ENTRETIEN. « La réalité a dépassé la fiction ». Omar Sy et Laurent Lafitte dans « Loin du périph »


Laurent Lafitte et Omar Sy nous livrent quelques secrets autour de la fabrication de Loin du périph .

Pourquoi avoir attendu aussi longtemps pour tourner la suite de « De l’autre côté du périph » ?

Omar Sy : On avait très envie de retravailler ensemble. Mais il a fallu trouver une histoire qui nous plaise à tous les deux, qui valait le coup d’y retourner donc ça prend du temps. Et puis le temps nous a changés. Il y a dix ans, j’étais dans cette espèce de transition. Je n’avais pas encore embrassé le fait d’être un acteur. Aujourd’hui, c’est différent. Le plaisir était plus assumé, plus entier. Personnellement, j’ai préféré faire cette suite que le premier.

Laurent Lafitte : Et puis on est plus libres maintenant. On s’embarrasse moins de savoir ce que les gens vont penser de ce qu’on fait. Du coup, on s’amuse et on se lâche, on est plus détendus qu’il y a dix ans car on n’a plus rien à prouver.

O.S : Le fait que le film sorte directement sur Netflix ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’objectif de résultat pour autant. Mais c’est quand même un peu de pression en moins comparé à une sortie en salle.

Y a-t-il eu beaucoup d’improvisation pendant le tournage ? Par exemple, la scène de l’autopsie et de la touillette était-elle écrite ?

O.S : (Il rigole) C’était incroyable. Ça, c’est son génie à Laurent. Moi, je sais que je ne peux pas faire ça. Mon cerveau n’ose pas aller sur ce terrain. Donc ça me fait énormément rire quand quelqu’un ose. Laurent arrive à trouver de la finesse et de la classe pour faire une scène comme celle-là, alors que ça pourrait juste être vulgaire.

L.L : Mais c’était un geste purement technique ! (Il rigole à son tour)

O.S : Le truc de retrouver la touillette utilisée pendant l’autopsie quelques scènes plus tard, c’était ton idée au moment de tourner. Il y avait beaucoup d’improvisation de manière générale, car on sait qu’on fonctionne bien tous les deux.

Il y a beaucoup plus d’action dans ce film que dans le premier. Comment avez-vous préparé ces scènes de combat et de courses-poursuites ?

L.L : C’est surtout Omar qui a eu du boulot !

O.S : Si on tournait une suite, je savais qu’il fallait tout monter d’un cran. Aussi bien l’action que la comédie. Pour les scènes où je me bats, c’était simple. J’ai beaucoup dansé quand j’étais jeune. Des chorégraphies, ce sont des mouvements à mémoriser dans le corps. Les scènes de combat, ce ne sont rien d’autre que des chorégraphies. C’est comme de la danse finalement. Et ça me plaît assez, je suis à l’aise avec ça.

Y a-t-il eu un peu de gravité sur le plateau après les événements liés à l’actualité, comme l’assaut du Capitole qui résonne avec cette milice extrémiste évoquée dans le film ?

O.S : On a plutôt essayé d’avoir un peu de dérision là-dessus. Parce que c’est vrai que quand le film s’écrivait, l’actualité a rejoint notre scénario. C’était assez effrayant.

L.L : Au bout d’un moment, on a même été un peu dépassés par la réalité. Au départ, dans le film, on devait parler d’une armée assez organisée, avec des uniformes qui ressemblaient à ceux de ces jeunes d’extrême droite qui interviennent aux frontières, dans la montagne, pour bloquer les migrants. Et puis après, c’est devenu des monsieur et madame Tout-le-monde qui d’un coup se mobilisent pour un idéal fasciste. Là, ça ressemblait un peu plus à ceux qui ont envahi le Capitole. Mais ce qu’on n’avait pas anticipé, c’était le discours du maire dans le film. On s’est fait doubler par (Éric) Zemmour pendant la campagne présidentielle sur ce coup !

O.S : En plus, en écrivant ce personnage on se disait : « Bon, on en met une bonne couche, on y va à fond » ! Et finalement…

L.L : Ce n’est pas tant le niveau de racisme et de xénophobie qui nous a surpris, mais la manière dont il le verbalisait sans complexe. Ça, on n’avait pas anticipé que ça allait malheureusement devenir une norme au moment où le film sortirait.

Le film n’est pas très flatteur pour les gens qui habitent en montagne, ou en province en général. Ils sont présentés comme étant tous racistes et fermés sur eux-mêmes, vous ne trouvez pas ?

L.L : Nous ne faisons pas un portrait des provinciaux. Le film est axé sur Ousmane et François, sur leur façon d’appréhender le fait d’être en province. Je joue le parisien qui est persuadé d’avoir des codes un peu plus ruraux alors qu’il est ridicule. Omar joue le flic de banlieue, habitué à un environnement hyperurbain qui est supposé être angoissé dans la nature, mais qui renverse les clichés justement. Ce qu’on vise ici, c’est surtout leurs réactions à eux face à une situation comme ça. Il n’y a aucune intention de stigmatiser qui que ce soit.

Omar, vous retrouvez le réalisateur Louis Leterrier après « Lupin ». Cela a-t-il facilité le tournage de « Loin du périph » ?

O.S : Louis, c’est un réalisateur assez simple. Avec l’expérience Lupin, je sais ce qu’il va chercher. Je comprends tout ce qu’il met en place, mais ce n’était pas évident au départ.

L.L : C’est vrai que pour ma part, j’étais un peu décontenancé au début par ce côté couteau suisse très technicien. J’ai eu peur, parce que c’est vraiment un réalisateur d’image. Je n’avais jamais tourné avec un réalisateur qui se cachait derrière une steadicam. Il surveille tellement son cadre que je me disais qu’il ne pouvait pas voir le jeu en même temps. Mais il avait bien un avis sur les prises, donc ça m’a vite rassuré.

Sortir le film sur une plateforme internationale comme Netflix, c’est pour montrer que la France peut aussi faire ce genre de comédie d’action ?

L.L : Je trouve ça génial que les œuvres françaises aient une visibilité pareil, ça n’a jamais existé. Parce que les films français qui sont distribués à l’étranger, au cinéma, il y en a très peu et c’est dans des circuits très réduits.

O.S : D’autant plus que ce n’est pas ce genre de cinéma français qui s’exporte habituellement. C’est l’une des choses qui me plaît énormément quand on fait quelque chose pour Netflix, cette exposition à l’international. C’est intéressant de voir comment ça va être perçu et reçu, et de montrer autre chose du cinéma français. Il peut y avoir de belles surprises. Je suis bien placé pour le dire !

L.L : Autant, quand on va voir un film en salles, le plaisir c’est de partager avec d’autres gens présents. Autant là, c’est un plaisir partagé avec le monde entier. Que tout le monde regarde et s’emballe pour la même chose, au même moment, que ce soit devant Lupin ou Squid game , c’est totalement nouveau et c’est réconfortant je trouve.

Loin du périph, déjà disponible sur Netflix, 1 h 59

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