Dix questions à… julie gascon


Tous les vendredis, une personne du milieu des affaires se dévoile dans notre section. Cette semaine, Julie Gascon, présidente-directrice générale du Port de Montréal, répond à nos questions.

Mis à jour le 12 juillet

Quel mot ou expression ne pouvez-vous plus supporter ?

C’est tout ce qui a trait à décaler une réponse dans le temps, comme « Nous étudions présentement la question, nous vous reviendrons plus tard ».

Je suis une personne d’action, très proactive. Pour moi, c’est important qu’on ne reporte pas l’opportunité de donner la bonne information au bon moment.

Y a-t-il un moment où votre carrière a franchement changé de cap ?

J’ai changé de cap quand je suis passée d’un poste opérationnel et technique à une carrière de gestionnaire et de haut dirigeant dans la fonction publique.

J’avais débarqué des navires en 2005, on était en 2007. J’étais inspecteur maritime principal, et je faisais souvent l’intérim pour le gestionnaire du Bureau de la sécurité.

Je me suis rendu compte que je ne comprenais pas bien la machinerie de gouvernement. Alors j’ai posé ma candidature pour un poste de coordination pour le plus gros bureau de sous-ministre adjoint à Transports Canada.

Et là, j’ai pédalé, pédalé pour comprendre comment on avançait les décisions, comment bien construire une note de breffage ou une présentation, travailler avec les directeurs généraux.

Avez-vous un objet préféré sur votre bureau ?

C’est un fanion sur le mur derrière mon bureau. Quand je suis devenue la commissaire adjointe de la Garde côtière canadienne à Montréal, c’était le pavillon qui était hissé lorsque j’embarquais sur un bateau de la Garde côtière.

Il y a aussi la médaille du Commissaire de la Garde côtière que j’ai reçue pour souligner ma carrière et le travail que j’avais fait au sein de la Garde côtière canadienne. Ça m’avait vraiment fait chaud au cœur et elle est sur mon mur avec moi.

Qu’est-ce qui fait un bon capitaine (de navire ou d’industrie) ?

Ce qui caractérise un bon commandant ou un bon chef de département sur un navire, c’est d’être toujours en mode de mentorer les gens sous lui. Il prend les gens et leur dit : tu vas faire accoster le navire, je vais être à côté de toi, je vais t’appuyer. C’est quelqu’un qui donne l’opportunité à son équipage d’être au premier plan.

Pour moi, c’est ce qui fait un bon commandant de navire, mais c’est aussi ce qui fait un bon PDG.

Quel livre ou film aimez-vous recommander ?

Je suis une fan finie de science-fiction. Je peux regarder Star Trek Voyager en boucle, avec la capitaine Janeway et la cheffe ingénieure B’Elanna, deux femmes à bord d’un navire spatial.

Ce qui m’a donné la piqûre, c’est Isaac Asimov. Je les avais tous lus quand j’étais plus jeune.

Quelle est la plus grosse tempête que vous ayez eu à affronter (au sens propre ou figuré) ?

On était en 2005. On faisait des relevés scientifiques dans le Pacifique à partir de Victoria. La dernière station était à 55° nord de latitude, à peu près à la même longitude que Hawaii. Ça faisait plusieurs jours qu’on avait une très grosse mer. On avait mis le cap au sud parce que c’était impossible de continuer vers l’ouest en raison des vagues immenses qui nous frappaient par bâbord.

Il y avait eu une accalmie et le capitaine avait remis le cap à l’ouest pour que le chef scientifique puisse continuer ses stations.

Quand j’ai pris mon quart à la timonerie à 23 h 30, ça avait recommencé à brasser. J’ai mis mon timonier à la barre et on a enlevé le pilote automatique. Je regardais du côté bâbord et j’avais la frousse de voir arriver une grosse vague.

Je ne sais pas si vous avez déjà entendu parler des trois sœurs. Ce sont trois immenses vagues qui frappent à l’improviste. J’ai vu les moutons blancs arriver, plus hauts que la timonerie. J’ai dit à mon timonier : tout à bâbord !

On a pris une gîte de près de 40 degrés. On a brisé du matériel, j’ai continué à tourner pour la deuxième vague, et on était de face pour la troisième. Tout le monde était réveillé à bord !

Quelles sont votre meilleure habitude et votre pire habitude ?

Je suis végane, ce qui fait que j’ai de très bonnes habitudes alimentaires. Mais je suis incapable de ne pas manger de chips. Et de temps en temps, quand je suis bien fatiguée, je bois un Rockstar [une boisson énergisante]. Des chips avec un Rockstar, c’est mon péché mignon.

Que faites-vous quand vous avez besoin de trouver une idée ?

Je m’assois avec ma gang et je jase ! J’ai une super équipe autour de moi avec des profils différents. Quand j’ai une idée, ça va mijoter, mais c’est en discutant que j’arrive à placer les éléments. Mon père et ma mère disaient toujours : « Julie place sa tête ». Ensuite, j’aime coucher les idées par écrit, travailler sur un premier jet après en avoir discuté.

Quel conseil donneriez-vous à la version plus jeune de vous ?

Je suis la 10e femme au Canada à avoir obtenu ma certification de capitaine au long cours. Quand vous travaillez dans un milieu à prédominance masculine, vous avez tendance à adopter des comportements pour être toujours la meilleure.

Je dirais à ma version plus jeune : sois toi-même. Accepte-toi telle que tu es. Parce que c’est épuisant d’être quelqu’un qu’on n’est pas.

En étant toi-même, tu vas apporter quelque chose de nouveau à l’équipe, une approche différente à une problématique.

Je dirais à la plus jeune moi : sois toi-même plus vite. Tu vas être moins fatiguée.

Votre plus grande réussite sportive ?

Je suis une judokate. Mon père avait été posté à Paris alors que je venais de faire l’équipe canadienne. Toute la famille a déménagé. J’ai été admise aux camps d’entraînement français et j’avais le droit de faire les tournois open. J’en ai gagné plusieurs, mais il y en a un où je suis arrivée deuxième derrière une Hollandaise. Elle m’avait battue au premier combat, j’étais allée au repêchage et j’avais remonté toute la ligne pour terminer contre elle en finale. Elle a gagné par décision… et je ne suis pas sûre qu’elle ait gagné !

J’avais subi des brûlures au deuxième degré sur le tapis, elle m’avait cassé deux orteils, je m’étais démis une épaule… Je suis allée jusqu’à la fin du combat, et ma médaille d’argent, je l’avais méritée. Je l’avais méritée très fort.

Note : cette conversation a été remaniée pour fins de concision.

Qui est Julie Gascon ?

  • Originaire de Montréal, Julie Gascon est diplômée du Collège de la Garde côtière canadienne et titulaire d’un baccalauréat technologique en sciences nautiques du Collège universitaire du Cap-Breton, obtenu en 1998.
  • Elle détient également un baccalauréat en administration des affaires de l’Université de Montréal.
  • Elle a navigué à bord des navires de la Garde côtière canadienne jusqu’en 2005 et a passé 15 années de plus dans l’organisation par la suite.
  • Depuis le 12 février 2024, elle est présidente-directrice générale de l’Administration portuaire de Montréal (APM).