Emeutes  : LR ou le pari de la « radicalité gestionnaire »


La droite fait parfois penser au diable de Tasmanie Taz, ce personnage de dessin animé qui tourbillonne sur lui-même dans un mouvement permanent. Les Républicains (LR) rivalisent d’idées pour répondre aux émeutes urbaines qui ont frappé la France après la mort de Nahel. Construction de nouvelles places de prison, majorité pénale à 16 ans, retour des peines planchers… LR a exposé jeudi 6 juillet son « plan pour restaurer l’ordre public », une vingtaine de mesures à tonalité sécuritaire.

« L’Etat doit apporter une réponse à la hauteur du chaos que nous avons traversé. Toute tiédeur sera perçue comme de la faiblesse et ne pourra que nourrir davantage le désordre », lançait le président de LR Éric Ciotti au siège du parti.A droite, on récuse tout lien entre la « situation sociale » dans les quartiers populaires et les scènes de violences.

Pas question de parler de politique de la ville ou de chômage. Les Républicains revendiquent une approche régalienne de la crise articulée autour du retour de « l’autorité ». Cette réponse sécuritaire a une teinte identitaire.

A rebours de l’exécutif, LR établit un lien direct entre les troubles et l’immigration. « Les Français savent qui étaient au cœur des émeutes », assume Éric Ciotti. Découlent de cette analyse plusieurs propositions, comme le rétablissement de la double peine ou la déchéance de la nationalité des criminels binationaux.

« Régression vers les origines ethniques »

Cette lecture identitaire s’exprime avec virulence. Le patron des sénateurs LR Bruno Retailleau a déploré mercredi 5 juillet une « régression vers les origines ethniques » de certains Français auteurs de violences. « Vous allez me dire que la plupart des gens arrêtés sont Français.

Mais ça ne veut plus rien dire aujourd’hui. Ils sont comment Français ? », lançait le même jour la sénatrice Jacqueline Eustache-Brinio à Gérald Darmanin lors de son audition par la chambre haute. Une thèse s’esquisse : le sentiment d’appartenance à la communauté nationale n’étreindrait pas certains citoyens Français, en guerre contre leur propre pays.

La véhémence de la droite est à la hauteur de son défi. Elle tente de se libérer de l’éternel étau formé par la Macronie et le RN. Pas évident.

L’exécutif s’est posé dès le début des émeutes en garant de l’ordre républicain, se gardant de toute complaisance envers les violences. L’extrême droite, première force d’opposition, est le réceptacle naturel de la colère populaire. 50 % des Français jugent que Marine Le Pen sort renforcée de la séquence, selon un sondage Elabe publié par BFMTV.

20 % des sondés font cette analyse pour LR. « Elle n’a rien besoin de dire et se met en stature présidentielle. Nous sommes obligés d’être présents », note le député de la Loire Antoine Vermorel-Marques.

Cette « présence » relève d’une stratégie double. Par sa fermeté, la droite se met à distance d’un macronisme jugé faible sur le régalien. Par son professionnalisme, elle compte se distinguer d’un RN aux compétences suspectes.

Éric Ciotti a assuré jeudi que « les textes de loi » mettant en musique ses mesures étaient « prêts ». LR a déjà déposé une proposition de loi visant à suspendre les allocations familiales aux parents d’élèves absentéistes, ainsi qu’à ceux dont les enfants ont commis des actes de violences.

Face au RN, l’atout de la compétence

LR, ou la radicalité gestionnaire.

Cette stratégie a été mise en œuvre en mai, lors du dépôt de deux textes sur l’immigration. Éric Ciotti confiait alors à L’Express : « On propose un texte dont nul ne peut contester le sérieux juridique. Je ne suis pas sûr que le RN puisse faire le dixième de ce que l’on a fait en termes de qualité de travail. »

En mai 2021, le député des Alpes-Maritimes – qui revendique des divergences économiques avec Marine Le Pen – évoquait déjà une « capacité à gouverner et une histoire différente » pour souligner la différence entre son parti et le RN. La digue avec l’extrême droite n’est plus morale, mais technique. Et qu’importent les accusations de collusion avec ce camp : l’état-major de la droite les balaie comme un discours daté.

LR bouge, mais qui l’écoute ? Cette méthode du contre-projet offre à la droite une visibilité médiatique et lui permet d’être à l’initiative. Son rôle pivot à l’Assemblée doit lui donner une force motrice et pas simplement le pouvoir de faire tomber des projets de loi. L’abondance de mesures présentées jeudi déroute toutefois certains élus.

Trop de propositions énoncées trop vite. « On attend d’un parti une vision politique. Lorsqu’on présente un catalogue, c’est qu’on ne sait pas hiérarchiser », regrette un dirigeant LR.

« Il y a un grand risque à se précipiter pour proposer une série de mesurettes ressorties des tiroirs. Nous n’entrons pas dans les radars des Français en faisant cela. Peut-être même au contraire », ajoute un cadre.

A trop bouger, la droite risque de ressembler à Bip Bip. L’oiseau bleu du dessin animé bouge si vite qu’on finit par ne plus le voir.