Le docteur Blanchon, à Orléans, de retour devant les juges : la même peine requise en appel


Le 2 septembre 2021, le tribunal correctionnel d’Orléans condamnait le docteur Jean-Marc Blanchon pour faux et escroquerie, à deux ans de prison avec sursis, interdiction d’exercer son métier durant un an, ainsi qu’une amende et des dommages et intérêts s’élevant à un total de 640.000 euros.

Le médecin orléanais avait fait appel.

Le docteur Blanchon, à Orléans, de retour devant les juges : la même peine requise en appel

Une « méga-activité »

L’affaire était étudiée ce lundi 26 septembre par la cour d’appel d’Orléans. Le docteur Blanchon, généraliste dans le quartier de l’Argonne, est soupçonné d’avoir réalisé, de 2015 à 2020, des feuilles de soins pour des consultations fictives, soins réglés par la Caisse d’assurance maladie.

Le docteur s’est vu reprocher de nombreuses irrégularités, auxquelles il a tenté de répondre pied à pied.

Sur la question du planning tout d’abord. « La CPAM relève une méga-activité, avec des journées à plus de 90 patients, voire plus de 130, soit quatre minutes par patient », pointe la présidente.

« Je travaille vite, parce que je n’ai pas de rendez-vous, d’agenda ou de dossiers médicaux. Je reçois mes patients moins longtemps, mais je ne passe par ce temps sur mon ordinateur. J’ai la prétention d’être un bon médecin. En trente ans de carrière, je n’ai jamais eu de problème pour faute grave. »

Jean-Marc Blanchon (Prévenu)

Sur des jours s’étendant de 8 à 21 heures sans pause déjeuner, c’est tout à fait possible, assure-t-il.

Dans la salle d’attente du docteur Blanchon

320 kilomètres, onze visites et 91 consultations en un jour

Se posent alors deux questions. D’abord, l’effectivité de consultations aussi brèves, mise en doute par l’ordre des médecins (qui s’est porté partie civile).

Deuxièmement, l’impossibilité de ces journées. Comme ce jour où il a déclaré 320 kilomètres de frais kilométriques, onze visites et 91 consultations. Ou cet autre jour à 177 patients.

« Vous vous doutez bien que c’est impossible. Je n’ai jamais dépassé 120, et seulement les grosses journées. Mais des fois, si je suis exténué un soir après 90 patients, j’attends le lendemain pour envoyer les cartes vitales », explique-t-il. « On pourrait vous entendre, mais vous voyez parfois plus de 130 patients plusieurs jours d’affilée », questionne la présidente.

Qui pointe par ailleurs que la géolocalisation de son portable indique qu’il quittait plus souvent son cabinet à 19 h 30 qu’à 21 heures.

Dans le sud à l’heure des consultations ?

La géolocalisation, comme l’usage de sa carte bleue, le montrent également dans le sud, ou dans des aéroports, à l’heure où il déclare des consultations. « C’est impossible, voyons. Mon frère, qui vit sur la Côte d’Azur, utilise ma carte bleue. Et je n’ai pas fait d’actes à l’aéroport  : ce qui est apparu à ces dates, ce n’est pas mes consultations, mais le traitement des dossiers. »

Le docteur Blanchon est également interrogé sur les frais kilométriques multiples pour une visite dans une même famille. « Je ne savais pas que ce n’était pas autorisé. J’avais même posé la question à la CPAM », indique le prévenu.

« Ça ne vous paraît pas étrange ? Les frais kilométriques, c’est pour indemniser le coût du déplacement. »

Myriam de Crouzy-Chanel (Présidente de la cour)

Le désert médical comme contexte

Elle cite les patients indiquant ne pas avoir eu de rendez-vous les jours où une consultation était enregistrée. « Des années après, on ne se souvient pas des rendez-vous qu’on a eus », riposte-t-il. Son avocate le soutient en citant la pétition signée par 3.000 patients  : « Laissez-le nous, c’est mon médecin traitant ».

« On est dans un désert médical. Si vous ne le relaxez pas, au moins, ne l’empêchez pas d’exercer  !  »

Magalie Castelli-Maurice(Avocate de Jean-Marc Blanchon)

« Il ne peut pas en voir 120 par jour »

« Individuellement, certaines de ses explications pourraient être exactes, admet le ministère public. Ça pourrait expliquer une majoration de son activité de 5 ou 10 %. Mais ça ne peut pas expliquer qu’il pratique quatre fois le volume des médecins alentour. »

Bruno Amouret (Avocat général)

Avec le revenu qui va avec.

Et de pointer que ses propres patients évoquent des consultations de dix à vingt minutes. « Ça fait de lui un bon médecin qui écoute ses patients. Mais alors il ne peut pas en voir 120 par jour. » D’où fraude. Le ministère public demande donc confirmation de la peine décidée en première instance.

La cour rendra sa décision le 15 novembre.

Caroline Bozec