« Nous entendons un discours, en France et dans l’UE, qui remet en question l’Etat de droit », avertit le premier président de la Cour de Cassation


Christophe Soulard, l’un des plus hauts magistrats de France, s’inquiète sur franceinfo des discours mettant en cause l’indépendance de la justice et de la presse.

Publié le 12/07/2024 12:38

Mis à jour le 12/07/2024 12:41

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Christophe Soulard, premier président de la Cour de cassation. (LUDOVIC MARIN / POOL via AFP)

« Chacun a le droit de critiquer une décision judiciaire, mais ce qui est moins normal, c’est quand on teste la légitimité même du juge », avertit jeudi 11 juillet sur franceinfo Christophe Soulard, le premier président de la Cour de cassation. Dans son rapport annuel, le Conseil supérieur de la magistrature s’inquiète des remises en cause de la justice et de l’État de droit, il plaide pour plus d’indépendance entre le monde politique et judiciaire. « L’État de droit n’est pas attaqué dans les faits, mais depuis un certain nombre d’années, nous entendons un discours, en France et dans l’Union européenne, qui remet en question l’Etat de droit », détaille-t-il, « c’est-à-dire que les juges dépassent le rôle qui leur est assigné, empêchent les législateurs de légiférer, le gouvernement de gouverner ». « C’est à cette petite musique que le CSM a voulu répondre, dans son rapport annuel », insiste-t-il.

Il cite comme principal danger, les atteintes à l’indépendance de la justice ou de la presse dans des pays voisins de l’UE, « deux piliers de la démocratie les plus vite attaqués en cas de régime illibéral », même si en France, « nous sommes au stade des discours ». Il répond aussi à la critique de laxisme, souvent faite par certains politiques à la justice. Cela ne « correspond pas du tout à la réalité, aux chiffres », selon Christophe Soulard, puisque « les peines prononcées dans les tribunaux augmentent sans cesse, la durée augmente, le nombre de détenus augmente aussi ».

Certaines critiques ont également été formulées contre l’indépendance des procureurs, actuellement nommés sur proposition du ministère de la Justice. « Il n’a jamais été question de les rendre totalement indépendants, le CSM ne le réclame pas », car « le gouvernement peut avoir une politique pénale, comme il a une politique économique », explique-t-il. Christophe Soulard réclame cependant plus de garanties sur leur nomination. En effet, lors des nominations, le CSM émet « un avis qui n’est pas obligatoire, et le gouvernement peut passer outre », même s’il précise que depuis quelques années « dans la réalité, le ministre ne passe jamais outre ». Il faut donc acter cette pratique, selon le CSM, et « rendre cet avis obligatoire » car cela « consoliderait le système » et éviterait qu’il soit « subordonné à un changement de pratique ».