, le 26 décembre 2021
Une troisième dose est-elle efficace contre Omicron?
Face au nouveau variant, deux doses ne suffisent plus mais une troisième piqûre semble restaurer les défenses immunitaires. C’est ce qu’indiquent les remontées de terrain en provenance d’Afrique du Sud ou du Royaume-Uni. « La dose de rappel diminue d’environ 70% le risque de faire une forme grave après une infection par Omicron, contre 97% face à Delta », affirme le professeur Olivier Schwartz, directeur de l’unité virus et immunité à l’Institut Pasteur.Ces données rejoignent l’expérience en laboratoire qu’il a coordonnée pour l’Institut Pasteur, prépubliée le 15 décembre : cinq mois après deux injections de Pfizer-ÂBioNTech ou d’AstraZeneca, le sang des patients ne parvient plus à contrer Omicron. Une troisième dose permet de relancer cette protection mais, en comparaison avec Delta, il faut 5 à 31 fois plus d’anticorps pour neutraliser ce mutant.
Pour combien de temps?
C’est la grande inconnue. Par rapport aux deux premières injections, la troisième piqûre est censée conférer une Âprotection durable. « Un mois après la dose de rappel, on observe environ dix fois plus d’anticorps qu’un mois après la deuxième dose, développe Olivier Schwartz. C’est ce qu’on appelle la maturation du système immunitaire : les lymphocytes B, qui produisent les anticorps, deviennent de plus en plus efficaces. comment le gouvernement veut éviter la paralysie de la France face à la vague OmicronEn stimulant ces « cellules mémoires », la troisième dose permet de dynamiser quantitativement et surtout qualitativement les défenses immunitaires. « Mais on ne sait pas encore pendant combien de temps elle sera fonctionnelle », reconnaît Olivier Schwartz. Même aveu du côté de Stéphane Paul, immunologue au CHU de Saint-Étienne et membre du comité scientifique sur les vaccins : « En immunologie, on sait qu’une fois atteint un plateau l’immunité descend moins vite. Est-ce qu’il sera atteint avec la troisième dose ? Personne ne le sait. »Dans un rapport paru jeudi, l’agence sanitaire britannique livre un élément de réponse. Après un rappel avec Pfizer, l’efficacité contre les formes symptomatiques d’Omicron est évaluée à 70% environ. Mais cette protection chute à 45% au bout de dix semaines. Avec un « boost » de Moderna en revanche, elle se maintient autour de 70 à 75%.
Devra-t-on se faire piquer tous les six mois?
Faut-il raccourcir le délai avant le rappel?
Vendredi, suivant l’avis du Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale, le gouvernement a choisi de réduire le délai minimum entre la deuxième et la troisième dose à quatre mois, quand la Haute Autorité de santé recommandait un espacement de trois mois.Ce choix cache un dilemme. En théorie, « il ne faut pas trop réduire l’intervalle entre le schéma initial et le rappel », affirme Stéphane Paul. Rapprocher la deuxième et la troisième dose, c’est prendre le risque de ne pas générer assez de cellules mémoires. À l’inverse, attendre reviendrait à laisser une frange de la population à la merci d’Omicron, très infectieux. « On est dans une course permanente, résume l’immunologue. Il faut maintenir des taux d’anticorps chez tout le monde pour qu’ils ne s’infectent pas. Ce n’est pas la meilleure stratégie immunologique, mais c’est la meilleure stratégie de santé publique. »
Faudra-il un vaccin adapté au nouveau variant?
Il n’y a « pas encore de réponse » à cette question, a estimé la directrice de l’Agence européenne des médicaments mardi. Pour Stéphane Paul, tout dépendra de l’ampleur et de l’allure de la vague Omicron. « Si elle redescend rapidement et que le virus est moins sévère, comme le suggèrent quelques données, il n’y aura probablement pas besoin de vaccin spécifique », explique-t-il. Pfizer-BioNTech se dit en mesure de livrer les premières doses ciblées en mars. Moderna, AstraZeneca ou encore Johnson & Johnson et Novavax ont tous annoncé qu’ils travaillaient à une nouvelle version de leur produit.
Pourquoi faut-il plus d’injections qu’avec d’autres vaccins?
Le schéma en trois doses est courant. C’est le cas des vaccins contre l’hépatite B, contre les pneumocoques et, dans certains cas, contre les papillomavirus humains. Celui contre la grippe, lui, est adapté chaque année. D’autres vaccins ne nécessitent qu’une dose, comme le BCG, ou deux, comme celui contre la rougeole. Avec le Covid-19, la technique vaccinale utilisée diffère : l’ARN messager provoque une réponse immunitaire dirigée contre la protéine spike du virus.Or cette production d’anticorps ralentit avec le temps, et le Sars-CoV-2 mute, particulièrement autour de la protéine spike. Enfin, « le Covid-19 touche principalement les personnes âgées, qui répondent moins bien aux vaccins quels qu’ils soient », ajoute Stéphane Paul.
Multiplier les rappels, est-ce dangereux?
Douleur au bras, fatigue, fièvre… Les effets indésirables répertoriés après un rappel sont légers et similaires à ceux des injections précédentes. Avec une troisième dose de Pfizer-BioNTech comme avec Moderna, « aucun signal spécifique n’a été identifié », rapporte l’Agence nationale de sécurité du médicament dans son dernier suivi. « Les effets secondaires n’augmentent pas avec la dose de rappel, rassure Olivier Schwartz. Il n’y a pas de raison de penser que ce serait le cas avec des doses Âsupplémentaires. »
Les rappels permettront-ils d’en finir avec la pandémie?
Non, martèle l’Organisation mondiale de la santé. Mercredi, son directeur général, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a averti : « Aucun pays ne pourra se sortir de la pandémie à coups de doses de rappel. » À l’enjeu de l’acceptation vaccinale s’ajoute la fracture Nord-Sud, qui favorise l’apparition de mutants.Selon Our World in Data, seuls 8,26 % des habitants des pays pauvres ont reçu au moins une dose, contre 75,75 % des habitants dans les pays riches. Une stratégie contre-productive, prévient Stéphane Paul : « Tant que l’on n’aura pas protégé une large partie de la population mondiale, on aura des vagues successives et on va s’enfermer dans un schéma où l’on vaccine tous les six mois en espérant que le virus mute et se sacrifie lui-même. »