Depuis 1 mois, Cédric Jubillar est incarcéré à la prison de Seysses et mis en examen pour le meurtre de son épouse Delphine. Son avocat Me Jean-Baptiste Alary répond aux questions de La Dépêche du Midi, expliquant que son client clame toujours son innocence.
Après un mois d’incarcération pour votre client Cédric Jubillar, où en est-on ?
On est dans le temps de l’inaction de la justice.
Ils ont mis en examen et incarcéré quelqu’un depuis un mois. Et à part ordonner son expertise psychiatrique et psychologique, ce qui est traditionnellement le premier acte fait par un juge d’instruction, il ne se passe rien.
On aurait pu faire autre chose ? Aller plus vite ?
On aurait pu l’interroger par exemple.
Quand on met quelqu’un en prison c’est la moindre des choses. On ne peut se permettre au début de l’été d’incarcérer les gens et laisser les choses en attente comme cela pendant plusieurs mois. C’est quelqu’un qui clame son innocence, nous sommes en droit de demander à ce qu’il soit auditionné avant trois mois.
Ce n’est pas normal.
Vous avez fait une demande en ce sens ?
Bien sûr. Mais personne n’y répond.
Donc on attend, et apparemment tout le monde est satisfait de cela. Je ne sais pas comment qualifier cela autrement que comme de la nonchalance. Il est en prison, alors qu’il a fait des déclarations spontanées.
Dans un dossier comme celui-ci, je m’attendais à être convoqué dans les 15 jours qui suivent l’incarcération pour être entendu. C’est quand même un droit d’être entendu par son juge.
Vous l’avez vu il y a quelques jours…
Il continue de maintenir qu’il n’y est pour rien dans la disparition de son épouse.
Son quotidien en prison, à l’isolement, ressemble à quoi ?
Je n’en dirai rien, car cela relève de sa vie privée, et tout le monde a droit à ce qu’on la respecte.
Il reste à l’isolement. Pour quelle raison ?
Si dans l’ordonnance de placement en détention provisoire, on écrit que la détention est l’unique moyen d’assurer la protection du mis en examen, ne pas le mettre à l’isolement aurait été surprenant. Il est donc à l’isolement, mais il va falloir admettre à un moment qu’il puisse avoir des contacts avec d’autres personnes, des proches par exemple.
Je ne dis pas qu’aujourd’hui ça soit fondamentalement interdit, je dis simplement qu’il lui faut pour cela un permis de communiquer délivré par les juges. On leur a envoyé des courriers il y a un certain temps, ils ne répondent pas. S’ils sont aussi prompts à répondre aux demandes de parloir de Cédric Jubillar qu’à répondre aux courriers qui sont adressés par ses avocats, on a du souci à se faire.
J’ai écrit pour une raison relativement importante, et on ne me répond pas. Je ne dis pas qu’il ne voit personne, je dis que si les courriers de Cédric sont traités comme les miens, je comprends qu’il ne voit personne.
Ce que vous demandez maintenant, c’est d’être reçu dans les meilleurs délais ?
Il est incarcéré depuis un mois.
Il faudrait quand même envisager de l’auditionner. Il a répondu largement à toutes les questions des enquêteurs. Maintenant qu’il a été placé en détention, il est en droit de demander à répondre aux questions des juges.
Ce sont les juges qui l’ont arrêté, qui l’ont mis en examen. C’est à eux de reprendre l’instruction. Mais il ne se passe rien.
Pour eux, ils ont trouvé leur coupable. Alors pourquoi aller plus loin, pourquoi même l’auditionner, pourquoi se creuser la tête ? Autant le juger sur la place publique comme c’est le cas en ce moment, avec tout ce qui peut sortir chaque jour…
Cette décision de la chambre de l’instruction de le maintenir en détention a-t-elle eu un grand impact sur lui ? Est-il démoralisé ?
On est quand même assez lucide. Me Martin, Franck, et moi-même, avons l’habitude de ce type de dossier.
Une libération à ce moment-là, je ne dis pas qu’elle relevait du miracle, mais aurait été une décision très forte de la chambre de l’instruction. Ce n’était peut-être pas le moment. C’était peut-être un peu tôt.
On était à quelques jours de l’interpellation, de la garde à vue. On aurait pu penser qu’avec cette détention, certaines vérifications seraient faites, qu’on l’aurait interrogé de nouveau. Mais cela fait un mois, et il ne se passe rien.
Il n’y a plus d’investigations, pas de commission rogatoire etc. C’est le néant total.
Une demande de remise en liberté a de nouveau été déposée ?
Non.
Nous réfléchissons au timing. Une demande en ce sens aujourd’hui nous conduirait devant la chambre de l’instruction dès maintenant, devant des magistrats vacataires, qui remplaceraient au moins partiellement les magistrats qui connaissent le dossier Jubillar. Un magistrat vacataire se retrouverait 4 jours avant l’audience avec 10 tonnes de dossier… Ce serait contre-productif.
On préfère donc attendre encore un peu, pour avoir affaire à des magistrats qui sont déjà au fait du dossier.
Pendant la demande de remise en liberté, vous avez disséqué le dossier, tenté de contrer les arguments du procureur, et surtout tenté de soulever d’autres pistes que vous considérez comme trop facilement mises de côté. Avez-vous trouvé d’autres éléments exploitables à présenter encore ?
ce qui impliquerait un rôdeur déjà connu de la justice.
De cette façon, on écarte les primo-délinquants ! Mais pour être récidiviste, il faut au moins être passé à l’acte une fois et surtout avoir été condamné. Donc cela signifierait que c’est quelqu’un qui est déjà connu de la justice, et pour des faits de nature sexuelle. Mais qui a dit que Delphine Jubillar a été violée ? Qui a dit qu’elle a croisé la route d’un pervers sexuel ? Qui a dit cela ? Personne ! Et de plus on interroge le Fijais, mais on se limite aux personnes qui résident dans le Tarn, comme si c’était une île ? Voilà comment on écarte la piste du rôdeur.
On n’a même pas étendu les recherches à la région.
Une impression après un mois que la pression est retombée ?
parce qu’on sait que ce combat-là sera perdu
Tout ce dossier ne tient pas devant une cour d’assises. Donc je leur demande d’utiliser la même énergie qu’ils utilisent pour salir cet homme, Cédric Jubillar, qu’à la recherche de la vérité. C’est ça leur travail.
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