vendredi, 7 mai 2021. 11 :08
BARCELONE, Espagne – Courageux ou fou? Juan Manuel Correa reprend le volant en Formule 3 ce week-end en Catalogne, vingt mois et autant d’opérations chirurgicales après l’accident de F2 du 31 août 2019 à Spa-Francorchamps, fatal à Anthoine Hubert.
« Cet objectif m’a motivé à travers ma convalescence, même si tout le monde disait que c’était fou », affirme le pilote de 21 ans, grièvement blessé aux jambes.
« Revenir est ce dont j’avais besoin pour être sauvé, en quelque sorte. »
Correa a perdu une grande partie de la mobilité de sa cheville droite et a du mal à marcher au-delà de courtes distances. Son pied gauche n’a plus toute sa sensibilité.
dans une monoplace identique à celle de ses adversaires, sinon des freins plus souples.
« Mon rêve (d’arriver en F1) est toujours là, clame l’Américain d’origine équatorienne. Je sais que j’en ai les moyens.
Si je n’y parviens pas, ça ne sera pas à cause de mes limites physiques. »
Sans hésitation, le jeune homme qui se souvient « de tout », raconte. L’accident, la « douleur immédiate », « insoutenable » et « effrayante » aux jambes, la droite « pliée dans le mauvais sens ».
Il a gardé sa combinaison ensanglantée pour la faire encadrer. « Je me suis saisi de ça et j’apprécie d’avoir réussi à m’en sortir », dit-il.
« Puits très noirs et très profonds »
Au réveil, il lui faut choisir entre amputer sa jambe droite et tenter de la sauver, au risque de ne pas survivre à l’opération. Il opte pour la deuxième solution, mais « ne le conseillerai(t) à personne ».
Les mois suivants sont « à devenir fou, entre la douleur constante, le manque de sommeil et l’impact mental.
Je suis tombé dans des puits très noirs et très profonds au début », confie-t-il.
Dans l’accident, alors qu’il n’avait plus aucun contrôle de sa monoplace, Correa a heurté Anthoine Hubert.
« J’ai son sang sur les mains, mais je ne me suis jamais senti coupable, poursuit-il.
C’était plutôt comme un choc : j’ai tué mon ami, ça n’est de la faute de personne, mais c’est arrivé. C’est un sentiment sinistre. »
Viennent ensuite les questions: « Vais-je pouvoir vivre normalement? Me lever seul pour pisser la nuit? »
Voyant ses anciens concurrents Mick Schumacher et Nikita Mazepin progresser vers la F1, Correa sent « (son) train s’en aller sans (lui) ».
Il commence aussi à s’habituer à cette vie en fauteuil roulant, s’y trouvant « presque trop confortable ».
« Au fond je suis un pilote »
Se recueillir un an après à Spa-Francorchamps lui permet de se relancer. « Ça m’a apporté la paix et m’a donné hâte de revenir », se souvient-il.
Sébastien Philippe, une place en F3. « La première chose que Seb m’a dite, c’est que c’était un peu tôt pour 2022, se remémore l’Américain. Je lui ai répondu que je visais 2021.
»
Il est alors encore en fauteuil, la jambe droite entourée d’un exosquelette. Pas grand monde à part lui-même ne le croit capable de revenir aussi vite.
« Au début, on s’est fait un peu peur », admet Philippe, selon qui Correa a gagné sa place sur des critères sportifs, au-delà de la belle histoire.
« On n’aurait pas dit ça en janvier mais, dès les premiers essais, on a vu qu’il récupérerait l’intégralité de ses moyens. »
Que peut-il espérer pour sa reprise? « Ça manque encore un peu de constance, estime son patron. Il a ce qu’il faut pour essayer de jouer dans le le top-10.
»
Reste à voir si le mental suivra à l’extinction des feux samedi à 10 h 35, en ouverture du GP d’Espagne de F1. « Je suis convaincu qu’au fond je suis un pilote, répond l’intéressé. Je suis très compétitif, j’aime gagner et ça viendra toujours avant la prudence ou la peur.
»
« Mais ça va prendre un peu de temps de retrouver cet état d’esprit. On va courir et je ne sais pas trop à quoi m’attendre, reconnaît-il. Ca fait partie du processus: revenir, gagner en confiance, avoir des résultats et reprendre le rythme d’une saison.
»
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