Une classe de l’ECG Aimée-Stitelmann a débattu de l’utilité d’un suffrage citoyen par temps de pandémie. La réponse est oui.
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La question à débattre: «Pandémie: voter ou pas».
«Ils adorent ça, et moi aussi.». «Ils», ce sont des élèves de 3e et 4e année en maturité commerciale à l’École de culture générale Aimée Stitelmann, à Plan-les-Ouates. Et «ça», c’est le débat, un virus qui leur a été transmis par leur enseignante d’histoire et d’institutions politiques. «On a un rituel chaque mardi, on arrête le cours à 16 h 30 et on débat, explique Muriel Jenni-Sakkal. Cela leur permet de voir que rien n’est figé, qu’il faut apprendre à confronter les points de vue.» Ce mardi, une petite dérogation à ces habitudes a eu lieu, dans le cadre de la semaine de la démocratie. Deux intervenants du Centre de politique de sécurité (GCSP) sont venus les initier à un débat de type «Oxford» sur l’objet: «Pandémie: voter ou pas?»Muriel Jenni-Sakkal se tient à l’entrée de la salle et fait entrer ses élèves un à un en pressant la pompe du gel désinfectant au creux de leurs mains jointes. De la documentation leur a été envoyée avant la séance, afin qu’ils puissent se préparer. «Est-ce que le peuple doit avoir le dernier mot en situation de pandémie?» demande Maréva Roduit, du GCSP, en leur rappelant la chronologie de la crise sanitaire en Suisse. «Nous avons été le premier pays au monde à convoquer le peuple aux urnes pour voter une loi en lien direct avec la pandémie.» C’était en juin 2021, lorsque la loi Covid a été acceptée à 60%. À peine ces éléments factuels rappelés, une première session de vote immédiat a lieu. Les votes sont dépouillés secrètement. «Faut pas tricher!» lance un jeune homme.Exercice pratiqueEnsuite, le ping-pong commence dans un format très dynamique. Les deux intervenants du GCSP, Maréva Roduit et Pablo Chaillat ont chacun cinq minutes pour exposer leurs arguments, puis de nouveau cinq minutes de réponse. Maréva maintient que le vote est un moyen d’éviter les scissions – «ce n’est pas au gouvernement de dire du haut ce qu’on doit faire» – et d’atténuer les mouvements contestataires. Pablo pense au contraire que le vote peut diviser, «car les gens votent pour leur propre intérêt. Les restaurateurs auraient voté pour leur réouverture s’ils avaient pu, alors que cela aurait engendré plus de victimes. Le vote exacerbe l’individuel au détriment de la solidarité. Le peuple n’est pas expert et pas toujours à même de voter.» «Le gouvernement non plus n’est pas expert, rétorque Maréva. Il y a eu des manques de cohérence malgré les conseils de la task force.» Pablo renchérit sur les fake news qui nuisent à la «qualité du débat démocratique».C’est au tour des élèves de débattre. Leurs propos dévient assez vite sur le vaccin, lorsqu’un jeune s’interroge sur la question centrale du vote: «Les gens lisent-ils vraiment le livret rouge (ndlr: la documentation de vote)?» Une élève avance que «ça peut rassembler la population de prendre une décision ensemble», mais le jeune revient à la charge et relève que «lorsque les Suisses votent, les non-Suisses sont obligés de subir». Ce à quoi un camarade répond que «les étrangers qui sont venus ici en ont fait le choix, il est normal qu’ils se soumettent aux lois suisses». Une jeune femme relativise: «Je trouve que de toute façon on est experts en rien, donc avec l’argument de l’expertise, «on remet en cause toute la démocratie». L’enseignante intervient pour suggérer que le vote donne une «légitimité» à la situation.Après cet échange vivant mais calme, c’est l’heure du deuxième vote. Les résultats comparés permettent de voir qui a basculé dans l’autre camp après avoir écouté les arguments: au premier vote, il y avait 21 voix pour et 7 contre, au deuxième il y en avait 18 pour et 9 contre. Qui a changé d’avis? «Moi, car les arguments pour n’étaient pas assez bien!» assume en toute franchise un élève. «Moi je reste partagée, confie une autre. Si j’avais eu le choix j’aurais voté blanc.» Certains d’entre eux iront bientôt voter pour de vrai.