Aurore Clément, fille d’agriculteurs modestes, a débuté comme mannequin après avoir travaillé à l’usine. Elle est devenue célèbre en 1974 en incarnant une jeune fille juive dans le film de Louis Malle Lacombe Lucien.
Je ne serais pas arrivée là si…
Si, quand j’avais 17 ans, mon père n’était pas mort dans mes bras à 23 heures, un soir. Si je n’avais pas eu la responsabilité d’élever ma petite sœur, morte trois ans après, et de prendre soin de ma mère, qui était infirme, dans ce petit village de Buzancy dans le nord-est de la France. Si la vie ne m’avait pas donné la responsabilité de m’occuper de mes deux amours, ma sœur et ma mère, je n’aurais sans doute pas eu le courage d’aller plus loin. Je le dis sans pathos, mais il m’est resté de toutes ces épreuves une tristesse profonde qui m’accompagne encore aujourd’hui. C’était tellement à hurler de douleur que si je ne me relevais pas, ça aurait été la fin. Il fallait que je vive.
Quelle était votre vie avant le décès de votre père ?
J’ai grandi partagée entre deux mondes. Celui de mes parents, la paysannerie, la ferme, les terres, et celui de ma tante qui m’a plus ou moins élevée, et qui était couturière à Soissons. Elle m’a appris le beau. Elle retaillait des manteaux de fourrure pour des personnes qui étaient revenues des camps et étaient dans le besoin. Elle m’emmenait dîner les vendredis soir chez ces gens merveilleux, rares, affectueux. Cela me changeait du monde de la campagne, si dur. Ces deux milieux m’ont aidée à grandir.
D’où venaient vos parents ?
Mon père était issu d’une famille de petits paysans dignes et travailleurs dans cette région du Nord-Est qui était sur la route des Allemands. Nous étions à une centaine de kilomètres de Paris qui nous en paraissaient mille. Je suis une enfant de l’après-guerre. Quand j’étais petite, il y avait encore les traces des combats, tout était en ruine, rien n’était reconstruit. On ne s’en rendait pas compte, pourtant. Nous savions que quelque chose de terrible s’était passé, il y avait beaucoup de misère, mais ça allait, nous avions de quoi manger.
Et votre mère ?
On racontait que son père avait été trouvé sur une plage La suite est réservée aux abonnés.