comment l’écologiste Marine Tondelier s’est imposée comme « une nouvelle tête à gauche » durant la campagne


Connue pour sa lutte contre l’extrême droite dans le Pas-de-Calais, la militante à la veste vert pomme s’est placée au centre du jeu pour empêcher le RN d’arriver au pouvoir. « De quoi Jordan Bardella a-t-il peur ? » A quelques jours du second tour des élections législatives anticipées, la question d’un débat entre les leaders politiques des différentes forces en présence anime la campagne. Tandis que le Nouveau Front populaire avait prévu d’envoyer Marine Tondelier, la secrétaire nationale des Ecologistes-EELV, le président du Rassemblement national a souhaité, lui, affronter l’insoumis Jean-Luc Mélenchon.

« Très manifestement, il a un problème avec les femmes. Il dit les défendre, mais quand il faut passer de la parole aux actes, ça a l’air, comme on s’en doutait, beaucoup plus compliqué », a jugé la cheffe de file écologiste dans Libération, soutenue par un collectif de féministes dans une tribune publiée par le même journal. Devant « l’impossibilité de monter un débat », BFMTV a donc finalement organisé une « émission spéciale » dans la soirée du mercredi 3 juillet. Pas d’affrontement au programme, mais une prise de parole d' »une heure chacun » pour Gabriel Attal, Marine Tondelier et Jordan Bardella, précise la chaîne d’information en continu sur son site.

Cette participation illustre une tendance engagée depuis quelques semaines : l’écologiste s’est imposée à gauche comme l’une des figures de la campagne. Cette ancienne assistante parlementaire de Cécile Duflot, directrice de campagne d’Eric Piolle, le maire de Grenoble, pendant la primaire écologiste et porte-parole de Yannick Jadot à la présidentielle a été élue à la tête d’Europe Ecologie-Les Verts en décembre 2022. Mais après le revers des européennes 2024, où la tête de liste Marie Toussaint a péniblement atteint 5,5%, « elle a su nous placer à nouveau dans une position de prescripteur pour ces législatives », se félicite l’eurodéputé écologiste David Cormand. Pas étonnant toutefois, d’après Simon Persico, professeur en sciences politiques à Sciences-Po Grenoble : « Les verts ne représentaient pas une force menaçante, ils ne pouvaient se permettre aucune prétention dans les négociations pour les circonscriptions. Ils avaient donc une facilité à jouer le rôle de médiateurs. »

Dès l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale, au soir du résultat des européennes, Marine Tondelier a « joué le rôle de la synthèse et du rassemblement », salue Marie Toussaint, tête de liste des Ecologistes aux européennes. Le 9 juin au soir, Marine Tondelier prend ainsi l’initiative d’appeler « tous les chefs de parti progressistes à se réunir ». « L’heure est trop grave pour perdre des heures à se déchirer », défend-elle sur le réseau social X.

« Très vite, elle a souhaité qu’on avance à quatre [avec La France insoumise, le Parti socialiste et le Parti communiste français]. Elle s’est montrée très déterminée. » David Cormand, eurodéputé écologiste à franceinfo

Pari réussi : le lendemain, elle officialise l’accord dans la soirée depuis le siège parisien des Ecologistes. « Tout le monde nous donnait pour morts, déclare-t-elle. Vingt-quatre heures après [la dissolution], on annonçait la création du Front populaire devant notre local, avec tout le monde qui était progressivement venu discuter à l’intérieur. Les bons contacts de confiance qu’on avait avec les uns et les autres ont compté », se félicite l’écologiste, seule femme parmi les chefs de parti de l’alliance de gauche.

Son début de campagne est également apprécié au sein du milieu associatif. Elle est « très à l’écoute », remarque Anne Bringault, directrice des programmes au Réseau action climat. « C’est la seule représentante politique qui ait pris contact avec nous, en tout début de campagne, pour échanger sur le programme. »

Dès lors, elle incarne « une nouvelle tête à gauche, avec un registre de communication original, oscillant entre la gravité du moment et sa manière directe de présenter ses idées », décrit Simon Persico. Elle joue collectif, pour « faire front » face au Rassemblement national. Une stratégie qui lui est familière : Marine Tondelier s’est forgée politiquement à Hénin-Beaumont, dans le Pas-de-Calais, fief de Marine Le Pen, où elle se bat dans l’opposition municipale depuis dix ans, comme elle le raconte dans son livre Nouvelles du front, publié en 2017. Toujours domiciliée dans la même ville, elle a combattu à plusieurs reprises Marine Le Pen aux législatives, sans succès, notamment en 2022. Refusant de « déserter » la circonscription, elle s’est présentée dimanche 30 juin comme suppléante de Samira Laal, la candidate socialiste investie par le Nouveau Front populaire, battue dès le premier tour face à Marine Le Pen. « Elle tient bon face à l’extrême droite depuis des années. Ça lui a tanné le cuir », salue sa collègue Marie Toussaint.

« Elle sait ce que c’est les opérations de désinformation, les attaques indécentes, le projet de l’extrême droite… Dans ce moment extrêmement grave qu’on traverse, elle perçoit le danger et sait y résister. » Marie Toussaint, eurodéputée écologiste à franceinfo

Une expérience qui rend ses interventions face à l’opposition « claires et solides », selon ses soutiens.

A quelques jours du premier tour, Marine Tondelier veut clore le débat autour de Jean-Luc Mélenchon : selon elle, le fondateur de La France insoumise « n’est pas le leader du Nouveau Front populaire et il ne sera pas Premier ministre ». Dans la foulée, le mercredi 26 juin, elle appelle les chefs de partis du camp macroniste à accepter un « désistement républicain » afin de battre le Rassemblement national au second tour, rappelant que ses candidats feront de même en pareil cas.

« C’est une des premières qui a dit ces deux affirmations, qui se sont avérées partagées, mais qui étaient alors encore incertaines. Ça a clarifié et facilité la suite. » Simon Persico, professeur en sciences politiques à franceinfo

Depuis le début de la campagne, Marine Tondelier s’est également imposée comme une figure médiatique, vêtue de sa veste vert pomme. Au soir du premier tour des législatives, sur le plateau de France 2 ou place de la République, elle répète face caméra le triptyque « ne jamais baisser la tête, ne jamais baisser les yeux, ne jamais baisser les bras » face à l’extrême droite.

Le lendemain, elle s’exprime sur France Inter, la voix cassée par l’indignation, pour dénoncer « le comportement de lâche et de privilégié » de Bruno Le Maire, le ministre de l’Economie, qui venait de s’opposer au désistement républicain pour un candidat insoumis face au RN. « Est-ce que le RN a la possibilité d’être en majorité absolue à l’Assemblée nationale ? La réponse est oui. Est-ce que LFI a la capacité d’être en majorité absolue à l’Assemblée nationale ? La réponse est non », rappelle-t-elle. Au fil de la campagne, Marine Tondelier « s’est densifiée, elle a accru sa notoriété », observe Simon Persico. 

Pour occuper un rôle plus important dans le paysage politique français à l’avenir ? Il faudra pour cela résoudre certains désaccords au sein de son propre parti. Alors que Marine Tondelier semblait ouverte sur TF1 à l’idée d’une « majorité plurielle » proposée par Gabriel Attal, la députée écologiste Sandrine Rousseau a offert une tout autre perspective sur France 2, en affirmant : « Je ne veux pas trahir les électeurs. » De quoi ternir le tableau de famille. Dans Libération, Marine Tondelier a préféré remiser cette question à l’après-7 juillet : « Il ne sert à rien de passer trop de temps cette semaine à spéculer. (…) C’est une histoire qui s’écrit à partir du 8 juillet. »