Le directeur jeunesse, un expert de la complexité


La secrétaire d’Etat, chargée de la jeunesse, Sarah El Haïry, a fait le déplacement pour honorer le deuxième colloque organisé par le Collectif des directeurs de jeunesse d’Ile-de-France (CDJ-IDF) à Evry-Courcouronnes (Essonne, 67 100 habitants). Un collectif jeune, lui aussi, puisqu’il a été fondé il y a 18 mois, dans l’objectif de mieux cerner le métier de directeur jeunesse et ses évolutions, de le valoriser et, in fine, de mieux répondre aux besoin d’une jeunesse aux facettes multiples. Fort d’une trentaine de membres, le collectif a réussi à mobiliser un bel auditoire d’environ 200 personnes.

Une clause d’impact jeunesse locale

« Je vais travailler, dans les prochains mois, avec les élus locaux qui le veulent sur cette question – développer une clause d’impact jeunesse des collectivités. Une façon de mettre la jeunesse comme priorité dans toutes les transformations », a annoncé la secrétaire d’Etat. Créée en 2016, la clause d’impact jeunesse prévoit d’évaluer les conséquences de chaque nouveau projet de loi ou règlement sur la jeunesse, son cheminement vers l’autonomie, son insertion dans l’emploi, son accès aux services publics. Quelle pourrait être la forme locale de cette clause d’impact ? Impossible de l’imaginer, au vu des propos très laconiques de la ministre.
Le maire d’Evry-Courcouronnes, Stéphane Beaudet (SE, ex-LR), a témoigné : « S’il y a une politique publique où l’humilité est la base de tout, c’est la politique publique en direction de la jeunesse. Elle fluctue rapidement, aux mêmes rythmes que la société. Une politique jeunesse excellente il y a cinq ans est obsolète aujourd’hui. Il faut se réinterroger tous les 2-3 ans. » L’ensemble des participants partageait ce constat : la société évolue vite, la jeunesse encore plus, et les politiques qui lui sont dédiées, les professionnels qui les portent, doivent faire preuve d’une grande adaptabilité.

Une politique partenariale

Face à la multiplication des acteurs des politiques jeunesses, notamment depuis la décentralisation, face également à une logique de dispositifs qui se chevauchent, le directeur jeunesse devient un « expert de la complexité, et de sa gestion administrative », selon l’expression de Jordan Parisse, chargé d’études et de recherche à l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP). « Les directeurs jeunesse sont des acteurs centraux de constructions partenariales, des espèces de courtiers qui jouent un rôle d’intermédiation entre différents intervenants sur le champs de la jeunesse. Ce rôle est relativement impensé, alors qu’il mériterait peut-être un temps plein », a résumé le chercheur.

Le décrochage, un phénomène à plusieurs dimensions

Le Directeur académique des services de l’éducation nationale (DASEN) de l’Essonne, Jérôme Bourne-Branchu, a éclairé un sujet à la mode, entouré d’une certaine opacité – les fameux NEETs, pour les jeunes Ni en emploi, ni en études, ni en formation, que la Stratégie Pauvreté de 2018, ou l’obligation de formation pour les 16-18 ans, ont tenté de cibler. « Plus de trois quart des 27 000 NEETs du département sont diplômés, dont 18,6% de l’enseignement supérieur. Ainsi, la question du décrochage n’est pas seulement une problématique scolaire. C’est aussi une problématique de freins d’accès à l’insertion en général, comme par exemple la mobilité, le logement, les relations avec la famille », a-t-il témoigné.

Quel rôle jouer dans les territoires aisés ?

Cependant – et c’est là toute la difficulté de la démarche qui se veut fédérative du CDJ-IDF – d’un territoire à un autre, d’un quartier à un autre, les jeunes ne se ressemblent pas. « Je suis dans une ville où les jeunes n’ont en quelque sorte pas besoin d’un service jeunesse. Quelle offre concevoir en leur direction ? J’aurais voulu avoir davantage d’exemples concrets, des comparaisons entre territoires opposés, tels la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne », a noté Saïma Pinet, responsable du service jeunesse à Joinville-le-Pont (Val de Marne, 18 860 habitants). Très intéressée par la démarche du collectif, elle n’y a pas encore adhéré. En revanche, elle va répondre au questionnaire que le CDJ-IDF lance dans le cadre d’une Recherche Action, dont l’objectif est de faire un état des lieux du métier de directeur jeunesse.