Etats-Unis, Inde, Japon, Australie : le Quad uni face à la Chine


« C’est une gaffe géniale ! » Le turbulent et facétieux Masahisa Sato ne se tient plus de joie. Directeur de la commission des Affaires Étrangères et de la Défense à la Diète japonaise, ce député, ex-commandant dans les Forces d’Autodéfense (l’armée japonaise), est l’aiguillon militariste de sa majorité. Il ne cesse de rameuter l’opinion, veut réarmer le pays et appelle à une franche confrontation avec la Chine. Or ce 23 mai, il vient de se trouver le meilleur allié qui soit en la personne de… Joe Biden. À la question, en conférence de presse à Tokyo, d’un éventuel appui militaire américain à Taïwan en cas d’attaque chinoise, le président américain a répondu par un retentissant et historique : « Yes ». « C’est la meilleure gaffe que Joe Biden ait jamais faite », renchérit Masahisa Sato. 

Gaffe ou aveu? Joe Biden a en tout cas vendu la mèche lors de sa première visite en qualité de chef d’État américain en Asie, à Tokyo, les 23 et 24 mai. Certes, il y a bien retrouvé ses homologues japonais, indien et australien, venus pour parler commerce et sécurité. Comme prévu. Mais dans des formats si pauvres qu’ils sont vite apparus comme des prétextes. Le 23 mai, le président des Etats-Unis a lancé de Tokyo un accord régional, l’Ipef, réunissant treize nations d’Asie-Pacifique. Cette initiative est censée compenser le retrait américain en 2017, sous Donald Trump, du TPP, un ambitieux accord réglementaire qui aurait dû donner naissance à un gigantesque espace économique et commercial indo-pacifique homogène.

Etats-Unis, Inde, Japon, Australie : le Quad uni face à la Chine

Pétard mouillé

Lors de la réunion inaugurale L’Australie s’est faite représenter par… un sous-secrétaire d’État. Dans le Nikkei, l’éditorialiste Lionel Barber résume l’Ipef en ces termes: « C’est comme si vous invitiez quelqu’un à déjeuner pendant le Ramadan ». Le lendemain de ce pétard mouillé, Joe Biden et ses trois partenaires réunis pour l’occasion à Tokyo ont tenu une réunion du Quad, sorte de dialogue à quatre sur les enjeux économiques et de défense de la région; mais pour déboucher, une fois encore, sur un communiqué commun plat comme un trottoir et rempli de bonnes intentions.

Joe Biden avait déjà deux fois répondu par l’affirmative à une question sur une éventuelle assistance militaire américaine à Taiwan face à la Chine. Mais jamais en Asie. Son administration a eu beau pédaler ultérieurement et jurer ses grands dieux que rien n’avait changé; la messe est dite. Jusque-là, Washington cachait son jeu derrière les vagues termes du Taiwan Relations Act adopté par le Congrès en 1979 et une position dite d’ »ambigüité stratégique », sorte d’ »en même temps » diplomatique qui inhibe Pékin et Taipei pour qu’ils n’entrent pas frontalement en conflit. « La position exprimée par Joe Biden est différente de ce qui est prévu dans le Taiwan Relations Act. Ce cadre légal n’engage Washington qu’à fournir à Taipei les armements nécessaires à sa défense, et non pas à la défendre directement. C’est donc fondamentalement différent d’une alliance militaire formelle telles que celles que les États-Unis ont avec le Japon et la Corée du Sud », décrypte Benoît Hardy-Chartrand, chercheur à l’Université Temple. 

Le ton brutal de Biden : une libération pour ses alliés en Asie

Décidément, Masahisa Sato peut dire « merci » à Joe Biden.