Réduire la dette publique, mais comment ?


Un mois et demi après l’adoption de la loi de finances pour 2024, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire entérine un plan d’économie de 10 milliards d’euros… Depuis, la question du déficit public occupe l’actualité, et un récent sondage, réalisé par l’institut Elabe pour BFMTV*, s’est penché sur l’opinion des Français.
Le message est passé et la question de la réduction du déficit ne fait pas débat : 81 % des personnes interrogées considèrent qu’il est urgent, voire très urgent, d’agir, et cette opinion dépasse les clivages politiques. Dans le détail, l’ampleur de la dette publique, à 3 000 milliards d’euros, est en réalité méconnue par trois Français sur quatre, entre ceux qui ne connaissent pas son montant, et ceux qui le sur- ou sous-estiment. « Ce qu’il faut retenir, c’est le sentiment qu’on est trop endetté », tranche Vincent Thibault, de l’institut Elabe.
Pour réduire la dette, le levier prioritaire cité dans 79 % des cas est la diminution du train de vie de l’État, ce qui sous-entend la réduction du budget des ministères et la suppression de comités, agences et autorités publiques. Vincent Thibault y voit « une très forte critique sur la manière dont les pouvoirs publics utilisent l’argent, ce qui est une tendance ancienne, antérieure à Emmanuel Macron ». La mauvaise utilisation des impôts et taxes, le manque de lutte contre la fraude sociale et fiscale sont ainsi des critiques respectivement adressées par 79 %, 77 % et 76 % des personnes interrogées.
Le second levier le plus cité (49 %) pour diminuer le déficit serait d’agir sur les recettes, en augmentant les impôts des entreprises ayant fait le plus de profits. Cette solution, clivante, est citée par 68 % des électeurs de gauche, 43 % des partisans LREM et alliés, et 35 % des électeurs de droite. La hausse des impôts des particuliers les plus aisés, souvent citée (34 %), est tout aussi clivante, à 57 % des répondants se situant à gauche et à 17 % pour les électeurs de droite. La hausse globale des impôts sur le revenu des particuliers est unanimement rejetée, citée par moins de 5 % des répondants quelles que soient leurs opinions.
En termes de domaines de dépenses où réaliser des économies, les aides aux entreprises viennent en premier, citées par 36 % des personnes interrogées, juste devant les allocations familiales (35 %) et chômage (32 %). Mais, dans tous les cas, les solutions prônées sont très clivantes en fonction des opinions politiques de la personne qui répond. Ainsi, la réduction des allocations est une idée chère aux partisans du Rassemblement national, 55 % pour les allocations familiales et 48 % pour le chômage, alors que ces chiffres sont respectivement de 43 % et 52 % pour ceux du parti présidentiel et de 20 % et 13 % pour les électeurs de gauche. « Depuis plusieurs années, Elabe réalise un sondage pour l’Unedic, qui porte sur l’image du système. Il y a deux à trois ans, nous avons observé un durcissement de l’opinion sur le système d’assurance chômage », explique Vincent Thibault. Cette temporalité correspond à la baisse du chômage, à la perspective du plein-emploi, et au fait que nombre de postes ne sont pas pourvus, dans la restauration et l’hôtellerie par exemple. « Dans l’esprit des gens, au sein des dépenses sociales, il y a d’un côté les allocations, très vite assimilées à de l’assistanat, voire potentiellement de la fraude, et de l’autre les autres prestations, comme la retraite et la santé », résume Vincent Thibault.
Il n’est en effet pas question de toucher à ces dernières. Les répondants sont seulement 5 % à citer la santé, 4 % les retraites et 4 % le vieillissement/la dépendance comme gisements d’économies. Ces secteurs sont « sanctuarisés », comme le sont l’agriculture et l’éducation, citées respectivement par 6 % et 4 % des personnes interrogées. Derrière le trio de tête des aides aux entreprises et des allocations familiales et chômage, les Français estiment que les économies pourraient être réalisées dans l’environnement et la transition écologique et énergétique (23 %). Cette idée est plutôt moins clivante que celles de la réduction des aides aux entreprises ou des allocations familiales et chômage.
L’urgence de la réduction du déficit public semble donc en éclipser une autre, celle de la lutte contre le dérèglement climatique.

Séverine Charon

* Sondage réalisé les 26 et 27 mars par Internet, auprès d’un échantillon représentatif de 1 002 personnes.