Dix ans depuis la défaite de la grève étudiante au Québec – Leçons vitales pour aujourd’hui


Cette manœuvre politique pour désamorcer une situation sociale explosive dépendait avant tout de la complicité de la bureaucratie syndicale et de ses principaux alliés politiques: Québec Solidaire et la CLASSE (Coalition large de l’association pour une solidarité syndicale étudiante).

Ayant travaillé dès le début pour isoler les étudiants du mouvement plus large de la classe ouvrière contre l’austérité, ces forces dirigèrent tous leurs efforts à porter le coup de grâce – le sabotage de la grève étudiante et son détournement dans un cul-de-sac électoral. Déterminée à mettre fin à l’opposition sociale grandissante, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), avait déjà lancé à la fin mai son slogan : «après la rue, les urnes». Comme fausse alternative aux libéraux de Charest, les chefs syndicaux et leurs alliés mettaient de l’avant le Parti québécois (PQ) – l’autre parti de gouvernement au Québec depuis les années 1970 et un ennemi tout aussi féroce des étudiants et des travailleurs.

Dix ans depuis la défaite de la grève étudiante au Québec – Leçons vitales pour aujourd’hui

La victoire électorale subséquente du PQ, qui exprimait avant tout l’immense opposition populaire au gouvernement Charest, fut saluée comme une «victoire» de la grève étudiante, voire une grande avancée sociale, par les associations étudiantes, les syndicats et leurs acolytes de la pseudo-gauche tels que La Riposte socialiste.À peine élue, la cheffe péquiste Pauline Marois allait imposer sa propre hausse des frais de scolarité, intensifier les mesures d’austérité capitaliste et mener une virulente agitation anti-musulmane – un modèle qui serait suivi par une série de gouvernements chauvins de droite au Québec et au Canada.Conformément à leur longue suppression de la lutte des classes, les syndicats pro-capitalistes sont intervenus tout au long du conflit pour empêcher que la grève étudiante se transforme en contre-offensive de la classe ouvrière contre le capitalisme pourrissant.

La défaite de ce mouvement allait ensuite ouvrir la voie, dans la décennie suivante, au tournant marqué à droite de toute l’élite dirigeante canadienne. Les causes objectives de la grèveLa grève a été lancée par un bloc constitué d’une part des fédérations collégiales et universitaires du Québec (FECQ et FEUQ), proches du PQ, et d’autre part de la CLASSE, qui se présentait comme l’aile «radicale» du mouvement et allait vite en prendre la direction.L’objectif immédiat de la vaste mobilisation étudiante était de contrer le «dégel» des frais de scolarité post-secondaire annoncé par le gouvernement Charest.

Mais l’atteinte de cet objectif signifiait une remise en question de toute la stratégie de classe de la bourgeoisie. En effet, le maintien (ou «gel») des frais de scolarité post-secondaire dans la province à un niveau abordable constituait un acquis des luttes sociales militantes du passé que la classe dirigeante était déterminée à éliminer dans la phase finale de son démantèlement de l’État-providence. D’où l’intransigeance du gouvernement Charest à enlever, malgré une immense opposition sociale, toute restriction à la hausse du coût des études collégiales et universitaires.

De plus, il était déterminé à tracer un exemple sur les étudiants contestataires pour intimider toute opposition à son programme de démolition sociale.Une manifestation étudiante en février 2012 La lutte des étudiants contre le «dégel» ne pouvait aller de l’avant que dans le cadre de l’opposition plus large de la classe ouvrière à l’assaut frontal de la classe dirigeante sur l’éducation, la santé et tous les services publics. Comme le soulignait le Parti de l’égalité socialiste (PES) dès le mois de février :

La grève étudiante, toutefois, ne peut réussir que si elle devient le fer de lance d’une vaste contre-offensive de toute la classe ouvrière.

Pour ce faire, elle doit dépasser le stade d’une simple protestation contre une mesure en particulier. Les étudiants doivent se tourner consciemment vers les travailleurs, la seule force sociale capable d’offrir une alternative progressiste à un système de profit qui condamne une majorité à plus de chômage et de pauvreté.

Nous expliquions un mois plus tard, le 16 avril 2012 :

Un tournant vers les travailleurs signifie avant tout la lutte pour la mobilisation politique indépendante de la classe ouvrière.

Cette mobilisation se fera en opposition aux appareils syndicaux sclérosés et aux partis politiques bourgeois comme le PQ ou Québec Solidaire, et sur la base du programme socialiste de l’égalité sociale.

injonctions Historiquement appuyé par les syndicats du Canada anglais et traditionnellement peu influent dans la politique québécoiseDes dizaines de milliers d’étudiants et leurs partisans manifestant en juillet 2012 à MontréalC’est ce qui allait être démontré seulement trois ans plus tard