaires rĂ©alisĂ© en France 185 580 euros et en Afrique pour prĂšs de 90 000 euro : « Au Gabon, il y a eu des dĂ©ploiements de produits et il y a eu des factures (âŠ). Il y a un organisme qui a payĂ© contre prestation. Il y a 68 000 euros de facture au Gabon ».
En dĂ©licatesse avec Adnan El Bakri depuis avril dernier, Sylvain Bertrand saura-t-il expliquer aujourdâhui, pourquoi il nous a tenu de tels propos ? Pourquoi, lors des premiers contacts avec Forepont Capital Partners, lui, Olivier Deslandes et Adnan El Bakri nâont pas dit toute la vĂ©ritĂ©, comme le prĂ©cise bien le fond d’investissement ?
Au moment de la diffusion de ce 3e volet dâenquĂȘte, nos demandes dâinterviews auprĂšs de Messieurs El Bakri, Deslandes et Bertrand sont restĂ©es vaines.
« Communiquer sur des clients qui ne sont pas des clients, ça on ne lâaccepte pas, reprend Julien Tizot de Forepont Capital Partners. Mentir sur le nombre de clients actuels, ça, câest un vrai sujet. Il y avait des biais, mais en tout cas sur les informations que lâon avait il nây avait pas dâescroqueries. Il y avait peut-ĂȘtre des communications malheureuses, des comportements pas bons. Finalement, câĂ©tait plus dĂ©rangeant que cela. On nous a cachĂ©s des choses comme lâĂ©tat des comptes, les dĂ©penses et les dettes. Sur les informations que lâon avait, nous nâavions pas de raison dâĂȘtre alarmĂ©s. Mais finalement, lâendettement, nous ne lâavions pas Ă la hauteur oĂč il Ă©tait. Le chiffre dâaffaires, on le connaissait, et on savait que ses hypothĂšses Ă©taient totalement dĂ©lirantes ».
« Ils produisent des bilans qui sont faux, reprend le cadre qui a quittĂ© lâentreprise. En 2021 il nây a eu aucune facturation et aucun chiffre dâaffaires ».
La seule solution qui existe aujourdâhui câest Relyfe. On est en train de convaincre la planĂšte entiĂšre et vous allez voir on va y arriver.
Adnan El Bakri, président de Relyfe Group
« Tout nâest que mensonges. Câest le grand spĂ©cialiste des LOI, en français, les lettres dâintention, prĂ©cise cet autre cadre de Relyfe, Ă©vincĂ© en 2021. Un jour, je suis tombĂ© par hasard sur ces informations. Les lettres dâintention, câest une entreprise qui dit : oui cette technologie mâintĂ©resse beaucoup, on va y rĂ©flĂ©chir. Ces lettres ne valent rien. Mais il y a une « bible » dans lâentreprise Relyfe et dans celle-ci vous ne pouvez pas imaginer ce que vous pouvez trouver. LâEtat du Vatican, des pays africains, etc, câest surrĂ©aliste ».
LâOrĂ©al, Alcatel Lucent, le groupe monĂ©gasque ThĂ©lis, des magasins Leclerc et beaucoup dâautres encore avaient Ă©tĂ© citĂ©s par Adnan El Bakri comme ses clients. En les contactant, en 2020, nous avions su que cela nâĂ©tait pas le cas. Tout comme le dĂ©ploiement de la carte santĂ© connectĂ©e sur le continent africain nâĂ©tait que pure spĂ©culation. Le directeur commercial « Afrique » de lâĂ©poque nous lâayant confirmĂ©.
Ces lettres dâintention portent bien leur nom. Le fond dâinvestissement Forepont Capital Partners avait, lui aussi, bien lâintention de mener campagne pour cette carte connectĂ©e.
En octobre 2021, lors dâune de ses derniĂšres interviews, Adnan El Bakri prĂ©cisait : « On a rĂ©ussi ce que personne nâa rĂ©ussi dans un secteur extrĂȘmement complexe. On vient de convaincre un fond dâinvestissements amĂ©ricain qui est bluffĂ© par notre technologie et qui veut la dĂ©velopper sur le marchĂ© amĂ©ricain. (…) La seule solution qui existe aujourdâhui, câest Relyfe. On est en train de convaincre la planĂšte entiĂšre et vous allez voir on va y arriver ».
Passer de rĂ©dactions en rĂ©dactions, de plateaux tĂ©lĂ© en studios radio. Adnan El Bakri aime se montrer et parler de son entreprise. La communication, ça le connaĂźt. En octobre 2021, comme depuis 2018 et ses premiĂšres interventions dans la presse, Adnan El Bakri rĂ©pĂšte inlassablement sa belle histoire. Originaire du Liban, issu dâune famille pauvre, la France lui donne sa chance et il devient mĂ©decin. Avec sa carte santĂ© connectĂ©e, il veut rĂ©volutionner le monde. Alors, pour convaincre de potentiels clients et se convaincre aussi peut-ĂȘtre, il multiplie les dĂ©clarations, communique avant que les contrats ne soient signĂ©s. Annonce aussi des levĂ©es de fonds qui nâarrivent pas. Parle en tant que mĂ©decin alors quâil nâa pas passĂ© sa thĂšse. Sâannonce mĂȘme comme chirurgien.
Il sâenrichit aussi en faisant augmenter le cours des actions de sa start-up. Les revendant ensuite pour rĂ©aliser ce que lâon appelle du cash out. Un procĂ©dĂ© totalement lĂ©gal, mais son entreprise est, Ă ce moment-lĂ , en perte de plus de 1,5 million euros. RĂ©cemment encore, il disait Ă la chaine youtube dâEntreprendre : « On a une trentaine de dĂ©ploiements en France. Et un chiffre dâaffaires qui commence Ă ĂȘtre gĂ©nĂ©ré ».
Dans les faits, la belle histoire ne se conte pas si simplement. Un dernier investisseur a osĂ© lui faire confiance et sâen mord les doigts aujourdâhui.
La page d’accueil du site Relyfe.com
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© https://fr.relyfe.com/ (capture écran)
Forepont Capital Partners est engagé depuis 10 ans en soutien exclusif aux entreprises liées au monde médical.
« Nous, nous sommes un fond de santĂ©. On couvre les trois verticales de la santĂ© : la biotechnologie, la « Med Tech », la santĂ© digitale, rappelle Julien Tizot le patron France de Forepont. La thĂ©matique couverte par InnovHealth Ă lâĂ©poque faisait beaucoup de sens. Câest un besoin dans le marchĂ©, que cela soit en France, en Europe, et dans le monde entier. On tend vers la mĂ©decine digitale. Notre sociĂ©tĂ©, aux Etats-Unis, qui sâappelle BeCareLink est, elle, sur les neurosciences. On sâest dit, il y a des synergies claires et cela contribue aussi Ă changer le cours de lâhistoire. On voit souvent des start-up qui partent aux Etats-Unis car le marchĂ© est plus gros. LĂ , on avait une base française. On avait ouvert le bureau Forepont Ă Paris et on sâest dit, il y a tous les ingrĂ©dients. On va faire ce que lâon sait faire de mieux : ĂȘtre un actionnaire actif ».
Câest un mĂ©tier ou chaque dirigeant dâentreprise a des tares. Mais câest gĂ©nĂ©ralement maitrisable, contrĂŽlable
Julien Tizot
patron France de Forepont Capital Partners
Les patrons de Forepont sont alors convaincus que le pari est rĂ©alisable. « On a mis un premier ticket de 2,5 millions dâeuros. BeCareLink, notre sociĂ©tĂ© amĂ©ricaine, Ă©tait valorisĂ©e Ă hauteur de 35 millions dâeuros, tout comme InnovHealth. Nous Ă©tions le plus gros actionnaire de BeCareLink par ailleurs. Donc mĂ©caniquement, avec la fusion des deux sociĂ©tĂ©s, nous devenions un actionnaire trĂšs important de la structure rĂ©unifiĂ©e. Quand vous investissez, vous achetez la crĂ©ation de valeurs futures. Et nous, nous Ă©tions trĂšs Ă lâaise lĂ -dessus. On se disait, si cela se passe bien, on aura une partie du capital importante sur une sociĂ©tĂ© qui peut ĂȘtre leader dans son marchĂ©. Est-ce quâelle lâest aujourdâhui, non. Mais si elle lâĂ©tait, câest une boĂźte qui vaudrait des milliards et elle nâaurait pas besoin de nous comme actionnaires. Aucune sociĂ©tĂ©, quand vous investissez en capital-risque, nâest parfaite ».
Julien Tizot, le patron France de Forepont Capital Partners, regrette vraiment que cette aventure se soit arrĂȘtĂ©e au bout de quelques mois. « On a essayĂ© de voir si Ă©motionnellement Adnan nâavait pas Ă©tĂ© dĂ©bordĂ© par lâargent, par une boĂźte qui devenait trĂšs grosse. Son cĂŽtĂ© un peu mĂ©galo prenait le dessus et nous voulions le faire rentrer dans les clous. CâĂ©tait le souhait. Relyfe nâest pas Adnan El Bakri⊠en thĂ©orie ».
Depuis la crĂ©ation de la start-up rĂ©moise en 2016, tout ceux que nous avons interviewĂ©s nous ont parlĂ© dâun produit de dĂ©part incroyable. Cette carte de santĂ© connectĂ©e, tous, sans exception, y croyaient.
« Nous, nous sommes arrivĂ©s, un peu, en chevalier blanc, insiste encore Julien Tizot. La stratĂ©gie et la vision Ă©taient les bonnes. Il y avait des actionnaires de qualitĂ©, des salariĂ©s de qualitĂ©. Il y avait un management avec des qualitĂ©s et des dĂ©fauts, on le savait. Quâil nây ait pas dâambiguĂŻtĂ©s lĂ -dessus. Mais, est-ce que lâon jette tout ou est-ce que lâon met en place un cadre juridique, une gouvernance, des recrutements pour dire⊠ok la partie nĂ©gative on va la maitriser et on va permettre Ă tout cet Ă©cosystĂšme de participer Ă une belle aventure. Parce quâencore une fois, une sociĂ©tĂ© ne peut pas ĂȘtre dĂ©finie par un seul individu. Câest un mĂ©tier ou chaque dirigeant dâentreprise a des tares. Mais câest gĂ©nĂ©ralement maitrisable, contrĂŽlable ».
Le capital-risque engagĂ© par Forepont Capital Partners nâa, cette fois, pas tenu ses promesses. Et le risque lâa emportĂ© sur la substantielle rentrĂ©e dâargent envisagĂ©e. Une premiĂšre pour le groupe franco-amĂ©ricain qui dit nâavoir jamais connu pareille situation, en 10 ans dâexistence. La fusion entre InnovHealth, sociĂ©tĂ© rĂ©moise, et BeCareLink, start-up amĂ©ricaine, nâa pas, non plus, abouti. « Pour des questions de rĂ©glementation entre les deux pays, prĂ©cise encore Julien Tizot. Et ce nâĂ©tait plus non plus souhaitable quâelle aille Ă son terme ». DĂ©sormais, Forepont Capital Partners « est actionnaire minoritaire de la structure Relyfe Group. Avec un cadre juridique qui nâa pas Ă©tĂ© respectĂ©, nous regardons nos options pour faire valoir nos droits. Câest entre les mains de nos avocats qui vont dĂ©cider quel est le meilleur recours pour nous ».
Il y a des rĂšgles quâon ne peut pas voir transgresser. En tant quâactionnaire, on fera les recours nĂ©cessaires pour que cela ne puisse jamais se reproduire
Julien Tizot, patron France de Forepont Capital Partners
La rupture sâest faite au fil des quatre petits mois dâun mariage compliquĂ©. Il y a eu des embauches sans accord et « des licenciements aussi » rajoute Julien Tizot.
Lâargent a Ă©tĂ© utilisĂ© pour faire autres choses que ce qui Ă©tait prĂ©vu et notamment rembourser les dettes. « Câest la rĂ©alité » confirme-t-il. Et 2,5 millions ont Ă©chappĂ© totalement aux investisseurs. « On peut dire cela et câest sur cela que lâon essaye aujourdâhui de faire valoir nos droits. Encore une fois on avait mis en place un cadre juridique clair pour que les responsabilitĂ©s ne reposent pas que sur une seule personne. Tu veux dĂ©penser, recruter et bien cela doit ĂȘtre validĂ© en comitĂ© stratĂ©gique. Et rapidement, on sâest rendus compte que la gouvernance mise en place nâĂ©tait pas du tout respectĂ©e. 2,5 millions, câest beaucoup dâargent, je ne minimise pas. Mais Ă la hauteur dâun fond dâinvestissement, cela reste une petite allocation. Nous, on est vigilants Ă chaque fois car il y a des cas trĂšs trĂšs rares oĂč lâon peut avoir un management qui sort des clous ».
Relyfe Group, ses employĂ©s et ses dirigeants ont aussi quittĂ© les locaux de la rue du ColisĂ©e Ă Paris « du jour au lendemain. Nous nâĂ©tions pas au courant », prĂ©cise encore Julien Tizot.
Relyfe Group a dĂ©mĂ©nagĂ© fin octobre 2021 pour s’installer au 9 rue Pingat Ă Reims.
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© Isabelle Forboteaux – France TĂ©lĂ©visions
Le 21 dĂ©cembre 2021, un procĂšs-verbal dâassemblĂ©e gĂ©nĂ©rale extraordinaire Ă©tait enregistrĂ© au tribunal de commerce de Reims avec pour intitulĂ© : « ProcĂšs-verbal des dĂ©cisions du PrĂ©sident du 29 Novembre 2021 ». Curieuse assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale extraordinaire oĂč, semble-t-il, aucun des actionnaires nâa Ă©tĂ© conviĂ©. Un procĂšs verbal sâappuyant sur deux articles des statuts de la sociĂ©tĂ© et notamment le 4, donnant tout pouvoir au PrĂ©sident pour modifier le siĂšge social de lâentreprise. Câest donc ce quâa fait Adnan El Bakri en dĂ©mĂ©nageant Relyfe Group de Paris Ă Reims.
« Je suis ravi dâapprendre quâil y a eu des assemblĂ©es gĂ©nĂ©rales extraordinaires. Je suis actionnaire, je ne suis pas au courant, dit Julien Tizot de Forepont. Câest pour cela que lâon a des bons cabinets dâavocats qui regroupent lâensemble des informations. Que lâon soit clairs, nous nâavons aucune tolĂ©rance aux manquements juridiques de gouvernance, aucune tolĂ©rance. On avait mis tout en place pour que cela soit une belle rĂ©ussite et notamment sur le territoire français. Nous, on a une compĂ©tence qui nâest plus Ă prouver et on aide les entrepreneurs français Ă grandir pour devenir des leaders du marchĂ©. Ce que lâon a pu faire pour dâautres boites françaises et cela a trĂšs bien marchĂ©. Ce nâest pas Ă©vident et on sâadapte. Mais il y a des rĂšgles quâon ne peut pas voir transgresser. En tant quâactionnaire, on fera les recours nĂ©cessaires pour que cela ne puisse jamais se reproduire. Nous sommes profondĂ©ment déçus de ne pas avoir pu faire grossir une entitĂ© globale sous lâĂ©gide dâune sociĂ©tĂ© française. Câest dommage. Oui, on savait quâil y avait des gens mĂ©contents. Mais ne rien faire câĂ©tait la fin de la boite et on pensait pouvoir redresser la barre ».
Depuis fin octobre 2021, date du dĂ©part de Relyfe Group des locaux parisiens, Julien Tizot nâa plus de nouvelles directes dâAdnan El Bakri. Toutes relations passent dĂ©sormais par les cabinets dâavocats.
Que devient lâentreprise ? Combien de salariĂ©s restent-ils ? Depuis les dĂ©parts des « seniors » Sylvain Bertrand et Olivier Deslandes, qui entourent le patron de Relyfe »? « Bonnes questions, rĂ©pond Julien Tizot. Nous les avons posĂ©es officiellement, nous nâavons pas eu de rĂ©ponses claires. Mais sans dĂ©voiler notre stratĂ©gie juridique Ă venir, des sociĂ©tĂ©s qui ne performent pas dans des portefeuilles de capital-risque il y en aura toujours. Mais, qui ne performent pas pour des risques illĂ©gaux, câest plus embĂȘtant. Nous sommes contents que Relyfe soit une partie trĂšs minime de notre portefeuille ».
La majoritĂ© des autres actionnaires nâa plus eu de nouvelles de lâentreprise depuis la derniĂšre assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale extraordinaire, la derniĂšre pour laquelle ils ont Ă©tĂ© convoquĂ©s. CâĂ©tait en juillet 2021 et le vote sur lâentrĂ©e de Forepont au capital. Depuis câest silence radio. Certains nous ont prĂ©cisĂ© attendre avec impatience celle devant valider lâexercice 2021. Elle devait avoir lieu, au maximum, six mois aprĂšs la clĂŽture des comptes, soit le 30 juin dernier. Or, aucune convocation nâest parvenue aux actionnaires. Le tribunal de commerce de Reims nous confirmant nâavoir reçu aucune demande de report.
Que dit la loi lorsquâune assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale nâest, ainsi, pas convoquĂ©e ? Lâarticle L241-5 du code du commerce indique : « Est puni de 9 000 ⏠d’amende le fait, pour les gĂ©rants, de ne pas soumettre Ă l’approbation de l’assemblĂ©e des associĂ©s ou de l’associĂ© unique l’inventaire, les comptes annuels et le rapport de gestion Ă©tablis pour chaque exercice ». Les associĂ©s ont la possibilitĂ© de demander au prĂ©sident du tribunal de commerce de Reims la nomination dâun mandataire ad hoc qui se chargera de convoquer lâassemblĂ©e gĂ©nĂ©rale.
Adnan El Bakri se met ainsi en illĂ©galitĂ©. Il sait que ses actionnaires lâattendent de pieds fermes. « On a dĂ©jĂ prĂ©parĂ© le terrain avec le tribunal de commerce pour faire ordonnance et autoriser la prĂ©sence dâun huissier. Sachant que celle de lâannĂ©e derniĂšre a elle aussi Ă©tĂ© retranscrite par huissier », explique un des actionnaires. Celle de 2020 sâĂ©tait aussi dĂ©roulĂ©e en prĂ©sence dâun homme de justice. Des procĂšs-verbaux ont ainsi Ă©tĂ© Ă©tablis, preuves des propos tenus Ă ce moment-lĂ et de ce que certains appellent aujourdâhui « une entrave Ă lâinformation obligatoire ».
La colĂšre gronde donc dans les rangs des actionnaires. La convocation pour lâassemblĂ©e gĂ©nĂ©rale annuelle nâest pas arrivĂ©e. Ils avaient, pour certains, dĂ©cidĂ© de prendre des dĂ©cisions Ă lâissue. Cette fois, pour eux, câest la goutte dâeau dâun vase dĂ©jĂ trop rempli.
Nous recherchons la mise en cause des Ă©ventuelles responsabilitĂ©s civiles et pĂ©nales des dirigeants de la sociĂ©tĂ© InnovHealth et les faire cesser. Nous invitons ceux qui souhaitent sâassocier Ă ces actions Ă bien vouloir nous le faire savoir.
Marc Dubois, actionnaire de Relyfe et patron du groupe Aplus
En date du 20 juin 2022, un courrier, que nous nous sommes procurĂ©s, a Ă©tĂ© envoyĂ© Ă une cinquantaine de personnes. A lâorigine de cette lettre : le Groupe Aplus dĂ©tenu par lâArdennais Marc Dubois et son frĂšre. Marc Dubois, actionnaire depuis 2019, a investi 500 000 euros dans InnovHealth. A lâĂ©poque, il pensait bĂ©nĂ©ficier dâune ouverture du capital et avait prĂ©vu dâinvestir un million dâeuros. Mais, il a rachetĂ© les actions dâAdnan El Bakri, le prĂ©sident. Le deuxiĂšme versement nâa pas eu lieu, le dĂ©but dâun litige qui dure depuis. Donc, dans ce courrier du 20 juin 2022, Marc Dubois Ă©crit : « Vous ĂȘtes ou avez Ă©tĂ© actionnaire, salariĂ©, fournisseur, client, partenaire de la sociĂ©tĂ© InnovHealth, devenue Relyfe et vous estimez avoir Ă©tĂ© lĂ©sĂ©s dans votre relation avec cette entreprise et ses dirigeants. Si tel est le cas, nous partageons le mĂȘme ressenti et la mĂȘme colĂšre ».
Marc Dubois, qui signe le courrier, adresse en piĂšces jointes le procĂšs-verbal de lâassemblĂ©e gĂ©nĂ©rale de septembre 2020, mais aussi un courrier adressĂ© le 4 juin 2021 Ă MM Adnan El Bakri et Sylvain Bertrand. Un courrier oĂč il constatait Ă lâĂ©poque : « Plus de huit mois aprĂšs la tenue de lâassemblĂ©e gĂ©nĂ©rale (celle de 2020), vous nâavez communiquĂ© aucun procĂšs-verbal aux associĂ©s de la sociĂ©tĂ© InnovHealth (âŠ). Aucun compte prĂ©visionnel nâa Ă©tĂ© produit afin dâĂ©clairer les associĂ©s sur les perspectives de la sociĂ©tĂ©, pas mĂȘme lâinformation fondamentale sur le chiffre dâaffaires en cours de lâexercice 2020 ».
DĂ©sormais, lâactionnaire ardennais prĂ©cise « rechercher la mise en cause des Ă©ventuelles responsabilitĂ©s civiles et pĂ©nales des dirigeants de la sociĂ©tĂ© InnovHealth et les faire cesser. Nous invitons ceux qui souhaitent sâassocier Ă ces actions Ă bien vouloir nous le faire savoir ».
Selon nos informations, un collectif de personnes a rejoint Marc Dubois, et l’avocat GĂ©rard Chemla du cabinet ACG de Reims, a Ă©tĂ© saisi du dossier.
Dâautres actions en justice sont en cours et notamment, rĂ©cemment, un rĂ©fĂ©rĂ© dĂ©posĂ©, pour honoraires impayĂ©s, par une entreprise ayant travaillĂ© avec Relyfe. Le tribunal de commerce de Reims a bien rĂ©ceptionnĂ© la demande et par trois fois dĂ©jĂ , les plaidoiries ont Ă©tĂ© repoussĂ©es par les avocats de Relyfe. Une nouvelle date, le 13 juillet, a Ă©tĂ© fixĂ©e pour tenter dâavancer dans ce dossier. Le rĂ©fĂ©rĂ© est pourtant une mesure dâurgence. Relyfe doit 90 000 euros Ă cette jeune sociĂ©tĂ© qui se retrouve, aujourdâhui, en grande difficultĂ©. « Câest une petite agence, explique lâun des anciens cadres de Relyfe. Elle avait Ă©tĂ© sĂ©lectionnĂ©e pour rĂ©flĂ©chir au marketing, Ă la stratĂ©gie, au positionnement, etc. Les dirigeants mâont contactĂ© aprĂšs que je sois parti pour me demander un tĂ©moignage, car en fait, ils nâont pas Ă©tĂ© payĂ©s de 50% de leur facture. Ils voulaient que je tĂ©moigne sur le fait quâils avaient fait correctement leur boulot, ce que jâai fait. En fait, le non-paiement de fournisseurs, câest aussi un sujet chronique. Comme lâinvention de clients ».
Par le passĂ© dĂ©jĂ , des actions en justice pour honoraires impayĂ©es avaient Ă©tĂ© dĂ©posĂ©es par dâanciens partenaires de la start-up rĂ©moise. Des dossiers aux prudâhommes aussi et dans dâautres juridictions. Certains ont Ă©tĂ© transigĂ©s et d’autres sont toujours en cours.
C’est au centre des affaires Clairmarais que Relyfe a installĂ© son siĂšge fin 2021.
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© Isabelle Forboteaux – France TĂ©lĂ©visions
Pour mener Ă bien ce troisiĂšme volet de lâenquĂȘte, nous avons recontactĂ© certains actionnaires et partenaires. Le professeur MichaĂ«l Atlan, spĂ©cialiste en chirurgie plastique et reconstructive Ă lâhĂŽpital Tenon de Paris. En 2020, il nous disait avoir « un rĂŽle de conseil et dâaide scientifique. Je connais Adnan depuis longtemps, jâai Ă©tĂ© son directeur de thĂšse ». Il disait aussi tester un des outils (photocare), de la start-up rĂ©moise, dans son service. « Je serai le premier Ă lâamener Ă lâAPHP, jây crois beaucoup ». MichaĂ«l Atlan nâa pas rĂ©pondu Ă nos questions.
MĂȘme chose pour Christophe Lambert, acteur, rĂ©alisateur et investisseur. Le 8 juin il nous prĂ©cisait par sms interposĂ© : « Mon jugement a Ă©tĂ© repoussĂ© trois fois mais plaidĂ© il y a trois semaines avec verdict aujourdâhui. Je nâai pas encore de nouvelles ». Le 4 juillet, Christophe Lambert nous indiquait respecter « les conseils de mon avocat qui me dit de ne pas rentrer, tout de suite, dans un conflit mĂ©diatique ». Impossible dâavoir plus dâinformations, mais M. Lambert a aussi engagĂ© une action en justice.
Sylvain Bertrand, lui, nâa rĂ©pondu Ă aucun de nos appels. « Câest un actionnaire et il facturait des honoraires, explique un des anciens cadres de Relyfe Group. Je ne sais pas dans quelles conditions il est parti, mais je me souviens de quelques colĂšres mĂ©morables et humiliantes dâAdnan Ă son encontre. Il a hurlĂ© sur Sylvain Bertrand de façon absolument inqualifiable et intolĂ©rable. Il y a une altercation, dans une rĂ©union, qui sâest terminĂ©e par « tu fermes ta gueule oĂč je te dĂ©gage ».
Quant Ă Olivier Deslandes, il nous avait assurĂ©, en mars 2021 : « Moi, jâai un sens de lâĂ©thique et des valeurs. Il y a des choses que je mâinterdis de faire (âŠ). La culture de la souffrance, je nâen veux pas. Il y a des gens qui partiront, dâautres qui arriveront, mais cela se passera toujours avec respect et dignité ». Des paroles fortes.Â
« Moi, jâĂ©tais trĂšs mal Ă lâaise, explique un des cadres Ă©vincĂ©s fin 2021. Dâun cĂŽtĂ©, jâavais une situation trĂšs nĂ©gative de la sociĂ©tĂ© (Relyfe), et en mĂȘme temps, il fallait composer avec le fond dâinvestissement et leur donner une vision positive des choses. Jusquâau jour oĂč cela mâest devenu insupportable ». Il prend alors rendez-vous avec Julien Tizot, le patron France de Forepont. « Je lui ai fait part de ma vision de la sociĂ©tĂ©, de la vision dâAdnan en lui demandant de conserver cet entretien confidentiel. Mais câĂ©tait trop tard, notre rendez-vous avait dĂ©jĂ filtrĂ©. Je suis rentrĂ© au bureau Ă 14h, Ă 16h, Olivier Deslandes est venu me remettre une lettre a effet immĂ©diat, tu prends tes affaires et tu tâen vas, mâa-t-il dit. Je lui ai rĂ©pondu : tu sais, jâai dĂ©jĂ eu Ă faire cela dans ma carriĂšre vis-Ă -vis de gens qui avaient volĂ© dans la caisse, ou fait des choses trĂšs mal. Jâai pris le soin de lui dire que nos routes se recroiseraient Ă un moment oĂč Relyfe nâexistera plus et quâil nâaura plus son job pour reparler des diffĂ©rents points sur lesquels nous aurions dĂ» travailler. Adnan El Bakri, lui, ne mâa jamais tĂ©lĂ©phonĂ©. »
Olivier Deslandes contactĂ© en juin dernier, nous confirmait bien, par message interposĂ©, sa dĂ©mission de la sociĂ©tĂ© Relyfe. Celui qui reste, malgrĂ© tout, actionnaire, se permettait de nous Ă©crire ceci, concernant notre travail dâenquĂȘte. Il sâagit pour lui « dâune collecte trĂšs sĂ©lective dâinformations orientĂ©es Ă jeter lâopprobre sur la personne dâAdnan El Bakri et sur lâentreprise quâil avait montĂ©e. (âŠ) Je rĂ©alise que le sous-jacent qui pilote la rĂ©daction de ces articles relĂšve dâune motivation obsessionnelle personnelle. Vous mâannoncez, ici, la rĂ©daction dâun troisiĂšme article monothĂ©matique, ce qui ne me laisse plus guĂšre dâespoir quant Ă vos motivations. Aussi, comprenez mon refus de mâassocier Ă votre croisade ».
Comme Sylvain Bertrand, Olivier Deslandes a investi une somme consĂ©quente en devenant actionnaire. Des actions quâil nâa sans doute pas pu revendre Ă temps. Selon les documents en notre possession, Sylvain Bertrand, lui, ce serait dĂ©lestĂ©, en dĂ©cembre dernier, de 637 actions pour la modique somme de 350 350 euros. Soit 550 euros par action vendue Ă des « petits » nouveaux actionnaires de Paris, la rĂ©gion parisienne ou encore de lâIsĂšre. Ces nouveaux associĂ©s Ă©taient-ils au fait de la situation de lâentreprise rĂ©moise Ă ce moment-lĂ ? Des titres revendus juste avant le dĂ©part de Sylvain Bertrand de lâentreprise Relyfe. Une cession dâactions qui, selon le point 10-5 des statuts de la sociĂ©tĂ©, est soumis Ă une procĂ©dure dâagrĂ©ment demandant lâaccord de lâensemble des associĂ©s.
Est-ce quâon est déçus, oui. Est-ce quâil y a encore des choses Ă sauver, je ne sais pas.
Julien Tizot, patron France du fond d’investissement Forepont Capital Partners
La rĂ©daction de France3 et la journaliste en charge de lâenquĂȘte fut et est encore aujourdâhui, Ă la veille de la diffusion de ce nouveau dossier, sous la pression d’Adnan El Bakri et de ses cabinets d’avocats. Les courriers mentionnent, notamment, des Ă©lĂ©ments de la vie privĂ©e de la journaliste.
Le 30 avril 2021, par la voix de son avocat, Adnan El Bakri prĂ©cisait dĂ©jĂ , « compte-tenu de la partialitĂ© de votre premier article, et des consĂ©quences dommageables trĂšs significatives que celui-ci a causĂ©, je vous demande de bien vouloir mâadresser cet article (le 2e volet) avant toute publication (âŠ). Faute pour vous de communiquer le projet de cet article, mes clients entendent saisir toute juridiction (âŠ) ».
Le 14 juin 2022, câest une avocate parisienne qui adresse un courrier au rĂ©dacteur en chef de France 3 Champagne-Ardenne. Ce courrier Ă©voque la nouvelle tentative de prise de « contact Ă plusieurs reprises avec Monsieur Adnan El Bakri, et ses associĂ©s en vue de la rĂ©daction dâun nouvel article ». Ce courrier remet aussi en question lâĂ©thique de la journaliste accusĂ©e « dâentretenir des relations amicales » avec un ancien salariĂ© dâInnovHealth rĂ©voquĂ© depuis et « engagĂ© dans plusieurs contentieux ». Pour cela, lâavocate de M. El Bakri nâhĂ©site pas Ă citer la vie privĂ©e de la journaliste, vie privĂ©e, qui pourtant ne sâaffiche pas publiquement sur les rĂ©seaux sociaux. Elle Ă©crit, entre guillemets, des citations des posts Facebook. Et dâajouter quelques phrases sur la « charte dâĂ©thique et de dĂ©ontologie des journalistes ».
Nous, il nous a fallu prĂšs de six mois de travail en 2020 pour mener Ă bien la premiĂšre partie de cette enquĂȘte, et bien plus encore pour Ă©crire la suite. Des dizaines de coups de fil, dâinterviews rĂ©alisĂ©es grĂące Ă la collaboration de nombreux anciens salariĂ©s, de dirigeants dâentreprises, dâactionnaires, dâanciens partenaires. Des heures pour comprendre quâune start-up ne se monte pas en un jour. Des mois pour assimiler un nouveau vocabulaire, le langage du business et pour collecter un nombre de documents consĂ©quents, importants et nĂ©cessaires Ă la comprĂ©hension et Ă la bonne foi de la journaliste menant lâenquĂȘte.
M. El Bakri et ses associĂ©s, nous reprochent aujourdâhui dâavoir conduit lâentreprise Ă sa perte. Ce serait occulter totalement les tĂ©moignages de tous ceux qui ont vĂ©cu, depuis 2016, la mĂ©saventure InnovHealth devenue Relyfe. Ce serait discrĂ©diter leurs paroles, pire, nier les faits.
Adnan El Bakri a Ă©tĂ©, Ă maintes reprises contactĂ©, jusqu’Ă la veille de la parution de ce 3e volet d’enquĂȘte, directement, ou par l’intermĂ©diaire de ses avocats. Il n’a jamais souhaitĂ© rĂ©pondre Ă nos questions.
« Je ne sais pas aujourdâhui oĂč ils en sont, dit encore cet ancien salariĂ©. Je pense que câest bientĂŽt la fin. Cette boite ne vaut plus rien. Il nây a pas de clients, il nây a pas de chiffre dâaffaires ». Selon nos informations, la start-up rĂ©moise InnovHealth-Relyfe ne serait pas en cessation de paiement, mĂȘme si certaines factures restent impayĂ©es. Les traites des prĂȘts consentis par la BPI, notamment, ont pour lâheure toutes Ă©tĂ© honorĂ©es.
« Câest trĂšs limitĂ© ce que lâon peut savoir », reprend Julien Tizot de Forepont. Adnan El Bakri est-il dĂ©sormais seul Ă la barre ? « De toute façon y-a-t-il dĂ©jĂ eu dâautres personnes qui gĂ©raient avec lui. Câest toute la question que lâon peut se poser ». Quant Ă rĂ©cupĂ©rer le produit pour le dĂ©velopper, « ça peut ĂȘtre une option, prĂ©cise encore Julien Tizot du fond dâinvestissement. Câest un produit important dans le marchĂ© mais il y a beaucoup Ă faire en termes de rĂ©putation, de communication, de technologie. Pour lâinstant câest lui (Adnan El Bakri) qui maitrise, câest lui lâactionnaire majoritaire de la boite. On verra le conseil de nos avocats et les actions que veulent faire les autres porteurs ».
Difficile aujourdâhui pour le fond dâinvestissement franco-amĂ©ricain, Forepont Capital Partners de rĂ©pondre sur le devenir de la carte santĂ© connectĂ©e. « Est-ce quâon est déçus, oui. Est-ce quâil y a encore des choses Ă sauver, je ne sais pas ».
Adnan El Bakri, prĂ©sident de la sociĂ©tĂ© InnovHealth-Relyfe, devra peut-ĂȘtre, sous peu, s’expliquer devant la justice des hommes dans un pays qui lui a laissĂ© une chance de rĂ©ussir.