ENTRETIEN. Européennes  : « Trois questions à se poser avant de choisir sa liste »


L’Association pour le soutien des principes de la démocratie humaniste (ASPDH), qui contrôle le journal Ouest-France, s’engage pour les élections européennes. Les citoyens français voteront le 9 juin pour leurs futurs eurodéputés. Interview avec David Guiraud, président de l’ASPDH.

Pour quelles raisons prenez-vous position avant l’élection européenne du 9 juin ?Nous ne prenons pas la parole pour appeler à voter pour un candidat ou une candidate en particulier, mais pour inviter les citoyens à bien mesurer les enjeux de ce scrutin. La construction européenne est dans les gènes de notre association, et la démocratie humaniste que nous défendons repose sur une information de qualité, indépendante, basée sur des faits avérés et vérifiés, qui éclaire et relie les communautés entre elles. Or nous nous trouvons dans une période de mutations fondamentales, où les deux – l’Europe et la démocratie – sont attaquées.

Nous vivons un changement d’époque ?Pas un changement d’époque, un changement de modèle  ! Michel Serres, Égard Morin et bien d’autres l’ont dit : nous sommes rentrés dans la troisième grande révolution de l’histoire de l’humanité. Après le passage de l’oral à l’écrit, puis de l’écriture manuscrite à l’imprimerie, voici le temps de la révolution numérique. Elle bouleverse notre vision du monde, où tout nous semble désormais aller trop vite.

Cette accélération contribue elle aussi à fragiliser nos démocraties.

David Guiraud, président de l’ASPDH. Archives Philippe Renault, Ouest-France

Comment ?La fierté d’appartenir à l’Europe reste forte dans notre pays.

Cet attachement repose plutôt sur la défense, pour les seniors et les jeunes, de la paix et la liberté d’échanger. Mais dans un contexte de grandes incertitudes, la peur conduit facilement vers des solutions simples et binaires. La montée du complotisme, ou la polarisation autour des extrêmes, en témoigne.

La tentation est grande de s’en remettre à ceux qui promettent un avenir radieux plutôt que d’affronter les grandes problématiques – climatiques, économiques, sociales, géopolitiques… – auxquelles nous avons à faire face. Les réseaux « anti-sociaux », par la diffusion de contenus violents, anxiogènes et non vérifiés, ne font qu’accentuer cela. On parle beaucoup de « fatigue informationnelle » aujourd’hui, ou de besoin de déconnexion.

Les publications du groupe Sipa Ouest-France y répondent en prenant du recul sur l’actualité, en donnant de plus en plus la parole aux citoyens, en montrant ce que l’Europe fait pour eux, concrètement, au quotidien…Lire aussi. Les médias face au « tsunami antidémocratique »Vous redoutez un taux d’abstention élevé le 9 juin prochain ?Ce n’est pas en restant chez soi que l’on fera bouger les choses. Chacun doit faire entendre sa voix.

Et voter pour les listes qui veulent voir l’Union européenne continuer à se développer plutôt que pour celles qui cherchent à la défaire. C’est toujours le but de la plupart des candidats populistes, même s’ils prétendent désormais le contraire, et une grande menace pour nos nations. Les extrêmes ont changé de discours, pas d’objectif : elles veulent détricoter l’Europe de l’intérieur.

C’est dangereux et aux antipodes de nos valeurs.Que propose l’ASPDH ?Il y a cinq ans, à l’occasion des élections européennes de 2019, l’association avait publié dix questions à se poser avant de choisir sa liste. Nous voulons en rappeler trois, qui restent tout particulièrement d’actualité.

1) La liste qui a votre préférence sera-t-elle intransigeante à l’égard des atteintes aux principes de la démocratie humaniste, comme le respect des droits de l’homme et des libertés individuelles, l’indépendance de la justice, la liberté de la presse ?2) Que propose-t-elle pour réduire efficacement la distance entre les citoyens et les institutions européennes ?3) Les candidats qui la composent veulent-ils doter l’Europe d’une politique extérieure et de sécurité commune à même de promouvoir la confiance, la coopération et la paix entre les peuples ?Vous mettiez déjà l’Europe de la défense au cœur des questions sensibles en 2019 ?À la veille du 80e anniversaire du Débarquement, il faut se rappeler que l’Europe n’est pas un État ou un territoire stabilisé comme le sont les États-Unis, la Chine ou la Russie, mais une construction en chemin. Un petit espace géographique comparé à ces empires, qu’il faut sans cesse consolider et qui fait bouclier dans un monde incertain. C’était une évidence pour les générations qui ont connu la guerre, ça l’est beaucoup moins pour celles qui ont suivi.

Penser que l’on pourrait lutter demain contre monsieur Poutine uniquement avec la défense française est totalement illusoire. Si Donald Trump, réélu président des États-Unis en novembre, décidait de refermer le « parapluie américain » qui nous a protégés de la guerre depuis la Libération, que ferions-nous ?